Avec douze ans d’existence, Lianzhou Foto Festival confirme sa communion avec la photographie et assume avec fierté sa jeune pérennité. Toujours un plaisir de s’y trouver. Plaisirs de découvertes, bonheurs d’échanges, toutes les exigences nécessaires à la réussite de ce type de réunion.
Sous une bannière très dorée le thème de cette année : As entertaining as possible (« Aussi divertissant que possible »). Pourquoi l’or, l’or qui brille attire toute une catégorie de Chinois nouvellement acquise aux délices de la consommation grâce à un enrichissement récent. Le Lianzhou Foto Festival avait invité à titre posthume Jean Baudrillard comme main guest. En cette année 2010, le thème était Is the world real ? (« Le monde est-il réel ? »)
Déjà cette interrogation sur la consommation placée comme une évidence à vivre. Le discours de Baudrillard avait été par ses photos et ses textes reçu avec beaucoup de compréhension. Six ans après, sa pensée plane sur le festival et les photographies présentées illustrent bien les thèses du philosophe que « le monde réel a disparu, remplacé par les signes du réel » et que « la consommation est devenue un moyen de différenciation et non de satisfaction ». La très rapide accession au pouvoir d’achat, une petite trentaine d’années, d’une classe moyenne, supérieure et très supérieure permet une lecture, une lisibilité plus facile que dans nos sociétés occidentales. Le résultat est le même. Voyons…
Haro sur la consommation. L’immobilier concentre beaucoup de « m’as-tu vu » en Chine comme ailleurs. C’est ce que nous montre Yuan Tianwen, photographe « immobilier ». Du délire plus il y en a, du doré, de l’espace, de l’entre nous, du clinquant, du Trump à la mode Tien’annem.
Le photographe Shizhong nous présente une série, les villas de la Lingnan Water Town. Des résidences posées du côté des rives de la Pearl River, construites par les nouveaux riches de la zone de Chenzhen, où les rivalités, les individualités s’expriment…
Li Zhengde s’est bien amusé, je le lui souhaite. Il a suivi les nouveaux riches, types middle classe, des individus bien décidés à « se montrer heureux » en toutes circonstances, surtout dans le cadre de leurs surprises parties, étranges sont les déguisements. Ils sont très dégagés de la culture des sept péchés capitaux ! Ils sont ceux que l’on peut rencontrer dans les innombrables mall des villes de plus, d’un ou deux millions d’habitants. Mall dans lesquels toutes les plus grandes marques de luxe sont présentes. Dans les parkings de ces lieux, Porsche, Bentley, Ferrari et autre tas de ferraille occupent l’espace avec un bonheur non dissimulé… pour une pollution à l’échelle du pays.
Chen Shu-Chen est indirectement choqué par un manque de considération que les consommateurs de chambres d’hôtel ont à l’égard des « nettoyeurs » … La nature humaine ? Le Festival se libère de sa thématique dorée pour nous présenter de magnifiques séries de tendresse, dont l’expression si forte peut nous laisser… jaloux comme Me and Me du couple Chen Wen Jun et Jiang Yanmei. Tou Yiu-Fen, photographe taïwanais, des chiens destinés à la mort. Le photographe les assiste avant l’euthanasie et les photographie, c’est saisissant. Shen Weng Lo, ce sont les ours qui l’occupent. Il traverse le monde pour voir l’inanité, quelles que soient les intentions, de trouver une raison, un bien-être à transporter ces ours blancs hors de leur aire.
Les changements de la société chinoise, c’est le sujet de Li Baijun, à partir de 1979, passionnant. A voir sans retenue : Arron Hsiao qui photographie les voyageurs des TGV lorsque le train roule à grande vitesse. Surprenant au delà de la performance technique.
Bien d’autres photographes étaient visibles, chinois comme étrangers. Pour insister sur l’ouverture de ce festival, je vous propose la liste des photographes étrangers invités : Marina Godonneix, Jean-Christian Bourcart, Sandro Miller, Sergei Chilikov, Debi Cornwall, Akiko Takizawa, Yusuke Morinato, Muki Hazegawa, Hiroshi Okamoto, Tim Parchikov, Christian Lutz.
Que du bon à voir. Merci à Duan Yuting qui a la maîtrise de ce festival.
Michel Philippot
Michel Philippot est un journaliste français basé à Paris. Il est l’ancien directeur photo du magazine VSD et du magazine Le Monde 2.
Lianzhou Foto 2016
Du 19 novembre au 9 décembre 2016
Lianzhou, Guangdong
Chine
