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Musée Galliera : Paolo Roversi – Interview par Carole Schmitz

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Paolo Roversi : Entre Lumière & Obscurité

Paolo Roversi photographie la mode comme personne. Portraitiste hors pair également, il réalise des images à la fois douces et profondes dont on reconnait la signature au premier coup d’œil. Il travaille de façon instinctive et irrationnelle, comme il se plait à le dire lui-même. Son univers est celui de l’imaginaire, de la fantaisie, du rêve et de la poésie. L’esthétisme de ses images est tel un langage imaginaire créé par le photographe.

Pour célébrer son incroyable parcours, le Musée Galliera dévoile jusqu’au 14 juillet prochain, 140 clichés proposés comme une invitation intimiste à pénétrer dans l’univers de cet artiste exceptionnel.

 

L’exposition du Palais Galliera dévoile 50 ans de photographie, quels ont été les critères de sélection pour les 140 images montrées ?
Paolo Roversi : Il n’y a pas eu de vrai critère de choix car il ne s’agit pas d’une réelle rétrospective dans le sens où cette exposition ne retrace pas tout mon parcours de photographe, même si certaines images sont anciennes, mais davantage un choix qui reflète un chemin sans fil fait de coups de cœur.

Cette exposition peut-elle être vu comme un voyage intime dans votre univers ?
P.R. : Oui, absolument. Cette exposition peut parfaitement se lire comme un journal intime.

Quels sont, au fil des années les créateurs dont le travail vous a particulièrement touché ?
P.R. : Nombreux sont ceux qui m’ont touché depuis mes débuts. Mais s’il faut n’en retenir que quelques un, je commencerai par Rei Kawakubo avec qui j’ai souvent collaboré pour Comme de Garçons. Ensuite, j’évoquerai Yoji Yamamoto, Azzédine Alaïa et John Galliano. Rien que des personnes de grands talents. Tous sont régulièrement venus dans mon studio durant les séances photos. Nous avions ensemble une réelle complicité. Ce fut une chance de travailler avec eux. Je me souviens notamment d’Azzédine qui habillait lui-même les mannequins, c’était un peu comme se mettre au piano pour jouer du Mozart et avoir le maître en personne qui tournait pour vous les pages de la partition. De pareils instants sont simplement magiques.

Quel est votre regard sur la nouvelle génération ?
P.R. : Le monde change à une vitesse incroyable. Il est donc inévitable que le monde de la mode change lui aussi. Celui d’aujourd’hui n’a d’ailleurs plus rien à voir avec celui que j’ai connu il y a bientôt 50 ans. Il est donc important d’évoluer en même temps, de se remettre en question. Cela étant, malgré toutes ces évolutions, il y a aujourd’hui comme hier des créateurs talentueux dont je trouve le travail très intéressant.

Qu’est-ce que la mode pour vous ?
P.R. : La mode est tout simplement un langage qui nous permet de nous exprimer et de communiquer sincèrement avec les autres.

Pourquoi avoir choisi l’univers de la mode pour vous exprimer ?
P.R. : Rien n’était décidé au départ. Je dirai que c’est le hasard qui a tout fait, les rencontres également. J’avais une vingtaine d’année, lorsque j’ai découvert la photographie et j’ai vite été gagné par la passion et par l’amour de ce moyen d’expression. Mais rien n’était décidé au départ. Je dirai que ce sont le hasard et les rencontres qui ont fait le reste… J’ai par la suite rapidement compris que la photographie de mode allait me permettre d’être créatif, car elle s’apparente avant tout à la photographie de l’imaginaire, de l’élégance et de la rêverie. Cela m’a toujours parfaitement convenu et me convient aujourd’hui encore.

Selon vous, qu’est-ce que Paris a de si spécial, et peut-on toujours la considérer comme la capitale de la mode ?
P.R. : Paris est et restera toujours la capitale de la mode, c’est évident. C’est une ville très inspirante pour les artistes. Sur un plan plus personnel, Paris m’a beaucoup apporté, je peux même dire qu’elle m’a adopté. J’ai beaucoup profité de Paris, de sa mode, de son architecture, de ces musées, etc… C’est une ville qui vous transporte. Traverser un pont à Paris peut aisément s’apparenter à un rêve. En bref, j’aime profondément cette ville que l’on surnomme joliment la ville lumière.

Que signifie pour vous aujourd’hui « Être photographe » ?
P.R. : Sans hésiter, je vous répondrai que c’est être très chanceux. C’est un merveilleux moyen de s’exprimer, de partager des sentiments, et des émotions.

Votre signature est reconnaissable au premier coup d’œil, et le temps n’a aucune prise sur vos images, quel est votre secret ?
P.R. : Il n’y a ni secret ni recette précise dans mon travail. C’est sans doute ma manière d’aborder la photographie qui vous donne cette impression. C’est en s’éloignant de la réalité que l’on s’éloigne des dates et d’un temps précis pour en quelque sorte entrer dans une nouvelle dimension.

Lorsqu’on dit « Paolo Roversi », on pense souvent Polaroïd, qu’est-ce que les polaroïds ont apporté de plus ou de différent dans votre approche de la photographie ?
P.R. : Les polaroïds en 20×25 cm, sortis en 1980, m’ont beaucoup apporté car il s’agit d’un film aux caractéristiques très particulières qui me permet de travailler avec une chambre grand format et donc des optiques, elles aussi, particulières. Par ailleurs, cela implique également un travail plus lent, plus méditatif. Cela donne par conséquent un résultat différent, peu conventionnel, avec des couleurs très bizarres, souvent pas très réalistes, des contrastes pas très lisse. J’aime beaucoup m’éloigner du réalisme en photographie, je suis toujours en lutte avec la réalité, j’aime aller vers le rêve et l’imaginaire. Les films traditionnels étaient au contraire plus fidèles à la réalité.

Vous dites aimez les hasards et les accidents, pouvez-vous nous expliquez pourquoi ?
P.R. : Oui beaucoup, chaque accident est un peu comme un cadeau du ciel qui m’éloigne de la réalité. Par ailleurs, les hasards ou les accidents me permettent d’être surpris moi-même. Je déteste qu’une image soit fidèle à ce que je peux voir juste avant de la faire.

Dans une interview vous disiez être un nostalgique légendaire, comment cela se traduit-il dans vos images ?
P.R. : Il y a quelque temps, j’ai lu une très belle phrase de Jean Genet qui dit : « Créer, c’est toujours parler de l’enfance. Il faut rêver longtemps pour agir avec grandeur, et le rêve se cultive dans les ténèbres. ». Cela répond-t-il à votre question ?

Les personnes que vous immortalisez, quel qu’elles soient, ont toutes ce je ne sais quoi de particulier dans le regard, quel est votre secret pour obtenir ce résultat ?P.R. : Le regard est pour moi le miroir de l’âme, je cherche donc à aller en profondeur, à percer l’intime. Pour cela il est nécessaire que mon sujet et moi nous reflétions l’un dans l’autre afin de développer ce que j’appelle une amitié photographique.

A quoi ressemble la femme idéale pour Paolo Roversi ?
P.R. : Elle est sans aucun doute multiple et se retrouve dans mes photos.

Qu’est-ce que pour vous la beauté ?
P.R. : Je ne saurais définir la beauté, elle est pour moi un mystère. Je cherche encore et toujours à quoi ou à qui elle ressemble. Il me semble quelques fois que je m’en approche, d’autres fois au contraire que je m’en éloigne. Mais dans le font, j’aime l’idée qu’il n’y ait pas de recette et que la beauté reste un mystère.

Quel est votre regard sur l’évolution actuelle de la photographie, mais également sur les réseaux sociaux ?
P.R. : Je pense hélas que nous subissons, aujourd’hui, une grande pollution d’images, et c’est dommage. Mettre au monde une image est une grande responsabilité. Et comme disait Wim Wanders : « Faisons des images plus belles et nous aurons un monde plus beau ».

Vous être très attentif aux talents et l’idée de transmission semble importante pour vous, me trompe-je ?
P.R. : Oui la transmission est très importante pour moi. Dès que mon emploi du temps me le permet, je donne des cours à l’ECAL (une école d’art de Lausanne), ou encore des conférences pour partager mon idée et ma philosophie de la photographie.

Quel est le souvenir qui vous a le plus marqué au cours des ans ?
P.R. : Il y en a tellement, qu’il m’est impossible de vous répondre sans vexer quelqu’un.

Qu’est-ce qui vous motive encore à votre réveil chaque matin ?
P.R. : L’idée de photographie encore et toujours, de me surprendre, de faire des images encore plus belles.

Et si vous n’aviez pas été photographe ?
P.R. : J’ai du mal à m’imaginer faire autre chose… écrivain peut-être !

Le mot de la fin ?
P.R. : La photographie n’est finalement qu’un geste d’amour.

 

Jusqu’au 14 juillet 2024
Palais Galliera, Musée de la Mode
10, Av. Pierre 1er de Serbie Paris 16e
www.billetterie-parismusées.paris.fr

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