À la suite d’une donation exceptionnelle de l’artiste Michael Kenna, le Musée de la Résistance nationale présente l’exposition Michael Kenna: la lumière de l’ombre, photographies des camps nazis, du 23 octobre 2021 au 15 avril 2022, la première exposition temporaire du musée sur son nouveau site Aimé-Césaire, situé à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne).
“Il se trouve que j’ai photographié ces camps pendant une douzaine d’années. Il fallait que je les photographie […], pour garder cette mémoire vivante, pour conserver une trace. Mon œuvre porte sur la mémoire.” Michael Kenna, décembre 2019
Transmettre, garder trace…
évidemment à sa manière, comme chacun peut le faire.
Le photographe Michael Kenna ne pouvait que photographier avec une esthétique qui lui est propre.
Comment photographier ces lieux d’horreur, comment transmettre en les présentant autrement ? Cette légitimité à aborder ainsi cette mémoire, Michael Kenna y a répondu en invitant les gens à regarder, à réagir, à entrer dans un sujet, même en critiquant le média choisi, pour finalement s’impliquer et se souvenir.
C’est pour cela que Michael Kenna a décidé que ce travail photographique ne serait jamais commercialisé ni diffusé en agence. Désirant transmettre au plus grand nombre, grâce à cette collection impressionnante, le souvenir de ce que nous devons transformer en mémoire, il a fait don à la France en 2000 de 301 négatifs et tirages, que la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine possède aujourd’hui.
Le Musée de la Résistance nationale conserve 6 385 négatifs, 6 472 contacts, 1 644 tirages de travail ainsi que 261 épreuves d’artiste reçus en donation également entre 2011 et 2021.
Dans le cadre de l’exposition Michael Kenna : la lumière de l’ombre, photographies des camps nazis, le Musée de la Résistance nationale expose 82 tirages argentiques, de petit et de grand format, réalisés par l’artiste lui même et, en écho, des objets issus de la collection du MRN créés par les déportés dans les camps de concentration nazis, ainsi que des témoignages.
Michael Kenna est un photographe né à Widnes en Angleterre en 1953. Lors de sa première année au London College of Printing, il découvre dans un bac de développement une photographie du camp d’Auschwitz-Birkenau prise par un autre étudiant, celle d’une montagne de blaireaux de rasage. L’émotion est très forte pour le jeune homme dont le premier souvenir paternel est lié à l’image de son père se rasant. Celle-ci ressurgit en 1986, en France, lors d’une visite de l’ancien camp de Natzweiler-Struthof qui le marque fortement. Il décide alors de développer un projet personnel sur la mémoire des camps nazis.
La difficulté qui se pose alors à lui est celle de ne tirer aucun profit de ce travail de photographe. Son objectif n’est pas l’arme d’un chasseur, il est simplement son outil de passeur de mémoire. Michael Kenna entreprend pendant plus de 15 ans, à ses frais, de nombreux voyages pour photographier les vestiges des camps nazis, qui à l’époque étaient à l’abandon, dans toute l’Europe.
Cherchant à transformer son émotion en mémoire, il construit pas à pas, photographie après photographie, un projet sobre, intime, dont seuls ses proches sont au courant.
À l’heure où les survivants et les témoins de la Déportation se font de plus en plus rares, il s’agit pour lui de transmettre ce souvenir, grâce à l’art qu’il maîtrise, celui de la photographie. Proposer un regard sur ces lieux où les nazis tentèrent de détruire notre humanité, c’était contribuer à rendre l’oubli impossible.
Il va à Auschwitz-Birkenau et il y photographie les blaireaux, qui s’imposent aujourd’hui à celui qui les regarde. Le cliché devient en lui-même une trace qui vient s’ajouter à l’objet : il en conforte la réalité et en renforce la matérialité. L’image est aussi un objet de mémoire.
Parce qu’il est un photographe de paysage, Michael Kenna photographie les sites des camps, en faisant surgir la lumière de l’ombre et en revendiquant d’aborder autrement l’histoire et la mémoire de l’univers concentrationnaire et du génocide des Juifs d’Europe. Par le travail du noir et blanc, par la composition rigoureuse, par la clarté graphique, il attire le regard, suscite l’émotion et oblige à s’interroger sur ce qui est et ce qui fut.
En regardant autrement ces lieux, il nous rappelle que les camps nazis sont devenus aujourd’hui des vestiges qui ne rendent que très partiellement compte de leur fonctionnement durant la Seconde Guerre mondiale. Ils sont dorénavant des lieux que l’on visite comme des musées ou comme des cimetières, des lieux où l’on veut apprendre, comprendre mais aussi se recueillir. Regarder aujourd’hui les photographies des camps de Michael Kenna, c’est l’accompagner sur son chemin de mémoire, dans sa quête d’histoire, peut-être de vérité, et sans doute aussi de sacré.
Michael Kenna : La lumière de l’ombre, photographies des camps nazis
23 octobre 2021 – 15 avril 2022
Musée de la Résistance nationale
Site Aimé-Césaire
40 quai Victor Hugo – 94500 Champigny-sur-Marne