Le monde de Katia Gehrung saisi par ses décalages est fait d’humour et de gravité. L’intelligence est toujours au rendez-vous dans ce qui veut paraître des exercices d’imbécilité. Et ce n’est pas un hasard si Vénus sort de l’eau ou se plante au milieu des routes ou des champs et autres lieux à ses risques et périls. Néanmoins les voyeurs courent les même danger là où l’artiste forge sa propre symbolique et sa lutte. Elle est à la fois toutes les femmes et la nageuse d’un seul combat là où le monde ne connaît que le féminin et ses mémoires silencieuses que la créatrice ranime.
Cette quête reste un combat. Les narrations et leurs actrices en impriment l’impulsion là où le propre « je » de l’artiste piste un autre « moi » il est pour un devenir germinatif au sein de propositions qui deviennent des insurrections. Katia Gehrung évoque la femme sans faire de sermon. Et elle multiplie les apparitions intempestives pour faire sortir du silence celles qui ont servi de torchon ou de repos du guerrier. Le féminin avance là où le gouffre de l’être se transforme en une maison aux mythes et empreintes aussi archaïques qu’utopiques. L’artiste ose une forme d’ »incompossible », le passage à la conscience comme au désir qui lisse jusqu’au creux du ventre où se fatigue la salive d’une langue plastique remise en bouche.
Il n’existe dans de telles mises en scène ni haine ou amertume. Juste la puissance de la poésie surréaliste comme alternative à tous les statuts-quo. Le féminin imprime des vagues dont Katia Gehrung prolonge les ondes et l’écume loin de tout caractère impressionniste ou expressionniste. L’artiste ne crée pas « sur » les femmes, ce sont elles qui semblent créer l’image même si l’officiante est bien au commande. C’est pourquoi la représentation réaliste – perdant pied – avance vers ce qui se voudrait énigme mais peut modifier les leçons de l’histoire écrite jusque là par les mâles, c’est une manière de réinventer l’occident.
Jean-Paul Gavard-Perret
