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Liban : Randa Mirza

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A la frontière du rêve et de la réalité, Beirutopia

L’une des dernières séries de la photographe libanaise Randa MirzaBeirutopia, nous entraîne dans l’imaginaire d’une ville, Beyrouth, qui se reconstruit : « En ce sens-là, je ne suis pas originale. Après la guerre, la plupart des photographes au Liban se sont emparés du thème de la reconstruction et du patrimoine. » C’est plutôt le traitement du sujet qui attire l’œil : dans ses photos, la réalité entre en collision avec la ville rêvée qui s’affiche en grand format sur les façades de bois qui entourent les chantiers des immeubles en construction. Une série “facile” : « Il suffit d’attendre le bon moment pour déclencher : un passant, une voiture, une ombre. » Mais qui contient aussi une petite dose de difficulté : « Je me baladais dans la ville à moto. Quand je voyais un panneau qui m’attirait, je m’arrêtais, j’attendais. Mais j’ai aussi rencontré des problèmes avec l’armée en photographiant des zones militaires. Beyrouth n’est pas une ville où l’on se promène appareil en bandoulière, les gens sont méfiants. »

A l’université où elle suit des cours de publicité, Randa Mirza n’imagine pas encore que l’on peut faire des photos d’art. Au fil des cours de communication visuelle, croquis, histoire de l’art, elle met de côté le concept publicitaire pour développer l’aspect artistique et prend parallèlement des cours de photographie argentique. Puis elle quitte le Liban et s’inscrit en France dans un cours de photographie, « un alibi pour être loin ». De l’argentique, elle passe au numérique en autodidacte, « à l’origine un besoin d’indépendance technique et financier ». Armée de son ordinateur et de sa caméra, elle répond d’abord à des petites annonces en banlieue parisienne et fait des photos de mariage, sans penser qu’elle pourra plus tard vivre de son art. Son premier projet artistique développé et exposé a pour thème la grotte aux Pigeons, rocher de Beyrouth et symbole de la ville dont elle immortalise les nageurs qui l’envahissent, les corps, les mouvements, avec son compact digital 4 millions de pixels. Les photos sont retravaillées sur Photoshop : « Difficile de prendre de bonnes photos en plein soleil. J’assume cette transformation de l’image initiale ; je me considère plus comme une artiste visuelle que comme une photographe. L’important c’est l’image qui est produite à la fin. Après tout un photographe par le choix de l’objectif ou du filtre change également la réalité au moment d’appuyer sur le déclencheur. »

Pour construire Beirutopia, il aura fallu deux ans de travail sporadique au cours desquels elle ne perd jamais de vue ses deux publics : « Les Libanais, à qui je m’adresse en les interrogeant sur la ville, et les étrangers, à qui je fais découvrir une Beyrouth qu’ils méconnaissent », encore hantés par les images d’une ville en guerre pendant plus de quinze ans. Beirutopia leur présente « une cité futuriste, en 3D ». Sur ces photos, les affiches cohabitent avec des éléments de réalité, certaines sont abîmées, arrachées, comme si le rêve était égratigné.

Les sujets qui inspirent Randa Mirza sont le plus souvent liés au Liban, son pays natal, qu’elle a parfois quitté pour mieux le retrouver dans l’image : « Avec la distance, tu développes un imaginaire, une nostalgie qui te permet de réfléchir à certains projets. » A Marseille, où elle est installée depuis un an et demi, elle n’a pas encore pris une photo. Le départ du Liban, c’est aussi un choix de vie : « Le milieu libanais est saturé en ce moment. La seule manière de m’en sortir aurait été de faire de la photographie journaliste, de couvrir la guerre », chose qu’elle a faite pendant 18 mois en traitant du conflit syrien aux côtés d’une journaliste, mais dont elle a voulu s’éloigner un temps.

Loin de se laisser enfermer dans une case, Randa Mirza a aujourd’hui laissé la ville de côté. Elle prépare son prochain projet en lien avec la mythologie arabe pré-islamique. « A Marseille je vais au-delà de mon identité libanaise, j’approche mon identité arabe. Les perspectives de la région semblent actuellement floues alors je me rapproche du passé pour raconter autre chose. On en parle peu, mais cette mythologie permet de rêver. » Un travail qui passe d’abord par de longues recherches sur les mythes censurés par l’Islam naissant et les orientalistes. Elle souhaite les reconstituer. Pour cela, il lui faudra du temps et des moyens : acteurs, décors, éclairages, et même marionnettistes. Elle imagine également l’exposition. « Lasse d’imprimer », elle pense aux premiers appareils d’optique du XIXe siècle pour projeter son travail différemment. Une réflexion à l’image de cette artiste, toujours à l’affut de nouvelles formes d’expression.

Découvrir le travail de Randa Mirza sur www.randamirza.com

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