Après Home en 2014, Les Douches la Galerie consacre une nouvelle exposition personnelle à l’œuvre de Tom Arndt. Accompagnant la publication de l’ouvrage Reflets d’Amérique par l’atelier EXB, l’exposition rassemble vingt-six photographies prises de 1970 à nos jours, et tirées par l’artiste. Ensemble, elles racontent la poésie des choses simples dans une Amérique des grandes villes, des banlieues et du monde rural.
Depuis le milieu des années 1960, Tom Arndt s’est imposé comme l’un des photographes majeurs qui ont su capter l’esprit et l’atmosphère singulière de Minneapolis, ville où il est néen 1944. (…) Ses images de la cité s’inscrivent dans le champ de la Street Photography. (…)
Tom Arndt, en tant que jeune photographe, a pleinement conscience de vivre l’une des périodes les plus agitées de l’après-guerre aux États-Unis. Un an auparavant, en juillet 1967, Minneapolis a été, dans le sillage du mouvement national des droits civiques, le théâtre d’émeutes raciales déclenchées par des décennies de brutalité policière à l’encontre des Afro-Américains vivant dans les quartiers nord de la ville. Arndt utilise déjà à cette époque un appareil photo Leica à visée télémétrique pour rendre compte de l’évolution de nombreuses rues de Minneapolis durant cette période de grands bouleversements.
Après avoir suivi un deuxième cycle d’études de photographie à l’université du Minnesota, Twin Cities, il perfectionne ses connaissances auprès de photographes et de cinéastes influents, tels que Jerome Liebling, Elaine Mayes et Alan Downs. Robert Frank, Yasuhiro Ishimoto et Bill Brandt, entre autres, ont également une influence déterminante sur le jeune photographe. (…)
Tom Arndt profite largement du développement soutenu de la collection de photographies et du programme d’expositions du Minneapolis Institute of Art (Mia) mis en œuvre par le premier conservateur du département Photographie du musée, Ted Hartwell, dont il a fait connaissance au cours de la deuxième année de son second cycle d’études universitaires. Le dynamisme du musée dans le domaine de la photographie doit beaucoup à l’ambition de ce dernier, qui bénéficie du soutien de la communauté philanthropique de la ville et, dans les premiers temps de son mandat, de son amitié avec John Szarkowski, directeur et conservateur du département Photographie du Museum of Modern Art à New York (MoMA) de 1962 à 1991. Originaire du Wisconsin, celui-ci a travaillé comme photographe salarié au Walker Arts Center à Minneapolis avant d’obtenir son poste au MoMA. (…) John Szarkowski, qui partage avec Arndt la même ferveur pour photographier le Minnesota, jouera un rôle déterminant dans la carrière de ce dernier en faisant l’acquisition de ses œuvres, au début des années 1980, pour la collection du MoMA.
D’une grande complexité formelle, les photographies de Minneapolis par Arndt ont souvent pour sujet les vitrines de magasins dans lesquelles se reflètent le paysage urbain et les constructions en même temps que les passants – dont parfois le photographe lui-même –, le tout provoquant un effet kaléidoscopique. Autre thème privilégié de ses observations visuelles, les voitures et des camions (moyens de locomotion essentiels dans la vie quotidienne du Minnesota), garés ou circulant à travers la ville et sa périphérie.
Bien que prise également à Minneapolis,la photographie intitulée 4th of July, Minneapolis (1976) offre une image différente de la ville. Tom Arndt saisit trois jeunes Afro-Américains habillés à la mode de ces années-là assis dans l’herbe, dans une attitude décontractée, en attendant les célébrations du 4-Juillet au Powderhorn Park, dans le sud de Minneapolis. Ce parc est situé tout près de l’endroit où Tom Arndt a grandi (et à environ un kilomètre et demi de George Floyd Square). Le photographe, qui fréquentait ce lieu dans son enfance, connaît bien le quartier. Arndt ne cherche pas à dissimuler sa présence aux personnes qu’il immortalise, et il lui arrive souvent d’engager la conversation avec elles. Il considère comme essentiel que les gens qu’il photographie se sentent à l’aise – une manière de faire qui crée une certaine forme d’intimité entre lui et ses sujets.
Trente-six ans plus tard, au cours du printemps et de l’été 2020, Tom Arndt a documenté les destructions de Minneapolis suite au meurtre de George Floyd par un policier, perpétré le 27 mai 2020 dans le sud de la ville – un quartier que le photographe connaissait bien pour y avoir passé son enfance.
Yasufumi Nakamori
Extraits de « Tom Arndt et Minneapolis », paru dans l’ouvrage Tom Arndt : Reflets d’Amérique, Atelier EXB, 2O22
Né à Minneapolis, Tom Arndt s’est attaché à photographier son Minnesota natal. S’inscrivant dans la grande tradition de la photographie documentaire américaine, il nous livre un album de famille : ses habitants, ses rues, ses vitrines, ses comptoirs de café, ses parcs, ses grands évènements populaires, avec une très grande empathie et une grande dignité. Le misérabilisme n’y a pas sa place. Comme le souligne son ami et écrivain, Garrison Keillor, Tom Arndt photographie «l’ADN de la culture du Minnesota, c’est-à-dire les pauvres et les exclus».
Très attaché à l’argentique, Arndt nous livre des tirages d’une exceptionnelle beauté. Amoureux des papiers photographiques, il ne peut concevoir une journée sans passer plusieurs heures dans son laboratoire.
Tom Arndt : American Reflections
Jusqu’au 21 janvier 2023
Les Douches La Galerie
5, rue Legouvé 75010 Paris
www.lesdoucheslagalerie.com
Publication
Tom Arndt : Reflets d’Amérique
Atelier EXB, 2022
Textes de Sarah Meister et Yasufumi Nakamori Relié
ISBN : 978-2-36511-342-7
https://exb.fr/