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Life, Howard Sochurek –Humphrey’s Peak

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Pour le numéro de Life magazine sortie en 1956 sur l’ère du jet, je voulais photographier la bouche des réacteurs de certains avions de combat passant au crépuscule – trois lumières rouges en haut et le foyer en bas. Je pensais que ça ferait un effet terrible. Je volais avec un pilote qui n’avait pas beaucoup d’expérience. Nous sommes montés à 41000 pieds, et la verrière explosa. C’est un phénomène appelé décompression explosive, où la verrière est soumise à une pression telle qu’elle explose. Vous perdez l’antenne, qui est fixée dessus. Je ne pouvais plus communiquer avec le pilote, et il ne pouvait plus communiquer avec moi.

Mon masque a été arraché. Il mit l’avion en piqué pour redescendre. Il coupa les aérofreins, et l’avion commença à trembler. J’avais la possibilité de tirer sur ma poignée et de me sortir de là. Utiliser le siège éjectable est ce qu’on vous conseille de faire, et ensuite il faut se mettre en chute libre jusqu’à ce que vous soyez beaucoup plus bas parce que vous ne pouvez pas respirer à 40000 pieds. Vous ne pouvez pas survivre à cette altitude très longtemps. Chaque parcelle de votre peau semble traversée de millions d’aiguilles qui vous transpercent tandis que l’oxygène s’échappe en bulles de votre sang. C’est une sacrée expérience.

Je ne pouvais pas parler au pilote, et de toute façon, il était trop occupé à essayer de garder le contrôle de l’appareil qui était animé de secousses et de tremblements. Je pensais que je pouvais aussi bien mourir dans le crash que mourir en m’éjectant. Nous étions à peu près au-dessus de la piste d’atterrissage. Ils étaient en train de lancer des vols de nuit de pilotes débutants. Nous ne pouvions entrer en contact avec eux et pourtant nous devions nous poser. Les gens de la tour de contrôle étaient furieux parce que nous nous présentions pour un atterrissage. Ils nous envoyaient des signaux lumineux qui signifiaient « Vous ne pouvez pas vous poser ». Au même moment, mon pilote était mort de peur. Life Magazine était assis à l’arrière. Il ne savait pas si j’étais mort ou vivant. Il ne voulait pas récolter toute la publicité de cet incident. Finalement, ils se sont rendus compte dans la tour que nous allions quand même nous poser, donc ils ont arrêté leurs opérations au sol. Nous avons atterri et une ambulance et une voiture d’assistance se présentèrent et découvrirent un avion qui n’avait plus de verrière. Ils nous amenèrent à l’hôpital. Nous y restâmes pour la nuit, mais heureusement nous n’avions pas subi une exposition suffisamment prolongée au froid ou au manque d’oxygène pour être sérieusement blessés.

Je n’en fis pas toute une histoire, jusqu’à ce que je rentre à New York et que le film soit développé. Life organisa une réunion pour décider quoi faire avec ce reportage. Devions-nous le publier ? A cette réunion, je me rappelle avoir découvert qu’ils comptaient vraiment prendre mon film et le donner à un artiste pour qu’il l’utilise pour faire des illustrations. Ils ont regardé les photos. Je dis : « Je ne vous l’ai pas dit avant, mais j’ai eu quelques problèmes pour réaliser ce film. » Je leur racontais mon histoire.

Je leur dis « Je veux juste vous dire que je ne veux pas qu’un artiste quelconque avec un col roulé rose prenne ces photos et les utilise pour faire ses dessins. » Ils m’ont regardé, et j’imagine que cette histoire de décompression explosive avait retenue leur attention. Le rédacteur en chef demanda au directeur artistique : « Est-ce que tu t’es engagé ? »

« J’avais un type en tête. Je lui en ai parlé » dit-il.

Le rédacteur en chef dit : « Laissons faire Howard, et voyons si nous ne pouvons pas faire ça avec les photographies. C’est réaliste, et c’est plutôt bon. Il y a de matière intéressante là-dedans. »

Le directeur artistique dit d’accord. Et sortit de la pièce.

(Interview du 28 octobre 1993. Extrait de : John Loengard, LIFE Photographers: What They Saw, Boston, A Bullfinch Press Book, 1998)

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