Nous continuons la diffusion des projets sélectionnés pour les Prix des Nuits Photographiques 2015, qui ont été remis le 19 septembre 2015. Aujourd’hui, nous vous présentons le film intitulé « Drôle de Pied » , réalisé par Elodie Marchand, jeune photographe française.
Le corps atteint d’une anomalie bouscule l’idée de ce que nous appelons la normalité. Dans une société où la norme sociale est un des aspects prépondérants, le corps est le lieu de notre identité personnelle. Nous nous identifions constamment aux autres, c’est ce qui nous construit.
Cette identification nous incite à redonner une apparence « humaine » aux conceptions mécaniques actuelles, telle que la prothèse. Comme pour donner l’illusion de l’effacement du handicap.
Face à la différence, on rééduque, réadapte, répare comme pour tenter de fuir le corps infirme. Donner une telle réponse matérielle renvoie à l’idée de notre propre fragilité, à la faiblesse de notre propre corps humain. Drôle de Pied, c’est l’atteinte à l’image d’un corps valide suite à un accident domestique. C’est la lutte d’un corps à la recherche de sa nouvelle identité physique
Mon histoire d’amputé commence le 19 août 2009 à la suite d’un accident domestique où je me blesse au pied droit en manipulant une tronconneuse
On me propose de tenter alors une réimplantation du gros orteil. J’accepte et me retrouve donc avec un pied qui a le premier orteil qui part en varus, un trou à la place du deuxième, et le troisième orteil raccourci en forme de crochet.
C’est à cause de ça que j’ai choisi ce pseudo de «drôle de pied». Je ne supporte pas la réimplantation et demande une amputation partielle du pied. Il ampute en trans-métatarsien très bref, pratiquement au niveau de l’interligne de Lisfranc, le 17 décembre 2009.
Du point de vue de l’appareillage, je passe un an à chercher une solution d’appareillage dynamique mais rien ne va. Personne ne sait appareiller correctement un «transméta» actif. Habituellement, les patients doivent se contenter d’un appareillage statique par faux bout.
Je décide alors d’un relèvement du niveau d’amputation le 2 août 2011 par une arthrodèse tibio calcanéenne avec talectomie appelé ATCT mais c’est un nouvel échec de l’appareillage.
Aujourd’hui le niveau d’amputation est au tiers moyen tibia, un geste qui a été réalisé le 17 décembre 2013.
Ce qui est sûr, c’est que jusqu’à présent, je ne regrette aucune de mes précédentes décisions : la trans-méta s’est bien avérée une amélioration de mon pied bricolé, et l’ATCT était bien l’amélioration de la trans-méta.
A propos d’Elodie Marchand
Elodie est née le 23 août 1991, à Angers. En 2009, elle obtient son baccalauréat STI Arts Appliqués. Par la suite elle se dirige vers les arts plastiques, elle entame des études à l’École d’Art de Rueil Malmaison puis aux Beaux-Arts d’Angers. Elle y apprend la gravure, la lithographie, la sculpture, la sérigraphie mais c’est à la photographie qu’elle accorde toute son attention. C’est ainsi qu’elle entre en 2012 à l’école des Gobelins et en sort, en juin 2014, diplômée de photographie, option post-production.
Elle réalise un atelier photographique à l’association des Paralysés de France et différents projets où l’individu est au cœur de ses photographies. Son travail porte essentiellement sur des aspects anthropologiques et sociétaux. Elle travaille actuellement avec le cabinet d’avocats Vincent de La Morandière sur un projet photographique rassemblant des délinquants et des victimes.
En 2013, Elodie Marchand et Matthias Pasquet obtiennent la mention spéciale de la Bourse du Talent Espace #56 avec leur série Vestiges.
