A. Galerie à Paris présente le travaille le plus récent du célèbre portraitiste Mark Seliger, réuni dans un livre : Listen (Editions Rizzoli).
Mark Seliger se définit comme un « photographe éditorial » qui a également réalisé des publicités et des vidéos. Pendant plus de vingt ans, il a photographié les plus grandes stars internationales pour le magazine Rolling Stone et, à partir de 2002, sous contrat pour Condé Nast (GQ, Vanity Fair, L’Uomo Vogue).
Mais ce natif du Texas ne pose pas son objectif entre les commandes. Comme un retour aux sources de ses premières pulsions photographiques, il chasse les instants éphémères et pousse son vocabulaire visuel encore plus loin.
Listen regroupe des nues, des paysages, des natures mortes, et des portraits. Mais ne vous attendez pas à reconnaître qui que ce soit dans ces images. Les seuls portraits aux cimaises sont des personnages percés et tatouées (« nouveaux primitifs ») dont on scrute l’identité sous l’épaisse couche de joaillerie. Dans ses nus, la plupart des visages sont cachés ou hors cadre, nous offrant la volupté de chaque corps (et Seliger ne choisit pas que des mannequins de défilé). Les paysages sont vides d’humains mais chargés de sa présence : le cadrage, la lumière, la multitude de détails saisis, sont autant d’empreintes qu’a laissé le photographe. Les natures mortes : des objets disparates arrangés en sculptures abstraites, semblent renfermer un sens caché.
Le choix de tirer au platine/palladium est presque à l’origine de cette série de photographies. À ses débuts, Seliger développait lui-même ses photographies en noir et blanc. Plus tard, il avoue avoir été influencé par le travail d’Irving Penn dans ce domaine et par un tirage platine d’Horst P. Horst acheté il y a quelques années et qu’il admire chez lui depuis. C’est avec un des tireurs platine de Penn, Daniel Belknap, que Seliger a réalisé cette exposition.
En parcourant les cimaises, on pense aux nus de Bill Brandt, aux paysages de l’école californienne (Wynn Bullock, Pirkle Jones), et on ne peut que sourire face au clin d’œil à Man Ray et son « Violon d’Ingres » façon bondage.
Si, pour ses portraits en couleur, Seliger se situe entre Annie Leibowitz et David LaChapelle, ce travail en noir et blanc le positionne entre Edward Steichen et Minor White. Ce dernier, que Seliger cite en préface de Listen, évoque la possibilité de capturer l’essence même de ce que l’on choisi de photographier.
En véritable artisan de l’objectif, Seliger sait distiller la lumière, jouer avec les contrastes, se servir d’une brume matinale pour donner un sens visuel à ses images. En jouant avec le diaphragme, il nous fait prendre conscience de l’intemporel : un glissement d’eau, des gouttes suintantes sous la poutrelle d’un vieux dock à la lisière du ressac, l’usure des pierres du Brooklyn Bridge.
Ses images les plus personnelles et énigmatiques nous renvoient à une certaine fragilité, un sentiment d’impermanence : un chat siamois qui rôde trop près d’un château de cartes, un osselet en équilibre sur une paire de dés…
Dans chaque image, le sens du détail est fondamental. D’où le titre : Listen. Alors qu’un portrait de célébrité doit avoir un impact immédiat sur le lecteur, Seliger nous demande ici de prendre notre temps, d’écouter ses images.
Et on a qu’une seule envie : tendre les yeux.
Christophe Lunn
Informations utiles :
Mark Seliger, Listen
Jusqu’au 14 avril, 2012
A. Galerie.
12, rue Léonce Reynaud
75116 Paris
T. + 33 6 20 85 85 85
email : [email protected]
Livres de Mark Seliger disponibles à la galerie :
listen (Editions Rizzoli)
1977 (édition limité à 500 exemplaires)