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MUba Eugène Leroy : Atelier EXB : Valérie Belin : L’incertaine beauté du monde

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Cette monographie propose, à travers une trentaine de séries, de découvrir l’ensemble de l’œuvre de Valérie Belin, des années 1970 à nos jours, et d’examiner comment ses différentes séries se répondent, évoluent et questionnent notre rapport à la beauté, à l’artifice et à l’impermanence des choses. De la prise de vue au travail de retouches, la photographe crée par touches et couches successives, à la manière d’un peintre jouant sur l’ambivalence entre le vivant et l’artificiel. Mêlant souleur et noir et blanc, soulignant les matières, son travail invoque de nombreuses références à l’histoire de l’art. L’ouvrage accompagne la rétrospective de l’artiste présentée au Musée des beaux- arts de Tourcoing, le MUba Eugène Leroy, à partir du 17 mars 2023.

 

L’incertaine beauté du monde

L’œuvre de Valérie Belin est traversée de questions récurrentes, révélées dans cet ouvrage par la mise en perspective de ses séries. Explosant l’ordre chronologique, un jeu de correspondances s’opère entre les images couleur et N&B et les différentes séries de l’artiste. Les sujets qu’elle choisit se caractérisent par leur beauté plastique ou à l’inverse par leur caractère trivial. Les personnes représentées qu’elles soient mannequins, transsexuels, des figures de clown ou des sosies de Michael Jackson sont, pour la plupart, dans un état transitoire vers « le désir de se transformer en images » précise Valérie Belin, alors que ses objets, comme les voitures de collection ou d’autres accidentées, ses moteurs ou robes de collection, semblent animés, sublimés par l’objectif. À travers un important travail au moment de la prise de vue jusqu’à la phase de retouches, de superposition des couches, tel un « palimpseste numérique », Valérie Belin souligne toutes ces ambivalences au cœur de l’image. Celle-ci prend alors son autonomie et se déréalise de son sujet. Il en résulte des images à la forte puissance esthétique et évocatrice qui incarnent à la fois « le drame et la beauté du monde », comme le souligne Sébastien Gokalp dans son texte.

 

Q&R avec Valérie Belin

Le MUba, à Tourcoing, vous consacre, à partir de fin mars, une grande rétrospective. Aviez-vous déjà exposé dans un musée des beaux-arts et qu’est-ce que cela implique dans le choix des œuvres que vous montrez ?
En effet, c’est la première fois pour une exposition de cette envergure. Ce n’est pas tant l’histoire du lieu ni son ancienneté (le musée de Tourcoing a été érigé en 1860) que l’espace lui-même qui m’a guidé dans mes choix. On m’a dédié très généreusement la grande nef et sa verrière à l’allemande, cette extension du musée qui date des années 1930. Je me suis vite rendue compte qu’un accrochage de photographies très classique, sur une seule ligne, n’allait pas convenir à cet espace. J’ai préféré opter pour un accrochage très dense, sur deux niveaux, un peu comme au XIXe siècle, finalement. Cela m’a permis de jouer également sur les séries, en créant des grilles de quatre images. Ce qui permet d’avoir un effet d’abondance. Je n’ai pas adopté, non plus, un accrochage chronologique même si la cohérence des périodes de mon travail est respectée.

Quel est votre rapport à la peinture, d’une manière générale ?
Il est très étroit et très fort. Cela se manifeste chez moi par un détachement du sujet. On apprécie souvent une photographie à travers le sujet qui est représenté et c’est cela qui détermine sa qualité. Or, dans mon travail, ce n’est pas du tout le cas. Ce qui est déterminant, c’est comment je photographie plutôt que qu’est-ce que je photographie. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui où mes sujets sont relativement anonymes. En revanche, à partir de ces femmes ou de ces hommes, je façonne ou je fabrique des personnages imaginaires. C’est comme si, finalement, je me servais de ces anonymes comme des toiles vierges. C’est vrai des Painted Ladies, des All Star, ou de ma dernière série Heroes.

Qu’est-ce que vous inspire cette phrase du peintre Eugène Leroy, dont le MUba porte le nom, suite à une donation en 2009 : « Il faut être peintre pour faire des images, et ce sont les images qui font faire la peinture, mais c’est un secret. » ?
On pourrait aussi dire cela de mon travail. Les images existent quelque part, qu’elles soient dans un magazine ou dans un film, puisque nous sommes entourés et façonnés par des images. Tous mes sujets, depuis le début, et toutes les représentations humaines ont à voir avec des stéréotypes. Toutes ces personnes, qui sont des êtres vivants, les bodybuilders, les transsexuels, par exemple, ont le désir de se transformer en images. Il y a une sorte de paradoxe dans mes images, toujours, entre l’effet de distanciation et de froideur véhiculé par la pose et sa neutralité, et la perception d’une intériorité tourmentée ou en « désordre ».

Eugène Leroy était un artiste réputé pour donner de l’épaisseur à la couleur. Comment pouvez-vous donner vie à la matière, à la surface, en photographie ?
On dit souvent que la photographie se définit, par rapport à la peinture, comme un médium « pauvre », mais c’est aussi l’une de ses qualités. Ce qui m’intéresse dans la photographie, c’est ce peu d’épaisseur justement et ces phénomènes d’apparitions, comme des fantômes, que l’on peut comparer à des phénomènes optiques. Mon travail n’est ni un art narratif, ni littéraire, ni référentiel. C’est un art de l’immédiateté, où il y a un effet de présence. Il s’effectue par couches successives, surtout depuis que je travaille en numérique, donc, oui, d’un point de vue de la fabrication, cette superposition est assez proche d’un processus de peinture sur toile.

Comment avez-vous travaillé à la fois sur l’espace dans l’exposition et sur l’espacement des images dans le catalogue ?
Cette exposition, je l’ai voulue comme un livre ouvert. On ne sépare pas les séries, elles sont montrées comme dans le catalogue, par bloc. Mais avec des jeux de vis-à-vis, de continuités ou, au contraire, de contre-points colorés. Il y a un vrai rythme dans le livre que l’on retrouve également dans l’exposition, à savoir des face-à-face entre des photos en noir & blanc et en couleur, des mises en relation entre sujets. Je voulais éviter à tout prix d’avoir une photo par page toujours au même format, série par série. Et mettre en correspondance, de manière assez libre, des séries entre elles. Le catalogue est vraiment le reflet de ce que j’ai voulu faire dans l’exposition.

Le livre se conclut sur une double série d’images où l’on voit une automobile accidentée et une voiture de collection, la Bugatti Royale, symbole du luxe et de la beauté mécanique. Est-ce l’idée d’un monde en voie de disparition qui vous a donné envie de terminer ainsi ?
Il y a, en effet, un côté élégiaque dans ces dernières photos, mais comme dans toutes mes images qui ont cet aspect quelque peu nostalgique. En tout cas, hors du temps. Pour moi, la beauté signifie quelque chose qui est hors du temps.

 

Photographe plasticienne, Valérie Belin a étudié à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et suivi des études de philosophie à la Sorbonne. Elle expose ses premières recherches photographiques au début des années 1990 : un travail sur la mémoire et la trace dans des images à l’esthétique minimaliste. Depuis, elle poursuit une œuvre qui brouille les frontières sur l’idée du genre, de l’identité, et sur l’ambiguïté entre le statut du réel et du virtuel.

Ses photographies sont exposées dans de prestigieux lieux de l’art contemporain, dont la Maison européenne de la photographie, le Centre Georges Pompidou, à Paris, le Huis Marseille à Amsterdam, ou encore le musée Photo Elysée à Lausanne. Elle a publié de nombreux ouvrages, dont Painted Ladies, à l’Atelier EXB, qui accompagnait son exposition aux Rencontres d’Arles en 2019.

 

Livre
Valérie Belin. L’incertaine beauté du monde
Atelier EXB
Textes :
Sébastien Gokalp, directeur du Musée national de l’histoire de l’immigration
Mélanie Lerat, directrice du MUba Eugène Leroy
Relié, 21 x 28 cm
192 pages
106 photographies couleur et N&B
ISBN : 978-2-36511-358-8
Prix : 39 € TTC
Atelier EXB – www.exb.fr

 

Exposition
Valérie Belin. L’incertaine beauté du monde
Du 17 mars au 27 août 2023
MUba Eugène Leroy
2 Rue Paul Doumer
59200 Tourcoing, France
http://www.muba-tourcoing.fr/

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