Au travers de ses photographies de la guerre d’Espagne ou du débarquement en Normandie, le photojournaliste Robert Capa a toujours été considéré comme un géant du reportage en noir et blanc. Mais connaît-on réellement bien son travail en couleur ? C’est la question que pose à l’histoire l’exposition Capa in Color à l’International Center of Photography (ICP) de New York, la première à révéler ces documents et probablement le plus bel événement du musée de ces cinq dernières années.
Est exposée une centaine de clichés à la géographie variable, dont la moitié n’a jamais été publiée, et qui révèle que Robert Capa a été un prolifique utilisateur des techniques alors modernes à son époque (L’ICP possède dans ses archives 4 200 clichés couleur). Stigmatisée par les photojournalistes ou les éditeurs de magazines comme trop différente du noir et blanc parce que moins puissante, la couleur paraissait également gênante compte tenu des délais pour développer et imprimer une série de Kodachrome. Robert Capa l’a tout de même utilisée pour une première expérience en 1938, alors qu’il couvre la guerre sino-japonaise, ou plus tard, s’équipant d’un boîtier de chaque type pendant les deux premières années de sa couverture de la Seconde Guerre mondiale (certains de ses reportages ont été envoyés en couleur puis publiés en noir et blanc par ses éditeurs). En 1941, lors d’un voyage sur l’Atlantique, il capture la vie à bord du navire allié sur lequel il a embarqué ; en 1943 il en fait de même lors d’un trajet entre l’Afrique du Nord et la Sicile. On découvre le portrait d’un marin, aux bleus et blancs éclatants, un match de boxe entre soldats anglais ou encore la cavalcade de Français à dos de chameau dans le désert tunisien. Des images aux couleurs grandioses, composées avec une modernité saisissante, et qui plongent leur spectateur dans une réalité qui paraît étrangement récente.
Si Cartier-Bresson a jusqu’à la fin de sa vie haï la couleur, Capa semble l’avoir adoptée avec tendresse jusqu’à la sienne en 1954. C’est justement un sentiment de tranquillité qui ressort de toutes ces autres photographies prises principalement après la guerre : des images d’un quotidien plus calme, des voyages, des vacances, des moments d’intimité. Il y a Capucine, cette actrice française qu’il photographie sur un balcon à Rome, et dont les beaux yeux le transforme en photographe de mode. Cette Américaine au ski, dont les lunettes de soleil renvoient avec une netteté incomparable le versant d’une montagne, un portrait réalisé en Suisse en 1950. Une famille de Lapons norvégiens, en habits traditionnels, immortalisée en train de s’embrasser. Et puis des amis. Pablo Picasso qui joue avec son fils Claude dans l’eau d’une plage française ; Truman Capote et Jennifer Jones sur le tournage d’un film en Italie ; Ernest Emingway assis au sol en face de son fils Gregory dans la Sun Valley (Idaho, Etats-Unis). Au delà du rapport couleur-noir et blanc, l’exposition révèle que Robert Capa, maître du reportage, était aussi un portraitiste hors pair. Le mythe ne fait que renaître.
EXPOSITION
Capa In Color
Jusqu’au 4 mai 2014
International Center of Photography
1133 Avenue of the Americas at 43rd Street
New York NY 10036
Etats-Unis
Catalogue éponyme édité par Delmonico-Prestel
http://www.icp.org