L’Américain Christopher Rauschenberg est l’un des héros de la photographie contemporaine. C’est avant tout un artiste de première classe, représenté par la très estimable galerie Elizabeth Leach de Portland, en Oregon, où il vit avec sa femme, Janet Stein, mentionnée ici car elle semble être la seconde paire de yeux de Chris, infatigable.
Rauschenberg est le plus généreux des hommes, qui examine chaque portfolio dans les nombreuses commissions critiques auxquelles il participe. A Portland, il a été l’un des fondateurs de la galerie The Blue Sky, formidable espace à but non lucratif dans le Pearl District.
Blue Sky célébrait cet été une éclipse totale de soleil aux Etats-Unis avec l’exposition The Eclipse Show, organisée par M. Rauschenberg. A bien des égards, on peut dire que l’exposition se basait sur « des images magiques à vous fendre le cœur, de gens dont on ne voit pas les yeux, » ce qui constitue la définition de travail de la collection de l’Œil Invisible, dont les pièces maîtresses ont été exposées au Blue Sky il y a presque cinq ans jour pour jour.
Pour The Eclipse Show, Rauschenberg a rassemblé plus de cent images. Correspondant à la mission de Blue Sky, l’exposition s’avère largement démocratique, avec des œuvres dont la plupart sont récentes, mais pas toutes (Robert Frank, Russell Lee, John Baldessari) et des noms familiers (Matt Eich, Laurie Lambrecht, Adrain Chesser, Rocio de Alba, Vincent Cianni) mais aussi de nombreux nouveaux. De fait, beaucoup des œuvres contemporaines sont à vendre, et à des prix raisonnables. Une installation occupe le premier espace de la galerie, avec une œuvre principalement non encadrée qui utilise des magnets et donne une impression de luminosité et d’ampleur. Les artistes représentés par deux ou trois œuvres sont dans l’ensemble les plus mémorables. The Eye a été en partie occupé par Adam Ekbeg (Shadow and Eye, 2010), Carol Isaak (Janus, 2017) et Jason Larkin, avec une série minutieuse montrant des gens seuls, debout dans l’ombre ; et particulièrement séduit par le charme simple d’Eye Parking Lot During Solar Eclipse, de 1979, par Craig Hickman.
Sans titre, de la série The Tyranny of Hope de Romain Blanquart, 2008-2014, tenait la place d’honneur dans la vitrine frontale, représentative de l’humour qui traversait toute l’exposition. Eclipse I, II et III, de 2017, par Bill Fingers était l’interprétation la plus littérale du sujet. Rauschenberg écrit : « Si vous prenez en photo un photographe au travail, il y a des chances pour que vous le représentiez allant d’un côté à l’autre en regardant dans l’objectif de son appareil, en train d’essayer diverses compositions avec différentes combinaisons d’objets en premier plan qui éclipsent le fond. ‘Eclipser’ est l’un des aspects primordiaux de la photographie mais les gens ne l’intègrent pas à leur compréhension du medium. Si vous ne remarquez pas une chose à moins qu’elle n’assombrisse le soleil en plein jour, c’est peut-être que vous ne faites pas aussi attention que vous le devriez. »
Les choix et l’installation sont malicieux et agréables. Citons à nouveau le commissaire : « Si cette exposition vous invite à fermer occasionnellement un œil pour jouer à aligner les éléments et en faire disparaître, alors je suis heureux. Le monde est, entre autres, un terrain de jeu visuel, et le jeu est toujours un travail important. »
W.M.Hunt
W.M.Hunt écrit en tant que l’Œil Invisible. Il est contributeur occasionnel et compte parmi les premiers soutiens de L’Œil de la photographie. L’exposition est désormais terminée mais reste visible en ligne à l’adresse suivante : http://www.blueskygallery.org/exhibition/eclipse-group-show/
Galerie The Blue Sky
122 NW 8th Avenue
Portland, Oregon, 97209
USA