A l’occasion de l’ouverture de la foire de Milan, nous nous sommes entretenus avec deux passionnés de photographie. Fabio Castelli, fondateur de la MIA Fair et sa fille Lorenza Castelli, qui est responsable des expositions.
Comment êtes-vous devenu collectionneur, quand a eu lieu le déclic ? Quel type d’image collectionnez-vous?
F. Castelli : Mon intérêt pour la photographie découle de ma passion pour l’art, et en particulier les arts graphiques auxquels j’ai consacré mon activité de collectionneur dans les années 60. Je pense que je peux situer le moment où je suis passé des arts graphiques à la photographie quand j’ai compris les affinités entre ces deux méthodes de représentation du monde, après avoir médité et analysé en profondeur la pratique du cliché-verre du dix-neuvième siècle, un dessin fait sur une vitre translucide qui est appliqué à un papier photosensible et exposé à la lumière du soleil ; le papier est ensuite soumis à un procédé de fixation. En particulier, j’ai réfléchi à la reproductibilité des langages artistiques en termes de circulation.
Cela a peu à peu attiré mon attention vers la photographie et j’ai commencé une collection avec la même approche que j’avais pour les arts graphiques. Comme j’avais commencé par les incunables dans ce domaine, ma collection photographique devait rendre compte de son histoire en commençant par le dessin photogénique.
J’ai donc commencé à collectionner des travaux d’artistes déjà connus et émergents à une époque où l’Italie n’avait pas de marché pour la photographie d’auteur, conscient que tôt au tard le retard dans ce domaine serait comblé, au regard de ce qui se passait depuis de nombreuses années dans d’autres pays économiquement avancés.
En dehors de cet aspect « commercial », je tiens à souligner qu’une collection doit être l’expression d’une passion et je dois dire que ma découverte et ma dévotion totale à la photographie ont été motivées par une grande passion pour ce moyen d’expression.
Quel est votre plus grand succès ? Votre coup de cœur ? Votre plus grande déception ?
F.C : Je crois que l’un de mes plus grands succès en tant que collectionneur est l’acquisition de photos de Luigi Ghirri dans les années 80. Aujourd’hui, la valeur de ces photos a été multipliée par douze.
L’une des pièces favorites de ma collection est un tirage vintage de 1922 d’Arnold Genthe, une impression au sel d’argent d’une nature morte d’une extraordinaire perfection esthétique.
Pas de vrai regret, puisque lorsque j’achète des photos pour ma collection, je suis guidé par le plaisir que je tire d’une image et le message qu’elle m’envoie, donc je suis toujours satisfait par mes achats.
Comment avez-vous passé le flambeau à votre fille, directrice de la MIA ?
F.C : Je n’ai pas passé le flambeau à ma fille, nous travaillons ensemble. Elle est la directrice en charge de l’organisation et des aspects techniques de la fair, tandis que je suis à la tête du comité de sélection et responsable de la direction artistique et des contenus de la fair.
Lorenza Castelli, vous êtes maintenant directrice des expositions au sein de la foire. Pourquoi avoir choisi cette voie?
L. Castelli : La MIA Fair a été conçue en 2011 par mon père, Fabio Castelli, et j’ai été impliquée dans son organisation depuis le début. J’ai un diplôme en économie et j’ai travaillé comme consultante stratégique en entreprise pendant plus de douze ans. Maintenant j’ai la possibilité de transformer ma passion (je suis collectionneuse de photographie) en travail. J’ai sauté sur cette opportunité et quitté ma carrière pour rejoindre le business familial représenté par la MIA Fair.
La foire aura lieu à Milan. Y a-t-il un marché de la photographie italienne, lequel?
L.C : Milan est sûrement la ville la plus créative et internationale d’Italie, elle attire des gens venus du monde entier, elle a une tradition très importante dans la mode, l’art et le design.
Cette année, la ville présente un environnement rempli de foires et d’événements tels que la fashion week et la design week où des gens de tous horizons vont d’événements en événements, créant une atmosphère fascinante.
L’économie de la ville est viable concernant ces points stratégiques qui font vivre le business et offrent de nombreuses opportunités nouvelles ; ce potentiel culturel de la ville produit un environnement certainement très accueillant pour les collectionneurs quel que soit leur âge, dans tous les domaines de l’art y compris la photographie.
Avez-vous entendu parler de l’affaire Sobel-Egglestone? Après l’acquisition d’une édition limitée d’une photographie de William Eggelstone, il s’est avéré que le photographe avait produit et revendu une autre série d’images, réalisées à partir du même négatif. La différence principale étant la technique de production et le format. Le collectionneur Jonathan Sobel a décidé de porter plainte. Finalement, le jugement a donné raison au photographe.
Qu’en pensez-vous?
L.C : Cette affaire est représentative des problèmes liés aux impressions en éditions limitées et je pense qu’on devrait être plus attentif à cela quand on parle d’un marché qui fonctionne selon ses propres règles. Un collectionneur devrait toujours considérer les règles du marché photographique, même celles qui ne sont pas écrites, dans le but de conserver un marché solide. Je pense que deux tirages, produits à des périodes différentes, avec des dimensions différentes ou réalisés selon des méthodes différentes, résultent toutes deux de la même photo ; des impressions distinctes d’un même négatif ne sont pas différentes, je pense qu’elles font partie d’une œuvre unique.
Je suis même plus radicale : je pense que c’est une supercherie de faire des éditions différentes simplement selon les dimensions des tirages.
Vous pouvez lire l’interview dans son intégralité, dans la version anglaise du Journal.
Propos recueillis par Juliette Deschodt.
MIA Fair – Milan Image Art Fair 2013
Du 10 au 12 mai 2013
Superstudio Più
Via Tortona, 27
Milan, Italie
