Jacques Revon est un photographe de longue date. Nous avons publié son travail à de nombreuses reprises et il a récemment ouvert notre nouvelle chronique L’Œil Argentique, présentant ses photographies prises avec des films périmés de longue date reçus de son père (pour information, Jacques a 75 ans). Depuis un certain temps, il s’est également transformé en alchimiste, traitant les films avec un vaste domaine de révélateurs très inhabituels, en commençant par le café, puis le vin, la bière, le thé et de nombreuses herbes aromatiques. Dès aujourd’hui et pendant plusieurs mois, L’Œil Argentique présentera les images issues de ses recherches, ainsi que les recettes détaillées qu’il a concoctées. Si vous rêviez d’un livre de recettes de la chambre noire, c’est celui-ci. Voici le premier épisode de ses aventures avec le cafénol. A suivre… Bon appétit!
GD
Ma première approche d’un développement argentique avec un révélateur fabriqué avec du café, le dit caffénol.
« Quand la soif de connaitre fait partie de votre vie, on se dit qu’il sera possible avec patience et persévérance d’approcher et d’aborder de nombreux sujets ».
C’est ainsi qu’avec maintenant l’outil internet, on peut toujours essayer de partir à la recherche d’informations diverses et variées qu’il faudra bien entendu toujours recouper puis vérifier, avant de se faire sa propre idée sur un sujet.
C’est dans cet esprit que j’ai recherché diverses informations sur la possibilité de développer un film ou une pellicule noir et blanc argentique avec du « café » et je me suis mis à rechercher.
Plusieurs passionnés d’argentique ont eu déjà l’idée de mettre à leur manière, ce n’est donc pas nouveau, cette technique argentique alternative à la portée d’amoureux du laboratoire. Il suffit donc d’être un peu curieux et de suivre le chemin du dit « caffénol » pour je l’ai dit, se faire sa propre idée sur la méthode.
Voici d’ailleurs quelques blogs que j’ai découvert sur YouTube, « il faut rendre à César….. » où les uns et les autres ont leur propre manière de présenter et de procéder pour développer au « caffénol ».
L’aventure en français ou en anglais ! ClicArgentique, Caro et Charly, Jean-Michel Prost, Lisa-Marie Kaspar, Mat Marrash, Joshua Surprenant…. et bien d’autres avec un commentaire, ou en images et par choix sans commentaire, dans leur présentation.
Ensuite, à vous ou pas, de vouloir en savoir davantage et peut-être de partir vous aussi dans cette aventure, sur cette route des développements avec des révélateurs dits « alternatifs », fabriqués par vous-même.
Un conseil cependant, il vous faudra prendre tout le temps nécessaire, vous le devinez, l’argentique ne se pense pas ni ne se traite pas comme le numérique. Essentiel!
Genèse de ma propre envie de découvrir et de connaitre.
Je souhaitais depuis déjà un certain temps avec le développement d’un film noir et blanc, m’approcher d’un style photographique que j’appellerai ici: « le dessin au crayon noir doux sur papier canson ».
Drôle d’idée me direz-vous que de vouloir imiter le dessin avec une pellicule photo? Mais finalement pourquoi pas? Alors j’ai essayé.
Au début du mois de mai de cette année, j’ai débuté mes premiers essais et recherches dans ce domaine, avec un morceau de film 24X36 périmé depuis 1982, film Pan F de chez ILFORD de 50 ASA, vendu à l’époque en boîte métallique de 17 mètres d’émulsion, que l’on pouvait charger à sa guise et en dimension diverses, dans des cartouches récupérables de même format. Très économique et très pratique.
Après avoir donc réalisé avec un ancien boitier CANON F1 quelques prises de vue de fleurs dans mon jardin, j’ai développé cette bande de film dans du café avec la méthode dite en « Stand DEV » c’est à dire, avec un temps de développement très long de 60 minutes, à une température de 20° mais avec une seule agitation de la cuve durant la première minute de développement et en prenant bien soin après ,de tapoter doucement le fond de la cuve pour faire remonter les bulles d’air qui peuvent se fixer sur la spire.
Au bout de trente minutes, j’ai ensuite effectué un très court arrêt pour vider la cuve du contenu caffénol, puis j’ai lavé le film pendant 30 secondes puis j’ai remis le même révélateur caffénol et j’ai poursuivi le développement encore 30 minutes, sans agitation après tapotement du fond de la cuve avec la même température de 20°.
Une fois développé le film a été fixé puis lavé et enfin séché de manière classique. En fin de développement, vous constaterez sans doute qu’une coloration brunâtre ou jaunâtre apparente du négatif se sera produite, c’est normal, elle est due au café.
Quelques conseils liés à cette méthode.
La première chose à faire avant de commencer le développement, c’est d’abord d’effectuer un pré-mouillage de votre film ou de votre pellicule disposé sur la spire et déjà dans la cuve, durant 5 minutes dans de l’eau à 20° afin de préparer l’émulsion à bien subir le développement. Ensuite, videz l’eau et rincez au moins trois fois puis remplissez la cuve avec votre révélateur caffénol.
Vous constaterez d’ailleurs immédiatement lorsque vous viderez la cuve après le pré mouillage que l’eau rejetée s’est colorée et c’est normal, c’est la couleur de l’anti halo qui s’en va, surtout sur une pellicule 120 / 6X6.
Lors du développement, vous devez agiter votre cuve en l’inversant et en la tournant simultanément durant une minute en continu. A la fin de l’agitation je l’ai dit, n’oubliez pas de tapoter doucement votre cuve sur son fond afin de faire remonter les bulles d’air qui pourraient se fixer sur la spire, ce qui occasionnerait ultérieurement des tâches ou des marques sur votre film ou sur la pellicule.
Les différents produits pour fabriquer votre révélateur « caffénol ».
1 Le Café, qui est riche en acides phénoliques (tanins) et qui soutient le développement. Les phénols sont ici les éléments essentiels ainsi que la caféine.
Comme d’ailleurs le précise le Dr Scott williams professeur en chimie, découvreur aux USA en 1995 du développement au caffénol, je le cite:
«… la caféine est une molécule qui possède tous les constituants d’un révélateur efficace et à peu près tous les types de molécules connues de la nature…dont l’acide caféique ».
2 Le Carbonate de sodium où des cristaux de soude. Ce sont les « alcalins » et les « accélérateurs » qui vont permettre d’ajuster la solution à un pH basique, ce qui va faciliter le gonflement de la gélatine et favoriser l’action du révélateur vers le grain d’halogénure d’argent exposé.
3 La Vitamine C en cachet effervescent de préférence. C’est un agent co développeur. Elle a un effet « super additif » elle agit également comme un conservateur pour protéger les agents développeurs de votre préparation.
4 Le Sel iodé lui, c’est un « frein » dont la présence permet de contrôler le processus du développement, afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles, c’est un anti-voile.
Quelques Indications des quantités à utiliser de produits évoqués pour fabriquer environ 500 ml de révélateur caffénol.
- Dans un premier récipient verser 250 ml d’eau à 20°.
- Mesurer 20 grammes de café soluble et bien les diluer dans ce récipient.
- Dans un deuxième récipient de 250 ml d’eau tiède cette fois-ci.
- Diluer correctement 55 grammes de cristaux de soude que l’on doit toujours verser dans l’eau mais jamais l’inverse.
Une fois les cristaux correctement dissous (c’est assez long), ajouter et toujours bien dissoudre 8 grammes de vitamine C, puis enfin 5 grammes de sel iodé.
- Enfin, bien mélanger ensemble vos deux préparations dans un autre récipient pour n’en faire qu’une seule.
- Une fois terminé et avant d’utiliser votre révélateur caffénol pour votre développement, pensez à bien filtrer la totalité du produit révélateur fabriqué à l’aide d’un filtre
Les deux photographies scannées ci-dessous, sont issues des négatifs développés dans ce révélateur caffénol.
Avec le café, c’étaient donc mes premiers essais et résultats qui nécessitaient on le voit, que je m’interroge sur comment poursuivre mes recherches et peut-être choisir un autre mode opératoire pour mes essais.
La prochaine fois je vous parlerai donc toujours de développement au caffénol, mais cette fois lors de prises de vues réalisées avec un appareil de format 6X6 et donc avec une pellicule de format 120, comme avec un autre paramètre de développement.
A bientôt!
Jacques Revon
Journaliste honoraire, auteur, photographe.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Revon
« L’image argentique latente révélée à mes yeux, apparait comme un témoignage subjectif, c’est donc une photographie incomparable d’un instant réel vécu par celle ou celui qui l’a prise ». Jacques Revon