La nudité est une chose excitante, fascinante — mais elle peut aussi être perturbante.
Kenneth Clark, l’historien de l’art anglais, opérait une distinction entre le « nu » et la « nudité » : le nu prend la pose, confiant, mis en scène, et possède des racines « respectables » au sein de l’histoire de l’art ; la nudité, c’est être sans vêtements — exposé, vulnérable, embarrassé ? Surtout par son pénis.
La sélection de photographies présentées ici retrace le changement d’attitude de la société envers l’homme nu aux XXe et XXIe siècles — des changements qui reflète la place, en son sein, des relations homo-érotiques et homosexuelles. La photographe américaine Berenice Abbott a déclaré que « la photographie aide les gens à voir » — et en regardant ces images, nous voyons comment la société a changé ; et les images ont poussé la société à changer. Le processus qui a fait passer l’homme du « nu » à la « nudité » est aussi l’histoire de l’homo-érotisme devenant manifeste et accepté ; de l’homosexualité sortant du placard pour occuper une place visible dans le monde.
À la fin du XIXe siècle, les photographies de nu masculin appartenaient toutes à trois catégories : celle de modèles prenant différentes poses pour faciliter le travail des artistes — remplaçant les moulages de plâtre ou les modèles vivants ; celle participant de la documentation de cultures tribales et non-européennes ; celle, alors en nette augmentation, poursuivant des buts médicaux, scientifiques et criminels. Ainsi des soldats blessés furent photographiés pendant la guerre de Sécession, des photos anthropométriques des criminels furent réalisées, et le travail d’Huxley, de Darwin et d’autres mena à l’utilisation de la photographie dans le processus de compréhension de l’évolution humaine et animale — Muybridge développa un appareil pour enregistrer la locomotion humaine. C’était la première fois que des images de nu masculin était aussi largement disponibles pour le grand public. La photographie était utilisée et appréciée pour sa faculté à enregistrer les détails avec précision : les choses comme elles « sont ».
Les deux guerres mondiales ont apporté de grands changements dans la société : le nu masculin n’était plus désormais inspiré par les classiques ; la période de l’entre-deux-guerres vit survenir le culte du fitness, du soleil et du naturalisme ; le grand nombre de soldats amenés à vivre ensemble dans le cadre de ces conflits mena à l’expression d’une grande camaraderie et de nouveaux liens affectifs masculins, accompagnée d’un certain « relâchement » dans les normes morales.
Ron Howell, commissaire de l’exposition.
Lire la suite de l’article dans la version anglaise de L’Œil.
EXPOSITION
Man Exposed
Du 3 au 21 juillet 2014
Mondo Galeria
San Lucas 9
28004 Madrid
Espagne
