Le travail de Nadja Massün est un bon exemple d’une sensibilité qui subsume et oublie la technique dans une recherche perceptuelle et intuitive pour révéler, en premier lieu, le monde humain, le monde spirituel de ses sujets et à partir duquel l’expérience du beau émerge. Le moment photographique devient un moment de révélation. Sur les photos de Nadja, nous voyons un mot dans les airs, un éclat de rire, un clin d’œil entre amis et la tristesse derrière un regard.
L’action du photographe devient alors un dialogue avec son environnement, avec son objet visuel, presque toujours constitué de personnes en situations de tous les jours ou festives, dramatiques ou pacifiques, mais toujours communicatives. L’image qui a été exprimée nous indique clairement ce qui se passe à ce moment perdu à jamais. Ce sont des images non seulement éloquentes, mais pleines d’ouverture: la seule valeur qu’elles véhiculent est le contenu poétique de la réalité, qui se manifeste lorsqu’il y a un regard sensible qui l’entend et qui pénètre son essence éphémère.
Son travail de longue date en milieu communautaire lui permet de percevoir et de comprendre, outre les différences culturelles, géographiques et linguistiques, l’intimité, les aspirations non sauvées, la tristesse contenue et la joie des gens.
Nadja Massün est certes une grande voyageuse – née au Congo et élevée en Colombie, au Pérou, à Genève et au Costa Rica – mais avant tout une voyageuse de rencontres rapprochées, pour qui il est vital de se fondre dans l’environnement, de participer, d’écouter, de s’imprégner de cette réalité alternative à laquelle le voyage l’expose. Elle profite de son cosmopolitisme sensible pour explorer les racines des sentiments humains dans des endroits aussi différents que la Transylvanie, Oaxaca ou New York. Les photographies dans lesquelles un enfant regarde avec émerveillement la transformation de son père en une «Minga» (un des personnages de la célèbre Danse des diables, à Oaxaca) sont très révélatrices, car une action «exotique» et inhabituelle est reprise. à la vie de tous les jours car elle est encadrée par le « troisième regard » du garçon qui, malgré son étrangeté, nous place dans un environnement familier et quotidien. Même remarque, dans une autre image, nous voyons des regards entre des musiciens de Transylvanie marchant avec leurs violons sous les bras et avec une attitude de légèreté et de simplicité qui les exonère de tout folklorisme.
Les portraits de Massün montrent comment amener la vie quotidienne à un niveau supérieur. La pose décontractée, une broderie sur le visage, un contre-jour langoureux qui fait penser à un après-midi inoccupé sont de nombreux autres éléments de la vie quotidienne qui, mis à profit par un œil vif, deviennent de véritables peintures classiques, nous procurant le calme et atmosphère impérissable d’un portrait de Van Eyck ou de Bonnard.
L’itinéraire est l’une des clés de cette rencontre avec la beauté.
Rafael Segovia
Nadja Massün : Univers intime
19 septembre – 27 octobre 2019
Centre Contemporain Robert Capa
Galerie Capa 8F
1065 Budapest Nagymezo utca 8