Ce gentil barbu aux lunettes rondes a traîné sa bosse dans les soirées les plus déjantées des années 80. C’est de là qu’il nous rapporte ses plus beaux clichés. C’est là qu’il a rencontré tout ce qui compte dans le monde de la création russe. Les artistes les plus excentriques et les modèles les plus beaux. Aucune ambiguïté ici, Borisov s’acharne à déshabiller tout le monde : des filles qui ne demandent que ça (la révolution sexuelle bat son plein dès 1985 et ne s’est toujours pas achevée en dépit du conservatisme affiché de l’élite poutinienne), jusqu’aux hommes politiques (Edouard Limonov). Naturellement, Limonov (1994) est une des pièces les plus étonnantes de l’exposition. Debout, sur un rebord de fenêtre, entièrement nu, Edouard l’extrémiste tripote nonchalamment une grenade, qui fait office de feuille de vigne devant ses parties génitales. Il faut savoir que Limonov est le pseudo littéraire de Edik Savenko, et qu’il l’a choisit précisément pour sa proximité avec le terme argotique « Limonka », qui signifie « grenade » en russe. Limonov s’est déplacé pour le vernissage de l’exposition de son vieux pote Borisov, jamais mécontent d’être sous les flash, bien que sa carrière politique soit en miettes. Parmi les modèles de Borisov, certains ne sont plus de ce monde – ils ont grillé leur vie par les deux bouts (Timour Novikov) – d’autres sont des stars de l’art contemporain comme Iossif Backstein, Sergueï ‘Afrika’ Bougaïev ou Vladik Monroe. Toute la faune interlope de Saint-Pétersbourg et de Moscou défile à poil sous son objectif facétieux. On sent que le clic du déclencheur précède de peu l’orgie.
Difficile de trouver une unité de style dans le travail du photographe. L’esprit « carpe diem » reste perceptible jusqu’à aujourd’hui, bien qu’il affirme que « les modèles d’aujourd’hui sont moins pétillants qu’autrefois ». C’est l’âge. La distance entre le maestro et les nymphettes s’accentue, l’érotisme est toujours là. On observe surtout du noir et blanc, mais parfois les couleurs explosent. Borisov peut parfois être d’un classicisme presque antique (trois nus), d’autre fois il bascule dans la fantaisie (nu sous un ptérodactyle); le grand-guignol (corps peinturlurés, body-builders prolos posant sur des gros tubes). Il se moque des symboles soviétiques (deux écolières topless soulevant de minuscules bustes de Staline), ou des Etats-Unis (citation de Pouchkine, Arizona). A défaut d’unité de style, il nous régale avec des intuitions, des fulgurances, un génie des situations cocasses, de la mise en scène piquante. Borisov a toujours été au bon endroit, au bon moment et surtout avec la bonne humeur.
Emmanuel G
La Bohème Nue
Sergueï Borisov
Jusqu’au 25 février 2012
Galerie RuArts
1 Zachatievskiy st., 10,
Moscow, Russia
Tel : +7 (495) 637 4475
Email : pr@ruarts
La Bohème Nue
Sergueï Borisov
Jusqu’au 25 février
Galerie RuArts
1 Zachatievskiy st., 10,
Moscow, Russia
Tel : +7 (495) 637 4475
Email : pr@ruarts