Lorsqu’on lui demanda s’il pouvait citer son image favorite, Cornell Capa se souvint qu’il était à Moscou lorsque Boris Pasterna remporta le prix Nobel de Literatture en 1958. (Le roman du poète, Doctor Zhivago, était passé clandestinement à l’étranger et publié en Italie un an plus tôt mais il était toujours interdit en Union Soviétique.) En acceptant le prix, Pasternak assura le comité Nobel qu’il était “immensément reconnaisant, touché, fier, étonné et abasourdi.” Capa disait:
Il s’agissait de la journée la plus incroyable. Pasternak, un grand esprit et un merveilleux acteur, parlait l’anglais Shakespearien. Il fit un toast à Madame, c’était la journée homonyme de sa femme – une image merveilleuse, un toast à la liberté. Enfin, dans le verger de cerisiers, derrière lui se trouve cette image terrible d’un jardin de Russie, où se trouve inscrit ‘Doom’ en travers. Mon dernier regard sur Pasternak se joua lorsqu’il était assis sur un banc de jardin avec la scène incroyable de ce verger. Vous ne pouviez pas obtenir une image plus triste – à évoquer le souvenir de Docteur Jivago ou de Boris Pasternak – et cette image fut la dernière a être prise de lui lorsqu’il était visité par un étranger – moi. Le gouvernement soviétique a interdit à Pasternak de se rendre à Stockholm pour recevoir le prix, et deux ans plus tard il décéda.
La médaille du prix Nobel fut présentée au fils de Pasternak à Stockholm en 1989.
(Interview du 25 Octobre 1993. Extrait de: John Loengard, LIFE Photographers: What They Saw, Boston, A Bullfinch Press Book, 1998)