Pour une première exposition aux Etats-Unis, le photographe allemand Marc Ohrem-Leclef a choisi de s’attaquer à un mythe. Qu’on se trompe, il ne s’agit pas ici de revisiter l’affrontement entre cow-boys et indiens d’Amérique ; ces photographes ont été prises en Australie et en Inde.
Que ceux qui s’attendaient à voir des hommes gambader dans les paysages somptueux de l’Ouest américain soient déçus. Il n’est ici pas question d’habitants de cette région et les photographies de Marc Ohrem-Leclef ne présentent absolument aucun élément américain. Ses cowboys, le photographe allemand est allé les chercher dans le nord du Queensland, en Australie. C’est là que vivent les jackaroos, de beaux et jeunes mâles au travail dans les champs et parmi les bêtes, une vie à la John Wayne qui les confortent dans leur masculinité. Isolés mais bien connus de leurs compatriotes, impossibles à joindre par téléphone ou quelconque émetteur radio, ces cow-boys modernes se sont forgés mentalement mais aussi physiquement dans la terre qu’ils exploitent.
Indéniablement, Marc Ohrem-Leclef a immortalisé l’aspect apparent de ces hommes, que l’on voit à l’œuvre bottes chaussées, torses bombés, chemise déboutonnée. Leurs regards rappellent le western Brokeback Mountain mais leurs bonds au dessus des clôtures la country phallocentrique de Johnny Cash. Un physique hors norme pour un mode de vie traditionnel qu’on imagine rude.
C’est précisément sur ce point que les indiens d’Ohrem-Leclef rejoignent ses cowboys d’Australie, d’un point de vue esthétique du moins. Car il n’est pas question d’affrontements entre hommes mais bien de similitudes. Les indiens du photographe s’adonnent au Kushti, une forme traditionnelle de lutte pratiquée également par de jeunes individus, dans une arène de sable, au centre d’habitations dédiée à cet art, les akharas. Engageant discipline et force physique, le Kushti est immortalisé par le photographe au quotidien, aussi bien dans les entrainements que les scènes de repos ou la communion des pratiquants. Comme pour les jackaroos, ils vivent en communauté exclusivement masculine, en étroite liaison avec la religion hindoue, dans un relatif isolement, malgré leur établissement au milieu d’une ville dense en population. Une vie de pré adulte mentalement et physiquement conditionnée. « Même si je ne peux dénier mon envie de faire apparaitre quelques unes des idées iconiques et romantiques de masculinité, beauté, domination et force associées à mes sujets, explique Ohrem-Leclef, c’est le questionnement et le démantèlement de ces notions stéréotypées qui complètent ce voyage photographique. » Les légendes de l’Ouest en pâtissent déjà.
Jonas Cuénin
Cowboys and Indians
Marc Ohrem-Leclef
Jusqu’au 27 avril 2012
Au consulat général d’Allemagne de New York
871 United Nations Plaza (49th Street and 1st Avenue)
New York, NY 10017