Revoilà Ryan McGinley qui, à 36 ans, poursuit son exploration de la frontière entre privé et public. Depuis ses portraits et photographies de scènes brutes réalisées dans des endroits sauvages ou des contextes vierges de conformisme, l’artiste a changé. Il faut l’avouer : la magie du candide semble avoir laissé place à un classicisme plus commercial. Les mosaïques d’images qui habillent les murs et le plafond de la Team Gallery, à Soho (New York), restent pourtant très attrayantes. Yearbook est une œuvre d’art en soi, composée de 753 portraits de modèles nus réalisés en studio, imprimés sur du vinyle et qui recouvrent chaque parcelle d’espace disponible.
Débuté en 2008, ce projet reste en phase avec l’optimisme et la légèreté de ses récents travaux, comme Animals, qui associait en 2012 des sujets humains et des animaux. Avec ses innombrables couleurs, les attitudes joviales de ses personnages et ses représentations prosaïques du corps, cette série verse fortement dans un pop art aujourd’hui utilisé sans économie de moyens. On y voit des sujets assis, debout ou allongés, toujours dans des poses en mouvement, même au sol, cheveux au vent, regards allègres, oubliant leur nudité, avec l’insouciance qui caractérise le style de Ryan McGinley depuis ses débuts. Si des portraits en noir et blanc sont présents, il se noient dans cette constellation de tableaux bariolés voués, d’abord, à la contemplation.
Comme dans le pop art, le rôle de la société de consommation est ici incontournable. Dans Yearbook, l’Américain a ainsi utilisé les fruits de son appétit pour les diverses facettes de la culture visuelle, de l’histoire de la photographie aux vieux magazines de nus ou à la publicité dans le métro. Si l’abondance des photographies rend une lecture totale impossible, c’est aussi parce que Ryan McGinley a voulu faire référence à la masse d’images qui inondent notre monde et particulièrement les réseaux sociaux tel Instagram. S’en ressent une impression d’être pénétré par chaque image, mais débordé par le tout, comme dans le défilement machinal de photographies qui est possible sur l’application à succès. Produit de la sixième exposition de l’artiste à la Team Gallery, Yearbook est une œuvre macrocosmique, faite de clichés à l’esthétique parfaite et à la valeur émotionnelle incontestable, mais qui illustre la tendance de certains grands photographes à un peu trop user de la fonction décorative de leur art.
EXPOSITION
Yearbook, de Ryan McGinley
Jusqu’au 12 octobre 2014
Team Gallery
83 Grand St
New York, NY 10013
(212) 279-9219
