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Galerie Nathalie Béreau : Moka Project : Photographs par Philippe du Crest

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Cette exposition est une merveille nostalgique. Les photos sont de Philippe du Crest, le texte de la galeriste qui les présente : Nathalie Béreau.

En 1933, Alfonso Bialetti invente la Moka Express : de cette intuition vient l’histoire de Bialetti qui a su transformer l’art de faire du café dans un geste simple et naturel jusqu’à devenir un rituel essentiel dans chaque maison italienne.

Le photographe Philippe du Crest s’est souvenu de ce geste et de ses conséquences – la démocratisation par son entrée dans la sphère familiale du café, comme au café -, et s’en est inspiré pour sa nouvelle série de photographies commencée en 2015. Créant alors le personnage de Moka, il réalise un ensemble conséquent de photographies, principalement des autoportraits le mettant en scène avec une cafetière.

Moka Project est né.

Ce personnage emblématique de Moka s’oppose au capitalisme sauvage, à la consommation tous azimuts, aux déchets créés par l’usage de capsules, par exemple, le tout dans des compositions qui revisitent avec humour les mythes, l’histoire, la publicité, les faits divers, la peinture classique et la photographie.

Tout en étant lucide sur des modèles économiques à reconsidérer, sociaux ou culturels à réinventer, le résultat se veut drôle, fantaisiste, plein d’esprit.

Le Radeau de la merduse va ainsi nous emmener dans un voyage à explorer le temps, l’histoire, l’art, l’image publicitaire, la politique, …, pour aboutir à un monde nouveau !

Décortiquer la cafetière Moka (Mise à nu), c’est recréer une nature morte classique ou comment réfléchir à l’objet, à sa mise en situation dans l’espace de la page blanche, au statut de l’image aujourd’hui. Toute image peut donc être interprétée, analysée, revisitée, déconstruite puis reconstruite dans une réflexion sur notre rapport actuel à elle.
« En référence à » (Botticelli, Serrano, etc.) pourrait être « En hommage à », mais est surtout un clin d’œil à des œuvres connues de tous ou pour certaines véritablement ancrées dans notre imaginaire collectif, pour d’autres enfin, réservées à des connaisseurs d’art. Mais dans chaque cas, ces images de référence ont marqué les esprits, ont fait polémique au point de créer discussion. Tout comme le procédé photographique*, elles ont empreinté les méandres de notre nerf optique jusqu’à notre cerveau, pour s’y imprimer.

De ce constat, se pose la question de l’usage de ces citations.
Philippe du Crest a fait le choix de les détourner, dans des compositions personnelles où chaque mise en scène est réalisée de bric et de broc, avec des bouts de ficelle. Volontairement le photographe utilise des éléments ressemblant à ceux dont ils s’inspirent (le scotch de la coiffe pour la dentelle dans Le virus de Plougastel) mais travaillant dans une économie de moyens. Il n’est pas question de reproduire. Le factice est visible, l’illusion montrée, pas de tromperie !
Nous sommes au cœur de la fabrique d’une image.
L’esthétique de Philippe du Crest que l’on retrouve d’une série à l’autre réside dans la pertinence de son regard sur l’Autre, sur l’humain, dans des compositions sobres où la fioriture n’est pas de mise et dans une gamme de couleurs qui avec le temps s’affiche moins saturées.
Le propos claque car le photographe ne triche pas avec son sujet, il travaille sur le sens.
Les œuvres d’art en citation sont aussi une possibilité pour le photographe de parler d’Histoire (Mokamarat tué par Charlotte Clooney) et de révolutions ! Il choisit également de dénoncer les injustices (Uberprécaire 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24), la violence des monstres (Charles Mokanson) aux dérives christiques, notre consommation impudique (Parlez-vous Mokade, Adopte un Moka). L’actualité n’est pas en reste comme avec la composition Mokonfiné.
L’inspiration apparaît sans limite.

Les personnages mis en scène sont soit dans des cadres précis qui ont une signification juste, soit sur un fond neutre les mettant ainsi plus en lumière (Cocktail Mokatov). Ainsi rien n’est laissé au hasard ou n’est de l’ordre du gratuit. Chaque détail fait sens rendant la composition parfaitement cohérente.

Philippe du Crest ne se met pas en scène dans un principe d’autoportrait à la Cindy Sherman qui, elle, se transforme physiquement (costume, maquillage, coiffure), posant la question de l’image de la femme dans notre société et dans l’art.
Il utilise son corps pour dénoncer non pas la place de l’homme dans la société mais bien l’action de l’homme sur le monde, ses méfaits et travers. Jouant sur la distorsion de l’image ainsi créée, il nous fait prendre conscience d’une réalité à changer.

Le titre de chaque photographie vient parfaire la composition, jouant sur les mots, des expressions, le titre d’origine. Le tout dans un esprit ludique revendiquant une prise de conscience dont découle un positionnement que l’on peut qualifier d’engagé. Cette attitude dénote une certaine cohérence dans l’ensemble de la démarche de Philippe du Crest et de ses différentes séries photographiques réalisées à ce jour.
Nathalie Béreau, septembre 2020

* Procédé permettant d’enregistrer, à l’aide de la lumière et de produits chimiques, l’image d’un objet. In Larousse

 

Moka Project : Photographies by Philippe du Crest

23 septembre – 2 octobre 2020

Etude de Provence et La galerie Nathalie Béreau

55 rue Sylvabelle

13006 Marseille

www.nathaliebereau.com

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