La photographe américaine Nan Goldin s’est trouvée deux fois en situation d’addictions. La première dura près de dix ans, dans les années 1970. Cette période, largement documentée, est connue du grand public. La seconde, plus récente, remonte à 2014. Alors qu’elle souffre d’une tendinite chronique au poignet gauche, un médecin berlinois lui prescrit de l’OxyContin, un médicament à base d’opioïdes. On lui prescrit une dose de 40 grammes, bien trop fortes pour son cas. Elle devient immédiatement addicte.
Lorsqu’elle revient à New York, les médecins de la photographe cessent son traitement. Elle cherche alors à se procurer le médicament sur le marché noir. En mars dernier, Nan Goldin suit une cure de désintoxication. Elle se renseigne sur l’OxyContin. Ce médicament est fabriqué depuis 1995 par Purdue Pharma, dans le Connecticut. L’entreprise est la propriété de la famille Sackler. Le médicament concentre chimiquement de la morphine et de l’héroïne mais est rendu légal en 1995 par les autorités américaines car il soulage les douleurs. Il est immédiatement adopté par de nombreux médecins, séduits par les arguments marketing de l’entreprise. Il serait l’un des facteurs de propagation des addictions à l’héroïne aux États-Unis depuis 20 ans. Selon le journal The Guardian, près de 200 000 décès aurait été comptabilisés durant cette période.
Nan Goldin souhaite responsabiliser la famille Sackler, qui produit et commercialise le médicament. Mécènes au Victoria & Albert Museum, fondateurs de la Sackler Gallery, les Sackler comptent parmi les principaux acteurs et collectionneurs du monde de l’art. Leur fortune, parsemée entre vingt membres, est estimée par Forbes à 14 milliards de dollars.
La photographe souhaite que les musées n’acceptent plus les dons de la famille. Sa campagne repose sur l’idée suivante, cibler directement les actions philanthropiques de la famille afin de les obliger à reconnaitre leurs responsabilités dans cette situation sanitaire. Elle souhaite également que la famille prenne en charge les coûts des cures de désintoxication des patients touchés. Elle a également lancé le hashtag #ShameOnSackler sur Twitter, réalisant que les pétitions se faisaient désormais en ligne. Sa campagne s’intitule Prescription Addiction Intervention Now (Pain).
Une réponse d’Elizabeth Sackler, fondatrice du Elizabeth A Sackler Center for Feminist Art au Brooklyn Museum, sera publiée dans Art Forum, le 1er février. Elizabeth Sackler précise que ni sa fille ni elle n’ont touché de dividendes de la vente d’OxyContin. Crée en 1892, l’entreprise Purdue Pharma entra dans une nouvelle dimension sous la direction des frères Arthur, Mortimer et Raymond Sackler. À la mort d’Arthur Sackler en 1987, père d’Elizabeth Sackler, tandis que ses actions et parts dans l’entreprise étaient redistribuées entre ses frères, OxyContin n’était pas encore inventée.
PurduePharma est également l’inventeur et producteur des médicaments reposant sur les benzodiazepines, aussi connus sous le nom de Valium.