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Palais de la Porte Dorée – La Martinière : Fabrice Héron : Olympisme, une histoire du monde

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À quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, l’inauguration de nombreux événements autour du sport se multiplient révélant la pratique de la photographie sportive.

Fabrice Héron, iconographe de l’exposition « Olympisme, une histoire du monde » [lien https://www.palais-portedoree.fr/programmation/expositions/olympisme-une-histoire-du- monde] : qui se tient au Palais de la Porte Dorée jusqu’au 8 septembre, présente le catalogue édité par La Martinière [lien : https://www.editionsdelamartiniere.fr/livres/olympisme-une- histoire-du-monde] de l’exposition et son riche corpus photographique. Soixante spécialistes réunis sous la direction de Pascal Blanchard retracent 130 d’histoire sportive à travers l’image.

Un projet qui a rassemblé près de 6000 images de toutes sortes (dessin, affiche, photographie) produites entre 1896 et 2024 dont près de 1000 sont publiées dans l’ouvrage. L’occasion de revenir sur l’évolution de la photographie sportive.

 

Introduction

La photographie de sport un monde à part ? Éloignée des grandes foires comme Paris photo, des festivals comme Visa, longtemps absente des galeries ou des ventes aux enchères, la photographie sportive apparaît comme un genre à part. Entre performance technique et portée universelle, la photographie de sport serait-elle condamnée à la difficulté de se détacher de son sujet en masquant la dimension documentaire et l’aspect artistique ?

De Jacques Henri Lartigue auteur de clichés exceptionnels de tennis et de rallyes automobiles au début du siècle à Nat Fein récompensé du prix Pulitzer en 1949, de Raymond Depardon qui couvrit les Jeux de Tokyo en 1964 et ceux de Moscou en 1980 à Harry Gruyaert auteur d’une série plasticienne TV shots sur les Jeux de Munich en 1972, en passant par David Burnett cofondateur de l’agence ContactPress images qui navigue du reportage de guerre aux Jeux de Los Angeles de 1984, les grands noms ne manquent pas !

Forte d’une diversité d’écritures et de contenus, la photographie sportive comporte différentes fonctions : sociale, politique, historique, voire scientifique.

Les origines

A la fin du 19ème siècle, la photographie sportive est le reflet de sociétés devenues plus libérales et tournées vers les loisirs, qui laissent plus de place à la détente et au sport. C’est à ce moment-là, en 1894, que Pierre de Coubertin, qui milite pour l’introduction du sport dans les établissements scolaires, rénove les Jeux Olympiques en créant le Comité international olympique (CIO).

Les Jeux olympiques d’Athènes en 1896, nommés Jeux de la première olympiade, se déroulent durant neuf jours de compétition pendant lesquels 241 sportifs s’affrontent dans neuf sports différents pour un total de 122 médailles. Événement international au même titre qu’une exposition universelle, les photographes amateurs comme les journalistes y accourent. Les plus grands titres (The Times, La Gazzetta dello Sport, Le Vélo) envoient leurs reporters dont huit photographes accrédités.

Le photographe allemand Albert Meyer accompagne la délégation allemande dans le but de constituer un album photographique des premiers Jeux Olympiques. Ses photographies sont publiées dans le journal berlinois Sport im Bild.

Nous parviennent de magnifiques séries sur la cérémonie d’ouverture au stade panathénaïque, sur les délégations, sur les compétitions : lancer de disque, escrime au Zappeion hall, victoire du cycliste Masson, etc. Ainsi que les portraits d’athlètes tels le nageur hongrois Alfred Hajos et le marathonien grec Loúis Spyrídon.

La durée d’exposition des chambres ou des premiers Kodak ne permettent pas des courts temps de pose. Les athlètes semblent prêts à partir comme sur le départ de la course 100m ou celui de la course vélocipédique. Pourtant, ils attendent plusieurs longues minutes sans bouger avant la fin de la prise.

En France, Joseph Jules Beau produit une œuvre d’une diversité et d’une modernité étonnantes dont les tirages sont aujourd’hui conservés à la BNF. Attiré par le sport, il se spécialise dans ce domaine, réalisant de nombreux portraits de sportifs toutes catégories, avec une prédilection pour le cyclisme et la compétition automobile au point d’être considéré aujourd’hui comme « le premier reporter sportif de l’histoire ».

Le sport, un terrain de conquête pour les valeurs sociales

 Accompagnant les changements sociaux au début du XXème siècle, la photographie sportive jouit d’une visibilité et d’une plus grande notoriété grâce à la naissance des revues telles que L’Auto (ancêtre de l’Équipe), La vie au grand air fondée en 1898 mettant en scène des femmes à l’image de la joueuse de tennis Suzanne Lenglen ou la nageuse Alice Millat.

En 1931, alors que se profile l’Exposition coloniale internationale à Paris, apogée de la domination française sur ses possessions outre-mer, un « indigène algérien » jusqu’alors inconnu répondant au nom de Ahmed Boughera El Ouafi, s’impose en 1928 contre toute attente lors de la prestigieuse épreuve du marathon des Jeux d’Amsterdam. A la surprise générale, il remporte la médaille d’or en 2 heures et 32 minutes. Exploit que réitèrera son compatriote Alain Mimoun en 1956 à Melbourne.

Plus proche de nous, aux Jeux de Londres 2012, la Britannique Nicola Adams devient pionnière en étant la première femme à remporter une médaille d’or olympique en catégorie poids mouche en boxe.

Enfin, les Jeux de Tokyo ont été ceux de la visibilité pour les athlètes LGBTQ+ à l’image de l’équipe féminine allemande de hockey arborant des chaussettes aux couleurs du « Rainbow Flag », de l’haltérophile néo-zélandaise Laurel Hubbard, assignée garçon à sa naissance sous le prénom de Gavin, ou encore de la rameuse polonaise Katarzyna Zillmann, qui après avoir remporté la médaille d’argent avec son équipe d’aviron, a pris le micro et a remercié sa compagne. Une jeune génération qui se saisit aussi des outils à sa disposition et donc des réseaux sociaux en prenant la parole directement depuis l’enceinte des jeux.

Caractère scientifique

A partir des années 1870, le Français Etienne-Jules Marey (1830-1904), et dans son sillage l’Américain Eadweard Muybridge (1830-1904), se servent d’instantanés photographiques par le biais du fusil photographique et de la « chronophotographie » pour décomposer le mouvement des sportifs. En figeant les poses successives de leurs modèles, les deux hommes peuvent dissocier le détail des gestes sportifs.

A Pékin en 2008, pour sa première finale olympique, Usain Bolt établit le record du monde au 100 m en 9’’69 battant ses adversaires avec une aisance ahurissante en relâchant ses efforts à une vingtaine de mètres de l’arrivée. Il récidive quelques jours plus tard en s’imposant au 200 m réalisant un nouveau record du monde en 19’’30 faisant du sprint un spectacle mondial.

Dimension politique

L’imagerie sportive se révèle être politique et les Jeux Olympiques sont une occasion d’en témoigner. Si la montée du fascisme en Italie et en Allemagne, a eu le tort d’annuler les jeux de 1940 pour cause de guerre mondiale, elle n’a pas pu enrayer l’inéluctable victoire du coureur Africain Américain Jesse Owens remportant quatre médailles d’or sous les yeux furibonds du führer aux Jeux de Berlin en 1936.

En 1968 à Mexico, en plein combat pour la reconnaissance des droits civiques aux Etats- Unis, la photographie du point levé ganté de noir de l’athlète américain Tommie Smith, et de son compatriote John Carlos, sur le podium du 200 mètres est devenue iconique. Très symbolique, ce geste est souvent associé au Black Panther Party, bien que Tommie Smith n’en ait jamais fait partie. Il se réclamait de l’Olympic Project for Human Rights (OPHR), groupe qui proposait un boycott des Jeux olympiques par les athlètes afro-américains tant que leurs droits civils ne seraient pas respectés. Moins connu est le soutien de l’athlète australien Peter Norman, numéro 2 sur le podium, qui porte un badge de l’OPHR. Conspués par les spectateurs, les athlètes seront suspendus de leur équipe, bannis du village olympique avant d’être interdits de compétition à vie. Ce moment est relayé, grâce à la photographie de sport, dans tous les médias et les athlètes deviennent des icônes de la lutte pour l’égalité de la communauté Africaine-Américaine.

Après la tuerie de Munich, en 1972, et la décision des pays africains de boycotter les Jeux de Montréal en 1976, la présentation des olympiques est à nouveau obscurcie par une polémique à caractère politique. Le président américain Jimmy Carter demande au Comité olympique de son pays de ne pas envoyer d’athlètes aux Jeux d’été de Moscou en 1980 afin de protester contre l’intervention militaire de l’URSS en Afghanistan.

Révélateur d’Histoire

En 1956 aux Jeux de Melbourne, les équipes de water-polo de l’URSS et de la Hongrie s’affrontent dans un violent pugilat moins d’un mois l’insurrection de Budapest matée par l’Armée rouge. En préambule, la délégation hongroise avait découpé les symboles communistes du drapeau de la Hongrie flottant au village olympique. Les deux équipes se sont qualifiées pour la poule finale. Au cours du match, le joueur soviétique Valentin Prokopov donne un coup de tête au Hongrois Ervin Zádor qui avait déjà marqué deux buts. Les deux équipes en viennent aux mains et plusieurs joueurs sont blessés dans la piscine, au point que l’eau est devenue rouge sang. La police australienne doit intervenir pour éviter le lynchage de l’équipe soviétique par les spectateurs. La Hongrie finit par remporter le match 4 buts à 0 et ramènera la médaille d’or en gagnant son dernier match de poule le lendemain contre la Yougoslavie.

Autre affrontement resté dans les annales, la finale de basketball en 1972 à Munich opposant l’équipe américaine, imbattue depuis l’introduction du sport aux Jeux olympiques en 1936, et sa rivale soviétique. Alors que l’URSS domine sur le score de 49-48, à trois secondes de la fin de la rencontre, l’Américain Doug Collins se voit offrir deux lancers francs qui permettent à son équipe de l’emporter. Les Soviétiques, arguant auprès des juges un temps mort ignoré entre les deux lancers de Collin, se font octroyer 3 secondes puis 3 autres secondes supplémentaires à cause d’un chronomètre mal réglé. Six secondes pendant lesquelles ils inversent le score enlèvent la victoire face aux Américains anéantis.

L’évolution et la technique

Les Jeux Olympiques sont également l’occasion de tester des techniques expérimentales inédites. Certains fabricants d’appareils photos prêtent d’ailleurs souvent aux photographes de nouveaux appareils et objectifs avant leur mise en vente sur le marché.

Les photographes vont rechercher les points de vue originaux (même sans téléobjectifs !) et travailler sur le mouvement grâce à des innovations comme le flash ou la diminution du temps d’exposition des appareils. Le point de vue, c’est l’endroit où le photographe choisit de positionner son appareil, et c’est un élément crucial en photographie sportive. En effet, c’est le point de vue qui donne à la photo toute sa profondeur. Son point de vue permet également de montrer des perspectives inhabituelles que le spectateur ne pourrait saisir lui- même.

Une révolution technique se produit à partir des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 lorsqu’il est désormais possible d’obtenir des vues des nageurs prises depuis le fond de la piscine.

La photographie de sport est un art qui requiert une grande maîtrise des différentes techniques dû au dynamisme des sujets et les accessibilités aux différents lieux.

Une vitesse d’obturation rapide est idéale pour figer le mouvement quand la profondeur de champ saisit les différents types de mouvements. Les photographes s’équipent d’objectifs de différentes longueurs focales est utile pour photographier des sports en direct avec l’appui d’un zoom pour vous rapprocher de l’action. Enfin, la photo panoramique permet de capturer un objet en mouvement tout en laissant la scène environnante floue pour figurer le mouvement.

Le tournant numérique

Une autre révolution se produit à partir des années 2000 et au moment de l’arrivée de la photographie numérique. Retouchées, les photographies sportives deviennent des visuels encore plus efficaces graphiquement, reflétant l’émotion du moment, la vitesse et les couleurs vive. Grâce aux progrès techniques, les photographes n’ont plus nécessairement besoin d’être derrière leur appareil pour bénéficier des points de vue les plus insolites. Les appareils peuvent aujourd’hui être activés à distance, parfois simultanément, ils peuvent être fixés sur des drones.

Conclusion

Les Jeux Olympiques constituent un rendez-vous aussi crucial pour les sportifs que pour les photographes qui sont tenus de tenir le rythme effréné des compétitions ! Dans le sport aucun voyeurisme il faut être synchrone avec l’action. Le talent des photographes, leurs capacités créatives mais aussi les progrès techniques permettent de restituer le plus justement possible la fugacité de l’instant et l’intensité de la compétition.

Quelle dimension artistique apporter aux clichés qui immortalisent les exploits des sportifs de haut niveau ? Le franchissement de la ligne d’arrivée ou un but marqué, ne sont pas forcément les instants décisifs retenus par les photographes. La photographie cherche. Les meilleurs photographes sportifs cherchent en effet à transcender en produisant des images esthétiquement fortes qui dépassent l’action sportive.

La photographie de presse sportive serait désormais la seule originalité de sa production tant elle fige l’instant, contrairement à la télévision qui apporte un flux continu que même la chronique ne parvient plus à contenir.

Avec la popularité croissante de la culture sportive qui imprègne désormais la mode et la culture pop, la photographie de sport s’est étendue au-delà du photojournalisme en direct pour inclure la photographie de produits, d’éditoriaux et de mode pour les marques, les athlètes et les disciplines.

Les photographes de sport répondent de plus en plus à des commandes institutionnelles mettant l’athlète en lumière à travers des portraits. Dimension plus intime de l’athlète, le portrait apport un contrepoint aux photographies sportives centrées sur le corps et le mouvement, c’est aussi un moyen pour le public de s’identifier aux sportifs célèbres ou non qu’ils admirent. Les portraits sont parfois déclinés au travers d’éléments que l’on peut collectionner et conserver (autocollants, images, posters, etc.).

Fabrice Héron
Iconographe
Collectif Les Iconographes

 

Exposition
« Olympisme, une histoire du monde »
https://www.palais-portedoree.fr/programmation/expositions/olympisme-une-histoire-du- monde

Catalogue
La Martinière
https://www.editionsdelamartiniere.fr/livres/olympisme-une- histoire-du-monde

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