Libre, Farida, Libre…
C’était bien avant les débats qui agitent actuellement nos sociétés, ici et ailleurs : (dé)colonisation, appropriation culturelle, mouvement #MeToo… Née en Algérie peu avant l’indépendance, devenue adulte en France, Farida Hamak ne théorisait rien de ces questionnements : elle les actait. Par la photographie.
Attendez, avant de poursuivre : que l’on mesure bien ce que signifiait pour une femme d’origine arabe, tiraillée entre deux cultures, de désirer devenir photographe. Payer cette liberté à un prix inouî. Et sceller, par l’achat de son premier appareil, à Singapour, il y a 40 ans, le serment de ne jamais la trahir. Voyageant sans cesse – seule – avec le besoin animal d’engloutir le monde dans des images. Parfois confortée par des pairs, connus ou non (Cartier Bresson, Martine Franck,…), elle a écrit son histoire essentiellement en solitaire.
La sienne, d’abord, à travers l’intimité des femmes en Algérie – quand personne ne s’y penchait. Ou le parcours de sa mère dont elle a extrait un livre « Ma mère, histoire d’une immigration ». Puis, celle collective, nourrie des imaginaires arabes des années ’70 : Liban, Syrie, Palestine, Irak, Rives du Jourdain,… Son cadre photographique en masquait un autre, bien plus politique. Par l’image, Farida récupérait le « butin de guerre » qu’évoque Kateb Yacine à propos, lui, de la langue française après la colonisation. Avec un mot d’ordre, cependant : l’esthétique.
Héritière de l’immigration, de l’oppression des femmes, de l’ambivalence française à l’égard de ses bi-nationaux,… Tout fut trop violent. L’esthétique, pour Farida, a été acte de survie. Il faut avoir bien connu le chagrin pour, n’importe où, détecter le beau malgré la guerre (elle a été reporter), le patriarcat,… Avoir côtoyé la désespérance, puis l’apaisement d’une oasis à Bou Saada pour parvenir à une telle épure de l’image. Un tel ré-enchantement de lumière.
Aujourd’hui, cet esthétique rejoint avec universalité celle de maitres de la peinture. Seule différence : ce regard vient de l’intérieur, et affranchi de toute appartenance. Car, je vous le dis, la première identité de Farida, c‘est la photographie.
Souâd Belhaddad, journaliste et écrivaine
Exposition organisée par AKAA/Paris en collaboration avec MANIFESTA/Lyon.
La galerie Regard Sud présentera des oeuvres inédites en Algérie.
Farida Hamak : Imaginaires Émancipés
20 mai – 16 juillet 2021
Manifesta
6 rue Pizay
69001 Lyon
Regard Sud galerie
1/3 rue des Pierres Plantées
69001 Lyon
www.regardsud.com