Fort de sa large collection d’œuvres africaines rassemblées par son fondateur Artur Walther, l’espace de la Walther Collection de New York présente jusqu’en janvier une exposition personnelle du camerounais Samuel Fosso. Elle retrace l’histoire de ce premier studio ouvert par l’artiste à Bangui, en République Centrafricaine, à l’âge de treize ans, après avoir fui la guerre civile au Nigeria.
Cet espace, qui s’appellera Studio National, Studio Confiance puis Studio Convenance, aura longtemps pour devise : « Avec Studio National, vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître. » Samuel Fosso, être plutôt solitaire, l’utilise la journée pour gagner sa vie en proposant ses services de portraitiste ; puis, la nuit tombée, il retourne son appareil photographique sur lui-même, pour des autoportraits d’abord envoyés à sa grand-mère et ses amis restés au Nigeria. A l’origine en noir et blanc et assez simples, ces photographies sont par la suite devenues couleur, légèrement provocatrice du fait de sa nudité apparente, et surtout assez farfelues. Très vite, il choisit ainsi une approche expérimentale : il se métamorphose, se déguise sur un ton décalé et se passionne pour un esthétisme étudié. A la manière de la photographe Claude Cahun, Samuel Fosso se met en scène et utilise les codes du théâtre pour présenter une création originale et éloignée du style classique de la production africaine contemporaine. Le choix de l’autoportrait pourrait traduire un quelconque narcissisme, mais il n’en est rien : le singulier traduit en fait son sens du collectif. Nombreux sont les autoportraits qui font ainsi référence à la culture populaire d’Afrique de l’Ouest : musiciens, dernières tendances de la jeunesse, revendications sociales, publicité politique, exploration de la sexualité, du genre, et de l’autoreprésentation africaine.
Depuis qu’il a remporté en 1994 le premier prix aux Rencontres de la photographie africaine de Bamako, le plus important festival africain, Samuel Fosso jouit d’une reconnaissance internationale. Cela ne l’empêcha pourtant pas, en janvier dernier, lors d’une nouvelle guerre civile en Centrafrique, de voir sa maison à Bangui pillée et une partie de ses archives détruites par le feu. Même si des journalistes étrangers réussirent à sauver une partie de ses négatifs, plus de 15 000 d’entre eux ont été endommagés ou perdus. C’est en cela que l’exposition de la Walther Collection présente un caractère exceptionnel. Sont notamment à l’affiche, et pour la première fois aux Etats-Unis, ses célèbres séries Esprits d’Afrique et L’Empereur de l’Afrique. Également à voir sur les murs de l’espace, des œuvres récentes en couleur, et surtout des portraits en noir et blanc de ses débuts, ceux-là évocateurs des œuvres de Seydou Keïta et Malick Sidibé, et qui n’ont jamais été dévoilés auparavant. A la fois drôles, emblématiques et subtilement représentatives des maux de son continent, les étonnantes images de Samuel Fosso peuvent être illustrées par ces quelques mots qu’il aime y associer : « Comme dans toutes mes œuvres, je suis à la fois le personnage et le metteur en scène. Je ne me mets pas moi-même dans les photographies : mon travail est basé sur des situations spécifiques et des personnages qui me sont familiers, des choses que je désire, que j’élabore dans mon imagination et, qu’ensuite j’interprète. Je porte la vie des autres, ce n’est pas du déguisement, c’est l’histoire du malheur et de la souffrance. J’ai voulu commémorer ceux qui ont lutté pour les droits des Noirs, ceux qui ont eu le courage d’affronter l’avenir. Je l’ai fait pour que leur image ne soit pas oubliée, et qu’ils entrent dans l’histoire visuelle de l’Afrique à travers ma propre image. »
EXPOSITION
Samuel Fosso
Jusqu’au 17 janvier 2015
Walther Collection Project Space
526 W 26th St
New York
+1(212) 352-0683
http://www.walthercollection.com