Les images de Domingo Milella ont la rigueur d’un inventaire topographique. Chaque paysage semble choisi pour un attribut qui en fait un espace type, une évidence historique du procédé d’appropriation domestique. Chaque image décortique les temporalités coexistant dans un environnement déterminé, qu’elles fusionnent, se vampirisent ou se côtoient respectueusement. Sa vue de Tlatelolco, à Mexico, donne envie de renommer la célèbre place des Trois Cultures. C’est ici la place à trois temps, comme la valse : en se plaçant légèrement en hauteur, Milella décale le monolithe des années 1960 sur le bord de l’image, rendant sa présence moins envahissante. Il laisse la place centrale aux fondations aztèques du XIIIe siècle que la sobriété rendrait quasiment invisibles autrement. En plaçant enfin le temple du XVIIe siècle devant un immeuble linéaire et blanc, le photographe fait ressortir ses tours de briques qui découpent deux bandes grises verticales sur la façade de cet arrière-plan improvisé. En permettant à chacune de ces constructions de se détacher clairement, et en choisissant de le faire pour ce lieu, Milella dévoile son attention : il associe les différents stades du développement, perceptibles dans les monuments naturels ou architecturaux, à des temporalités distinctes. Et comme dans une valse, les éléments se mettent à danser, invitant progressivement de nouvelles temporalités restées cachées dans des géométries moins évidentes : les pointillés colorés dessinés par les files de voiture ou les courbes, à l’horizon, des montagnes originelles. On peut alors appliquer cette étude du paysage à chaque image. En Italie comme en Turquie, les différentes époques se mêlent, partageant leur forme, leur couleur et jusqu’à leur espace dans les paysages troglodytes de Turquie ou le village de Polignano a Mare, en Italie, construit selon les dimensions exactes de la falaise au point de s’en faire la prolongation. C’est la pierre, d’abord, naturelle, façonnée ou érodée, qui donne l’indication de temps. Les habitations semblent être des prothèses affichant ouvertement une chronologie. Un parcours plus long et contemplatif de chaque photographie révèle de nouvelles géométries, de nouvelles périodes, de nouvelles histoires, jusqu’à couvrir un temps infini, finalement abstrait. C’est cette faculté de ne jamais se laisser capturer qui fascine dans les paysages, particulièrement ceux de Milella.
Laurence Cornet
Exposition jusqu’au 26 janvier 2013
Conversation Domingo Milella avec Francesco Zanot le mercredi 23 janvier. Contactez la galerie.
Galerie Brancolini Grimaldi
43 – 44 Albemarle Street
First floor (above Post Office)
London W1S 4JJ
Royaume Unis
T +44 (0)20 7493 5721