Fin des années 1980, le photographe Pierre de Vallombreuse découvre au sud-ouest des Philippines, la vallée des Palawan. Depuis, il a visité une vingtaine de fois ces chasseurs-cueilleurs, vivant aujourd’hui entre autarcie, mondialisation, conservation des rites et des cultures, dangers et perte de repères. Le musée de l’Homme expose ses nouveaux travaux, après quinze ans d’absence auprès de ses amis.
D’emblée, Pierre de Vallombreuse semble un homme amusé, de ces personnes qui ont le récit long, les anecdotes savoureuses, jamais hautaines, pleines de mesure et de considération. En près de trente ans, il se qualifie « l’ami des Palawans ». Il n’est pas des leurs, il ne le sera jamais, mais il est accepté, dans une société qui n’est pas ou peu fermée. Avec lui, les Palawan ne revêtent plus de masque. Depuis 1987 il les a visités près d’une vingtaine de fois. Il a vécu trois ans et demi à leurs côtés en 1990, son appareil photographique en bandoulière.
Les Palawans occupent une vallée du sud-ouest des Philippines, situé sur l’île éponyme. Leur territoire occupe 160 000 hectares. Cette ethnie compte environ 35 000 à 60 000 personnes, occupant des plaines extrêmement vallonnées, souvent boueuses. La Vallée est aujourd’hui traversée par la modernité. Les routes d’accès sont nombreuses, creusées depuis les années 1990.
Il y a quinze ans, Pierre de Vallombreuse quittait ses amis soucieux de leur culture. Il s’avouait « pessimiste sur leurs chances » de préserver leurs héritages. Si l’on peut dire, la vallée était minée de toute part. Un pasteur missionnaire se chargea – gentilhomme ! – d’apporter la chrétienté et construisit une église dans leurs terres. Certains renièrent leurs divinités. Une école fut construite à la suite de l’Église. Le photographe parle alors d’« intégration désintégrante », pour qualifier les petites atteintes, ici et là, du tourisme naissant (bien que ponctuel), des convoitises religieuses, des échanges culturels grandissant.
Quinze ans plus tard, le constat est plus doux ! Certes les Palawan écoutent en pleine forêt de la pop philippine mâtinée de techno. Certes, ils s’habillent parfois à l’occidentale. Mais ils chérissent toujours leurs terres, cultivent les rizières, cueillent et pêchent. Ils n’ont rien perdu de leur humour (inscrit dans leur constitution), ils utilisent l’école, la lecture, l’écriture, pour défendre leurs traditions. Ils se moquent des étrangers avec grivoiserie. Les échanges nombreux n’ont pas déséquilibré les forces. Et les convertis sont revenus aux divinités. Paraît-il, les enseignements sont malgré l’habillage les mêmes.
Aujourd’hui les dangers changent de visage. Une guérilla ouverte entre le gouvernement et des forces rebelles s’enlise dans la Vallée. Des Palawan sont payés puis enrôlés. Des compagnies d’exploitations des plantations s’implantent également rapidement. Il est possible que 50% des Palawan travaillent pour de grandes entreprises dans un futur proche. En introduisant un salariat, le mode de rétribution de la société, fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette, changerait les rapports sociaux.
Son regard est celui d’un curieux. Il se nourrit de leurs habitudes, magnifie leurs terres, arpente leurs pas, marque leurs changements. Il faut l’entendre dire son expérience de trente ans, son amour pour ce peuple, son amitié indéfectible pour certains des leurs. Son inquiétude également. Reste ses photographies, témoignages sincères, à mille-lieux des carnets de voyage ou des études scientifiques. Les clichés restituent l’équilibre de ce peuple. L’amitié guide son objectif.
Arthur Dayras
Arthur Dayras est un auteur spécialisé en photographie qui vit et travaille à Paris.
Pierre de Vallombreuse, Le Peuple de la Vallée
Du 18 janvier au 2 juillet 2018
Musée de l’homme – 10h-18h
17 Places du Trocadéro,
75016 Paris
http://www.museedelhomme.fr/fr/visitez/agenda/exposition/peuple-vallee