La palme dort, le palmier meurt.
Cette exposition raconte l’avancée inexorable de la ligne de côte sous l’effet du réchauffement global : cet étrange estran, la dernière frontière. J’ai eu la très grande chance de rester prisonnier consentant dans une maison de plage au Brésil, lors des longs mois du premier confinement. J’y ai photographié mon horizon, une fine langue de sable de quelques kilomètres, limitée par deux estuaires et une palmeraie. Chaque semaine, je découvrais sur notre plage un ou plusieurs palmiers passés de vie à trépas.
Les photographies sont organisées en cinq séries, dans une progression temporelle qui va de Vies à vies, puis Chute, Déracinement, Allongé et enfin Ensablé. Vies à vies, c’est le face à face terre-mer, l’ombre portée de l’arbre sur l’océan. Chute, le palmier quitte la verticalité vivante et vibrante.
Déracinement, c’est la perte du lien avec la terre nourricière. Allongé, c’est le début de l’horizontalité muette et mortuaire. Ensablé, c’est l’enterrement de ces vivants totems qui, quelques semaines auparavant, époussetaient le ciel d’outre-mer au gré des alizés malins.
Comment ne pas y voir de métaphores avec notre condition humaine !
Architecte de formation, je porte en moi la prégnance du motif, une conscience aigüe de l’espace, de la lumière et de la matière. Mes photos sont très architecturées. J’appréhende le médium photographique dans une démarche proche de la conception architecturale : non pas partir de la feuille blanche, mais des contraintes de la scène pour en faire des opportunités. L’essence de mon travail réside dans la manière dont le sujet se dissout dans l’espace jusqu’à l’abstraction. Je suis un farouche partisan du « Low Tech » : dire beaucoup avec peu. La meilleure voie vers la concentration de l’idée sur elle-même.
Mon travail s’inscrit dans le temps long, sinon dans l’intemporalité. Je cherche à produire dans mes photographies un univers hors du temps, loin de l’idée de l’instant décisif et fugace. Enfin, j’attache beaucoup d’importance à la mise en récit. Pouvoir raconter une histoire est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Ainsi, mes photographies même les plus abstraites font référence à des récits profondément humains et existentiels, telles la solitude, la fragilité de la vie, la peur de la mort.
Exposition présentée à l’Espace Points de Vue, à Lauzerte, France, entre le 6 Mai et le 14 Juin 2023.
