Morgante relate l’histoire d’individus liés entre eux par un commun dénominateur: êtres nains. Morgante, surnommé ironiquement le Géant de l’homonyme poème de Luigi Pulci, était le plus célèbre des cinq nains de la cour seizième de Médicis à Florence. Il fut toujours représenté dans le goût de l’époque selon l’iconographie du « monstrum ».
En passant par les tableaux de Bronzino et les sculptures de Giambologna, le nain Morgante, déshumanisé et dépouillé de son individualité, devient progressivement une idée, un archétype, la loupe à travers laquelle la « famille humaine » regarde la diversité au fil des siècles. À partir de cette correspondance littéraire et iconographique, l’Afrique centrale constitue pour le photographe l’occasion de nous délivrer une galerie inédite de portraits sur l’univers des personnes de petite taille, une catégorie des personnes complètement marginalisées dans certains pays africains. Souvent associées à la sorcellerie, les personnes affectées par le nanisme vivent dans un état de semi clandestinité, quotidiennement confrontées à toute sorte de violence psychologique. Le photographe choisit de photographier ses sujets dans leur vie privée, à la maison, au travail ou dans la rue : dans les images de Lo Calzo, Fidel, Kwedi, Babel ne sont pas victimes de leur taille. Au contraire, ils sont protagonistes de la scène représentée autant que de leur vie privée. Lo Calzo met en scène une représentation de la diversité comme valeur et auto acceptation : chaque sujet photographié fixe l’objectif, comme pour chercher le regard de l’observateur. Il est maître de la scène, acteur et interprète de soi-même. Dans certaines sociétés africaines encore polarisées autour du concept de normal et anormal, bien et mal, tradition et modernité, « Morgante » se veut une invitation à briser cette panoplie du « monstrum » et envisager une pleine reconnaissance de la diversité.
“La différence ou l’handicap physique deviennent ici attributs présumés de pouvoirs surnaturels. Nicola Lo Calzo a réussi à pénétrer le monde fermé et caché des personnes de petite taille, en gagnant leur confiance et en les aidant à gagner celle en eux mêmes. Les portraits de Fidel, Genevieve, Raissa, Kwedi, Paul Claver, Nelly…, deviennent un acte de résistance contre la dérision dont ils sont l’objet et qui représente, selon leurs témoignages, le premier obstacle, facteur d’isolement et de découragement.” Laura Serani
Nicola Lo Calzo est un photographe italien. Sa photographie s’inscrit dans une démarche documentaire à la frontière entre journalisme et photographie d’art, avec une attention accordée aux minorités et aux droits de l’homme. Il a exposé notamment au Festival Les Rencontres d’Arles en 2009, au Musée de Confluences à Lyon en 2010 et au Festival ImageSingulières à Sète en 2011.
Une grande exposition est actuellement à Florence, au Musée National Alinari de la Photographie, accompangnée d’un catalogue avec une préface de Laura Serani.
L’exposition Morgante, est presentée par Afrique en vie et Afrique in visu du 5 au 10 juillet 2011
place Patrat à Arles
Emiliana Tedesco