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Paris Les Mains dans les Poches, ou les Années 1860 d’Étienne Carjat

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Né le 1er avril 1828, Étienne Carjat est le cadet, d’environ huit ans, de Nadar et Baudelaire.

Les idées politiques l’occuperont durant toute son existence et c’est un homme engagé qui à 20 ans est brièvement lieutenant de la garde nationale, pendant les journées révolutionnaires de 1848.

Son autre passion est le théâtre et chaque semaine, il se rend à la porte Saint-Martin admirer Frédérick Lemaitre.

Carjat apprend la photographie auprès de Pierre Petit qui lui-même avait été le brillant assistant de Disdéri. Pendant plusieurs étés il tient, pour son patron Petit, un établissement saisonnier installé aux bains de Bade où la haute bourgeoisie se rend en thalassothérapie. Carjat photographie et croque au pastel et aux crayons de couleurs. Ses idées révolutionnaires et ses caricatures mordantes ont le bonheur de plaire aux Rothschild et a leurs fortunés amis.

Carjat restitue chaque été aux tables de jeu sa fortune éphémère mais se constitue un réseau de relations qui va le suivre et le soutenir de retour dans la capitale.

Le 20 avril 1861, il inaugure son atelier de photographie, en rez-de-jardin au 56 rue Laffitte, presqu’au même moment où son ami et concurrent Félix Nadar inaugure le sien, au 35, boulevard des Capucines. Même s’il est trois fois inférieur à celui de Nadar , le loyer de Carjat reste conséquent : 3.000 Frs par an.

Carjat « saisissait l’homme, son cuir, ses poils, ses pleins et ses foncés » (Robert Kemp, Le Temps, 1937). Il « invitait toujours ses modèles à prendre l’attitude qui leur était naturelle, sans artifice ni recherche. La construction de ses photographies était très rigoureuse, l’image s’arrêtant toujours aux genoux, donnant toute l’importance au visage et à l’expression. Le modèle regarde généralement le photographe de face, ce qui donne une intensité plus grande à l’image » (Philippe Néagu).

Une joyeuse compagnie d’artistes et de journalistes partage d’abord, pendant deux ans, les locaux de la rue Laffitte où Carjat a fondé le Boulevard, une revue littéraire dans laquelle paraîtra nombre de caricatures d’artistes, en janvier 1862. Baudelaire participe à l’aventure et pendant toute la durée de vie du journal (18 mois), ce sera le principal et presque unique moyen d’expression et de subsistance du poète.

Tandis que Nadar s’est lancé dans une audacieuse entreprise financière en reprenant les locaux de Gustave Le Gray du 35 boulevard des Capucines, Carjat investit dans une revue, si rare aujourd’hui qu’elle n’est presque jamais citée.

Et pourtant le Boulevard est reconnu par les historiens comme l’une des plus belles publications illustrées du second Empire. De nombreux talents s’y croisent et s’y détestent : un jeune journaliste note la tenue de Baudelaire. Il le racontera plus tard dans une injuste notice nécrologique : « Je regardai avec curiosité … et remarquai tout de suite qu’il avait une tête de comédien : la face rasée, rosâtre et bouffie, le nez gras et gros du bout, la lèvre minaudière et crispée, le regard tendu ; ses yeux, que Monselet définissait : deux gouttes de café noir vous regardaient rarement en face ; il avait l’air de les chercher sur la table tandis qu’il parlait, dodelinant du buste et traînant la voix. Il avait au cou une cravate de foulard rouge, sur laquelle retombait un énorme col de chemise à la Colin et était enfermé dans un grand paletot marron boutonné et flottant comme une soutane» (Jules Vallès, La Rue, 7 septembre 1867).

Le 14 juin 1863, le journal paraît bordé de noir, avant de disparaître suite à une décision de fermeture administrative. Carjat reçoit pendant un temps l’aide de l’un de ses associés maçons : Benjamin Gastineau (1823-1903), puis, après deux années difficiles, Carjat doit céder le bail et son fonds en 1865. Dix ans et une guerre civile plus tard, il dresse en 1875 un bilan de son activité: il a réalisé un total de 2.000 portraits (soit 3 par semaine pendant 14 ans) mais presque aucun depuis la Commune car ses plus riches clients l’ont alors lâché. Il lui reste à rééditer son œuvre des années précédentes, et il participe à la Galerie contemporaine (1876) où ses portraits interprétés en photoglyptie deviennent universellement célèbres : Baudelaire, Monselet etc…

Madame Jeanty-Carjat, (née en 1863) hérite du fonds d’atelier de son père en 1905, le lègue à Lemery, qui le revend à Roth en 1923. André Jammes le retrouve dans le XVe arrondissement, hélas sans aucun des négatifs des quatre portraits successifs de Baudelaire. Il offre les deux caisses de clichés-glaces à la Bibliothèque Nationale en 1980.

http://www.plantureux.fr

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