Découvrez une installation photographique inédite composée des tirages de Stephan Zaubitzer et de la projection du film d’Antoine Ferrando d’après l’oeuvre d’Olivier Hodasava.
Découvrez une installation photographique inédite, composée des tirages de Stephan Zaubitzer et de la projection du film d’Antoine Ferrando d’après l’œuvre d’Olivier Hodasava. Dans la lignée de ses maîtres à penser — Walker Evans, Stephen Shore ou encore Joel Sternfeld —, Stephan Zaubitzer nous fera découvrir son cinéma photographique, une série réalisée pendant dix ans dans plusieurs pays à la chambre grand format, l’un des procédés photographiques les plus anciens. Des images d’architecture très documentaires qui soulèvent la question de la place de l’humain dans l’espace urbain. Le travail d‘Olivier Hodasava, que l’on peut découvrir sur son blog www.dreamlands-virtual-tour.blogspot.com, nous plonge dans un voyage de plusieurs années, avec pour seul outil photographique Google Street View, et à la clé une ambitieuse réappropriation de la Street Photography, dans sa version 2.0.
Ulrich Lebeuf
Stephan Zaubitzer
Mon projet est de photographier les salles de cinéma de centre-ville à travers le monde. Avec l’apparition de la vidéo, de la télévision, l’existence de ces salles devient de plus en plus précaire. Hormis au Burkina Faso, pratiquement tous les pays d’Afrique de l’Ouest ont vu leurs salles fermer une à une. Au festival de Cannes 2006, à la cérémonie d’ouverture, le réalisateur malien Souleymane Cissé lance un cri d’alarme en constatant l’absence de salles de cinéma en Afrique.
Tout comme le cinéma, la photographie naît avec la lumière. Mais, le cinéma, c’est l’art de l’image en mouvement et du montage, c’est un espace partagé avec le public. Lors d’un dialogue en champ/contre-champ, les protagonistes de la scène sont bien présents dans l’imaginaire du public alors qu’un seul est présent à l’écran. Le résultat d’une décision photographique est, au contraire, définitif : le hors champ n’existe plus. On se promène dans une photographie… L’image fixe est un moyen de commémorer, de célébrer ce patrimoine. De s’attacher aux personnes qui y travaillent, au public qui investit les salles, à l’architecture de ces cinémas. De capter cette vie, parfois menacée.
La salle de cinéma fonde son quartier comme celui-ci a fondé la salle et son environnement. Lorsqu’un cinéma ferme, c’est souvent l’âme du quartier qui est amputée. Faire un travail photographique, c’est aussi contribuer à refuser cette fatalité. Témoigner du deuil et permettre aux souvenirs de vivre encore un moment, ne serait-ce que dans la mémoire collective de ceux qui constituèrent, jadis, un public. Une photographie réveille d’autres sentiments que purement visuels, se plonger dans une image fixe de cinéma rappelle une salle disparue, une atmosphère révolue. Et l’on comprendra alors que la mémoire ne filme pas, mais qu’elle photographie.
Olivier Hodasava
Chaque jour, je me pose à un endroit — Manchester, Las Vegas, Tokyo, Krasnoiarsk, Salem ou Montluçon. J’avance. J’arpente. J’observe. Seulement mes pas ne sont pas des pas mais des clics sur une souris. Je clique. Je clique pour avancer… Je suis face à un écran. Je me laisse porter. Cela fait quatre ans que j’opère ainsi, quatre ans que j’arpente quotidiennement une espèce d’espace, un monde immatériel : celui de Street View.
Chaque jour, je remets ça.
J’aime le rituel : allumer l’ordinateur, lancer Firefox, ouvrir Google Maps, saisir une destination. J’aime, dans un premier temps, devoir survoler les lieux que je vais arpenter — comme si je m’apprêtais à atterrir. Je repère, d’altitude, les quartiers, les axes, les zones… À la manière d’un général en campagne.
On devine beaucoup à partir d’une image satellite.
On peut assez facilement se faire une idée de ce à quoi ressemble la vie au quotidien à l’échelle d’une rue. Et quand on se trompe — parce qu’il arrive forcément que les hasards des vies des hommes transforment par exemple des quartiers huppés en zones de non droit —, c’est presque encore mieux.
Ce qui me frappe, quand j’essaye de prendre du recul, c’est à quel point mon voyage est un voyage dans le temps. L’univers que je pénètre est une trace photographique du passé. C’est un fantôme : les images que j’explore datent de 2011, 2010… Parfois même, elles sont plus anciennes. Et puis, ce que j’explore, c’est un temps arrêté, figé presque à tout jamais. Je peux prendre plusieurs minutes pour réfléchir à mon cadrage. Je peux revenir même quelques jours plus tard. Rien n’a changé.
Je cherche les parkings, les no man’s lands, les zones d’activité. Je cherche le patrimoine industriel : les pipelines, les citernes, les usines, les centrales électriques… Je cherche les stations essence et les cabines téléphoniques, les boîtes aux lettres. Je cherche ce qui est devenu commun au monde entier : les chaises de jardin en plastique aussi bien que les enseignes des multinationales omniprésentes. Je cherche les éléments de signalisation, les panneaux, les feux, les marquages au sol. Je cherche les tas de gravats, les sacs poubelles, les containers à ordures, les décharges improvisées, les objets — télés ou canapés… — abandonnés à la rue. Je cherche les caddies, les fauteuils roulants… Tous ces objets qui apparaissent parfois dans le paysage et qui sont suffisamment “atypiques” pour être remarqués. Je cherche les envols d’oiseaux, les traînées de condensations qui balafrent le ciel, les avions qui décollent ou atterrissent. Je cherche les jours de pluie, les couchers de soleil et les rares visions crépusculaires. Je cherche les lieux photographiés par d’autres — pour confronter mon regard au leur, pour voir les marques du passage du temps et ce qu’elles signifient. Je cherche à imaginer des vies qui ne sont pas la mienne à partir de bribes grappillées, forcément dérisoires. J’avance dans une rue, je croise des individus dont je ne sais rien. J’essaye de tracer des vecteurs entre eux, des flèches : j’imagine des amitiés possibles, des relations de voisinage. Et ce que ça implique aussi, une relation de voisinage, quand on habite un bourg perdu proche du cercle arctique ou une banlieue quelque part dans le Montana ou en Californie. Je cherche à me confronter aux limites d’un appareil formel contraignant. Je fais avec cette caméra de peu, de beaucoup : StreetView — des panoramiques, des déformations, des objectifs inchangés/inchangeables, des flous de masquage, des limites de résolution. Je fais aussi avec les vides et les pleins que cela implique. Avec la frustration de savoir que je rate parfois de quelques centimètres à peine le sublime parce qu’il est impossible de se glisser dans les interstices entre deux images. C’est une frustration en fait, mais aussi un plaisir — un plaisir immense.
Voir aussi le trailer du film Dreamland Highway, réalisé d’après l’œuvre d’Olivier Hodasava par Antoine Ferrando :
https://vimeo.com/106366259
EXPOSITION
Dans le cadre de MAP 2014 : Street Photography
Grands Ecrans vs Dreamlands virtual Tour
Stephan Zaubitzer et Olivier Hodasava
sous la direction d’Ulrich Lebeuf
Jusqu’au 30 septembre 2014
Cour Henri IV – Hôtel de Ville
Place du Capitole
31000 Toulouse
France
Ouvert tous les jours de 10h à 18h
http://www.map-photo.fr/
http://stephanzaubitzer.com
http://Dream-land-virtual-tour.fr