Mon premier voyage au Mali aura été dur, âpre, parfois sordide. L’impression la plus forte résidait alors dans la lutte permanente contre les innombrables agressions, moustiques, vent de sable, saleté, barrages d’une police corrompue, regards trop appuyés, demandes en tous genre confinant au harcèlement… Au point de m’user, de me dégoûter, et d’espérer le retour au plus vite.
Je ne me rendais pas compte alors de la mélodie subtile, prenante, poignante, qui se distillait dans mon sang. Plus j’avançais dans ce voyage, et plus le moindre détail me semblait opaque. Je m’en étais confié à mon guide, Amako, ce jour où nous visitions la ville en terre de Djenné ; il n’a pas bronché, comme pour confirmer le mystère… Peu après, il m’a pris soudain le bras, orientant mon regard : une entrée, un long couloir obscur, un enfant dans un clair obscur, puis un autre dans une cour baignée de lumière… et, chose extraordinaire, cette fuite du regard vers l’enfant de lumière dessinait dans l’espace ainsi comprimé une véritable serrure !
« Pour ouvrir les portes, dit alors Amako, il te faut une clé… une clé tout simplement ».
Les trois mois qui suivirent mon retour m’ont livré, dans la chambre noire, la clé me permettant d’y voir plus clair. Les agressions ayant disparu, j’étais soudain disponible, entièrement à la beauté des choses. Des détails alors anodins prirent un relief particulier, des situations tendues se dénouèrent en me livrant un éclairage insoupçonné, des personnages s’imposèrent par contraste avec ma réalité retrouvée. Le Sahel s’ouvrait à mes sens, des hasards prenaient un sens, la magie opérait enfin.
C’est ainsi qu’Instants Sahéliens a vu le jour : dans la distance, le recul, l’obscurité, et l’écoute d’Ali Farka Touré. Un voyage après le voyage, comme une seconde chance à ne pas manquer.
Quatre vingts photographies et quarante textes en sont la trace.
Janvier 2013
J’ai écrit le texte précédent quelques mois avant la première offensive des groupes rebelles dans la région du Nord Mali. Exceptés alors des troubles mineurs concernant les touaregs au Nord de Gao, la situation au Mali m’avait éclairé sur ce que peut être un exemple de réussite harmonieuse d’une cohabitation entre une vingtaine d’ethnies différentes.
C’était la négociation, et elle seule, qui résolvait les problèmes éventuels. Une atmosphère de paix, rythmée par le chant des griots, était chose naturelle. Depuis l’Islam radical s’est fortement implanté dans la région sub sahérienne, et le conflit en Lybie, alimentant de nombreux trafics d’armes, a probablement catalysé la situation actuelle.
La situation est complexe, les revendications traditionnelles des touaregs n’ayant que peu de rapports, sinon tactiques, avec les djiadistes venus souvent de l’étranger. Et la faiblesse, voire l’inexistence de l’état malien, a favorisé le conflit.
Il reste à espérer que l’intervention française de ce mois de Janvier 2013, accueillie très favorablement par le peuple malien dans son ensemble, permettra, au delà d’un arrêt de la dislocation du Mali, une prise de conscience pour un état fort, en même temps qu’une attention aux revendications des minorités du Nord, seule façon d’exonérer une récidive probable.
Afin que le Mali, cette terre pauvre à l’infinie richesse culturelle et humaine, continue à vivre et à nous enchanter.
Michel Kirch
Biographie
Michel Kirch naît à Metz dans une famille d’artistes. Sa mère, Grand Prix des Maîtres du Chant français est une soprano lyrique reconnue qui a chanté, entre autres, à la Scala de Milan. Son père, Albert Kirch, rabbin, poète et résistant, a obtenu le Prix de chant du conservatoire de Metz.
Michel obtient à 17 ans, en même temps que son baccalauréat, le prix d’orgue au conservatoire de Metz. Parallèlement à ses études musicales, il s’inscrit à la faculté de médecine de Strasbourg. Dès lors, il partage sa vie entre sa carrière médicale et de grands voyages initiatiques :
une année au Sahara parmi les peuples nomades, quatre mois chez les Bédouins du Sinai, un été sur un chalutier de Santander, trois ans en Basse Galilée, ponctués de séjours épisodiques au kibboutz Massada (vallée du Jourdain), un an à Tel Aviv et un hiver solitaire dans le Haut Atlas. C’est lors de ces voyages qu’il découvre la photographie. Ses premiers clichés sont pour lui le moyen de mémoriser situations et paysages dans l’esprit de l’écrivain voyageur.
Ses photographies sont exposées pour la première fois en 1998 au terme de son année saharienne à l’Espace Canon pour une exposition intitulée « Jeux de sable ». Son expérience en Israël l’amène à deux sujets où l’actualité politique sera l’arrière-plan d’une expression poétique : « Old Jaffa’s Dream » et « Au-delà du Mur ». D’autres projets voient le jour et les œuvres de Michel Kirch sont dès lors présentées dans différentes galeries en Europe, aux États-Unis et en Asie.
Il partage sa vie entre son cabinet médical et sa carrière artistique jusqu’en 2010, date à laquelle il se consacre exclusivement à son œuvre.
En 2008, il est invité à la Biennale d’Alessandria en Italie, représentant la France dans l’exposition « Shapes of Time ». S’ensuivent alors des acquisitions publiques et privées : la fondation Guerlain, l’hôtel la Mamounia où le décorateur Jacques Garcia choisit seize œuvres, ou encore le Mandarin Oriental à Paris. Entre 2009 et 2011, Michel Kirch est sélectionné trois fois à Mac Paris (Manifestation d’art contemporain de Paris).
En 2009, il est choisi pour participer à la conférence du sociologue et philosophe Edgar Morin au Teatro Dal Verme de Milan sur « l’Ethique et la Reliance », dans le cadre de la manifestation annuelle « Meet the Media Guru ». À cette occasion Michel Kirch fait don d’une œuvre à la Fondation « l’Art pour la Conscience et le Partage des Biens Communs » et devient le premier artiste choisi par la fondation, elle-même parrainée par Edgar Morin.
Il expose avec la Galerie Esther Woerdehoff à Paris Photo en 2009 et 2010, au MiArt (Milan Image Art Fair) en 2010 et MIA en 2011. Fin 2010, il est invité au Cambodge par la John MacDermott Gallery au Angkor Foto Festival. En 2011, la Galerie Insula l’expose dans le cadre du festival Images et Mots à Paris dans le quartier Saint-Germain-des-Prés.
En décembre 2011, il partage l’espace Pierre Cardin Évolution à Paris avec l’artiste Dominique Paulin pour l’exposition « Spacialités » parrainée par Edgar Morin, sponsorisée par l’ESA (Agence spatiale européenne) et Astrium.
Nommé Ambassadeur de l’Interculturalité par le Club Unesco Sorbonne en juin 2012, il est Invité à exposer au Salon d’Automne à Tel Aviv en Israël en novembre 2012.
En 2013, il exposera en Inde à New Delhi et à Chennai en février et mars dans le cadre du festival « Bonjour India ». Son travail sera également présenté à l’UNESCO puis à Chartres, Troyes et Metz.