9 photographes rendent hommage à Sabine Weiss. Catalina Martin-Chico, Cédric Gerbehaye, Florence Levillain, Jean-Christophe Béchet, Marion Poussier, Mat Jacob, Philippe Guionie, Stéphane Lavoué, et Viviane Dalles célèbrent les 90 printemps de Sabine Weiss, en réalisant chacun une photographie dont ils auront eu le “déclic” à partir d’une photographie de Sabine Weiss. Leurs 9 photographies sont exposées en regard de celles qui les auront inspirés. Les images seront offertes à la Maison européenne de la photographie, pour entrer dans sa collection.
Catalina Martin Chico / Cosmos
« Je me suis retrouvée dans différentes approches de Sabine. J’aime ses compositions et la proximité qu’elle a avec ses sujets. Mais celles qui m’ont donné un “déclic” avaient toutes un point commun : le fait que le photographe, la personne photographiée et le “spectateur” rentraient dans une certaine interaction… J’aime le côté abstrait de cette image, le fait qu’on puisse, en tant que spectateur, y mettre aussi un peu de nous, de notre imaginaire… Qui est cet homme ? Que fait-il ? Qu’attend-il ? Est-il perdu ? A chacun d’y projeter un peu de soi ! Ma photo en réponse à celle de Sabine contient également ce côté abstrait, un côté non défini où le spectateur devient également acteur de ce processus… Cette photo a été prise en Chine, lors d’un reportage pour le magazine GEO sur les imams femmes et les mosquées de femmes. Et vous, qu’y voyez-vous ?*
Je ne sais pas si j’ai un style photographique. En revanche, je sais que j’ai un intérêt marqué pour l’être humain. Que ma photographie doit être proche du quotidien humain, d’une sorte de partage que j’entretiens avec mes sujets photographiés, une approche “humaine” qui me donnerait cet accès à une sorte “d’intimité” avec mes sujets. Peut-être partageons-nous cela avec Sabine Weiss ? »
* Ici une fidèle musulmane cuit du pain au petit matin pour aller le vendre, tellement les revenus des imams chinoises sont insuffisants…
Née en 1969, Franco-Espagnole, Catalina Martin-Chico a fait de longues études loin de la photo. Après un séjour à Paris en tant que salariée, elle part à New York pour 4 ans, où elle va suivre les cours de l’International Center of Photography. Ses voyages un peu partout dans le monde la conduisent au Yémen, où elle va effectuer des reportages photo pendant 8 ans. Elle a également travaillé sur des sujets sociaux français et couvert en partie le printemps arabe. Elle a exposé à New York, Bruxelles, Clermont-Ferrand, Milan, Perpignan et Paris et publié dans les grands magazines français et étrangers. En 2011, Catalina a reçu le Visa d’or Humanitaire du CICR pour La révolution yéménite, ainsi que la bourse photoreporter de Saint-Brieuc en 2013 pour un sujet sur les paradoxes de l’île de Saint-Martin.
Cédric Gerbehaye / Agence Vu’
« Cette photographie me raconte une histoire. Un couple isolé de la ville, dans un moment d’intimité. Une geste de tendresse qui précède ou suit un baiser.
Je m’intéresse aux gens et m’interroge sur eux. Sur ce qu’ils vivent, subissent ou souffrent. C’est dans ce sens que ma démarche s’inscrit dans une tradition “humaniste”. Avec l’espoir de nous aider à prendre nos responsabilités de citoyens du monde. A nous situer. »
Né en 1977 en Belgique, journaliste de formation, il vit à Bruxelles. Après avoir travaillé au Moyen-Orient, il se rend régulièrement, à partir de 2007, en République démocratique du Congo. Congo in Limbo fait l’objet d’un livre, de nombreuses expositions et reçoit sept distinctions internationales (World Press Photo, Olivier Rebbot Award de l’Overseas Press Club of America…). Sa série Land of Cush sur le Sud Soudan, avec le soutien du Magnum Foundation Emergency Fund et du Pulitzer Center on Crisis Reporting, reçoit le prix SCAM en 2012 et est publié en 2013. Cette même année, il est invité par le festival ImageSingulières à photographier la ville de Sète et publie Sète#13.
Florence Levillain / Signature
« C’est l’humour qui fait souvent déclic chez moi en regardant les images de Sabine. Elle a sur le monde qui nous entoure un regard plein d’esprit mais aussi de bienveillance. Même lorsqu’elle nous interpelle, elle est toujours respectueuse de ses modèles. Dans cette image, il y a un graphisme sobre et exigent qui met l’accent sur la ressemblance de tous ces hommes et sur cette idée, qui semble saugrenue, d’avoir pris des chaises en plein champ. On comprend ensuite les courses au loin et le suspens qui sous-tend la scène. Il y a quelque chose d’extraordinaire, qui m’a inspirée pour créer dans mon image une lumière un peu surnaturelle, et face à la constatation très terre à terre d’hommes qui se surélèvent pour une raison quelque peu mercantile de pari aux courses, m’est venue l’idée de transformer cette scène avec des enfants qui eux se surélèvent… pour mieux voir les étoiles. Il s’agissait aussi de rendre hommage aux autres images de Sabine, tellement poétiques, où elle porte un regard très doux et touchant sur l’enfance.
J’ose espérer avoir été choisie pour la similitude de ma démarche photographique avec celle de Sabine Weiss, et c’est pour moi un grand honneur, un très beau compliment. L’humanisme, à mon sens, n’est pas qu’un courant artistique mais bel et bien un esprit, une manière d’être. Il s’agit de porter attention à tout ce qui nous entoure avec la même curiosité, la même ouverture d’esprit, quels que soient le lieu et le moment, c’est-à-dire aussi dans notre vie de tous les jours. Mon travail porte beaucoup sur la vie de famille (y compris la mienne), l’enfance, comme des mondes merveilleux ou simplement incroyables, que le millième de seconde révèle particulièrement. Tout mon travail personnel depuis 20 ans porte le nom de Planète mars au bout de votre rue et consiste à passer du temps dans des univers qui nous sont très proches, que l’on croit connaître, mais qui s’avèrent être bien plus surprenants que l’on ne le pense. »
Née en 1970 à Paris. Florence Levillain débute en 1994 une carrière de photographe de reportage. Elle explore des territoires très variés allant du monde de l’entreprise aux rues des banlieues. Elle travaille pour la presse (Libération, Le Monde, Paris Match, VSD, Psychologies…) et effectue de nombreux reportages de société à l’étranger. Son travail sur la médecine chinoise est exposé en 2000 à La Villette. Parallèlement, elle poursuit un travail sur la famille, en collaboration avec Enfant Magazine durant 10 ans. L’univers de la pub remarque son goût pour les scènes de vie quotidienne vivantes. C’est ainsi qu’elle collabore depuis 3 ans avec l’agence Publicis à un “consumer magazine” de grande distribution, Ma vie en couleur. Toujours dans cette recherche d’une réelle proximité avec les gens, elle s’attache, dans son travail personnel à nous faire découvrir des univers proches de notre quotidien. Elle remporte le prix Kodak en 1999 pour un reportage réalisé sur les femmes travaillant à Rungis et commence une série intitulée Planète Mars au bout de votre rue (2001, es objets trouvés de Paris ; 2004, exposition au Muséum d’histoire naturelle…). Depuis 2009, elle fait des portraits de personnes, chez leur coiffeur ou en instituts, Parce qu’ils le valent bien, titre de sa série.
Jean-Christophe Béchet
« J’ai choisi une photo de 1957, prise dans le métro à Paris. Au-delà de son dynamisme évident et de la qualité de la lumière, je voulais une photo qui montre la précision du cadrage, et parfois des recadrages, chez Sabine Weiss. On retient souvent sa capacité à saisir sur le vif des attitudes, des gestuelles, des regards, et on néglige trop souvent, à mon sens, sa grande rigueur de cadrage. Or, c’est justement parce qu’elle est très précise et très exigeante sur les éléments formels que ses photos apparaissent aussi lisibles et simples. Limpides presque… En photographie, c’est très difficile (et très élégant !) de “faire simple”, surtout quand on évolue dans le chaos et le désordre du réel.
« Ce choix est avant tout un grand plaisir, car il me permet de dialoguer avec Sabine d’une autre façon. J’ai rencontré Sabine pour la première fois, par hasard, il y a 16 ans en Tunisie. Depuis nous avons souvent discuté, mais cette fois, il s’agissait de regarder son oeuvre d’une autre façon. Je n’étais plus un observateur, mais plutôt un “spéléologue” qui cherchait dans l’épaisseur et la profondeur de ses images celles qui me touchaient le plus, celles qui résonnaient en moi. Et ce fut un bel exercice, presque un voyage intime ! De plus, je suis quelqu’un qui s’intéresse à l’histoire de la photo. J’aime l’idée qu’une communion de visions et de regards existent entre les photographes à travers les époques. Quant à l’appellation “humaniste”, elle n’est pas vraiment importante pour moi. C’est une étiquette collée sur un mouvement photographique français qui s’inscrit dans le contexte historique de l’après-guerre. Se déclarer d’un éventuel courant “humaniste” aujourd’hui n’a, je crois, plus de sens, du moins sur le plan artistique. C’est un peu comme si un peintre de 2014 se disait impressionniste… La connaissance du passé doit servir à avancer et à décrypter le présent. Vouloir le réanimer artificiellement, ou pire chercher à en récupérer les riches heures, est pour moi un piège. »
Né en 1964 à Marseille, Jean-Christophe Béchet vit et travaille depuis 1990 à Paris. Mêlant noir et blanc et couleur, argentique et numérique, 24×36 et moyen format, polaroids et “accidents” photographiques, Jean-Christophe Béchet cherche pour chaque projet le “bon outil”, celui qui lui permettra de faire dialoguer de façon pertinente une interprétation du réel et une matière photographique. Héritier de la “photo de rue”, qu’elle soit américaine, française ou japonaise, il a choisi de ne pas abandonner le terrain du “document subjectif ”, associant reportage et paysage, portrait et architecture. Son regard sur le monde se construit livre par livre, l’espace de la page imprimée étant son terrain d’expression “naturel”. La place de l’homme dans le paysage contemporain, urbain, comme naturel, est au centre de ses préoccupations. Il poursuit en ce moment un travail sur l’identité européenne et développe en parallèle une série de longue haleine sur la haute montagne. Il est représenté par la galerie Les Douches La Galerie (Paris, 10e). Ses travaux personnels ont débouché sur plus de 50 expositions et l’édition de 12 monographies avec les éditeurs Marval, Filigranes et Trans Photographic Press.
Marion Poussier
« Travaillant en ce moment sur un projet autour des femmes de ménage, j’ai été touchée par cette image de Sabine. Ce n’est pas une photographie qui saute aux yeux comme certaines des photographies de Sabine, et c’est aussi pour cela que je l’aime. Sa simplicité donne d’autant plus de force et de profondeur à la femme qui est photographiée.
Comme sur les photos de Sabine, il y a toujours au moins une personne sur chacune de mes photographies ! »
Marion Poussier est née à Rennes en 1980. Après trois années à l’Ecole nationale supérieure Louis Lumière (2000-2003), elle se consacre entièrement à la photographie. Quelles que soient les “microsociétés” dans lesquelles elle s’immerge, elle s’attache à enregistrer les relations sociales tissées entre les uns et les autres. Il en ressort un étonnant petit théâtre de la vie dont l’histoire serait celle des sentiments du quotidien. Sentiments guidés par celui que l’on est, celui que l’on voudrait être et celui que l’on donne à voir. Marion Poussier a reçu en 2006 le prix Lucien et Rodolf Hervé pour sa série de photographies sur l’adolescence. Intitulée (un été), cette série a été exposée lors des Rencontres internationales de la photographie (Arles) sous le parrainage de Raymond Depardon et a rejoint la collection de la Fondation Cartier pour l’art contemporain ainsi que le Fonds national d’art contemporain. En 2010, Marion Poussier reçoit le prix de l’Académie des Beaux Arts. En 2014, elle est invitée par le festival Cinéma en plein air (parc de La Villette – Paris) à créer une série de films courts sur l’adolescence. Marion Poussier vit et travaille à Paris. Ses photographies sont exposées en France comme à l’étranger. Elle est représentée par la Galerie du Jour Agnès b.
Mat Jacob / Tendance Floue
« Mon choix s’est porté vers une photo peu connue de Sabine (Birmanie, 1996). Cette photo m’a emmené dans un lieu lointain avec cette démarche que j’affectionne, qui intègre une notion d’incertitude, de hasard et de rencontre qui est propre à la photographie. J’aimerais parler du temps qui passe ou du “off” de la photo, révéler la part mystérieuse et magique des images. Je suis retourné sur les lieux qu’a photographié Sabine il y a 18 ans. Je me suis rendu au monastère Shweyanpye où j’ai montré la photo de Sabine au moine responsable, qui a reconnu le jeune homme sur la photo. Il n’a pas pu me dire son nom, mais il savait que cet homme est aujourd’hui marié et avait donc quitté l’ordre des moines. Il se trouvait peut-être dans une ville à 3 heures en voiture. Etant donné le peu d’informations que j’avais, j’ai choisi de réaliser une série de photos dans le monastère dans le même contexte que celui de Sabine. Dix-huit ans après, rien a bougé ou presque. Les enfants se succèdent, apprennent et chahutent… C’est assez éloquent, le temps s’est figé, bien que dans le hors-champ, on peut constater que le tourisme a métamorphosé ce petit coin perdu de Birmanie au bord du Lac Inle.
J’imagine que nous avons en commun le goût pour les voyages et l’observation de “l’espèce humaine”. Avec quelques nuances : il y a presque deux générations entre nous, la profession a énormément évolué, les pratiques ont changé, la planète s’est métamorphosée et la photographie aussi. Il reste l’humain qui lui, reste le même et qui est le sujet inépuisable de tous les photographes curieux. Et il y a cette quête du beau, qui fait de la photographie le plus beau des métiers. »
Né en 1966 à Paris. Au début des années 90, il arpente la Chine, assistant aux prémices d’une mutation violente de la société, et pressent la perte d’humanité à venir. Entre 1993 et 1999, il parcourt la planète pour poser un regard sur l’école, ces lieux de l’enfance où se forgent les personnalités et où se pose la question de la liberté et des possibles rébellions. Lors de six voyages au Chiapas, entre 1995 et 2005, il s’intéresse à la revendication d’une identité indienne et paysanne et photographie la résistance à sa négation. Cette série, Chiapas, interroge le sens de l’acte politique et la possibilité d’une utopie. Pendant plus d’une décennie, il consacre une partie de son travail à la mise en oeuvre des projets éditoriaux du collectif Tendance Floue. Cette démarche de directeur artistique l’entraîne dans un travail de création d’un nouveau langage photographique. Entre 2007 et 2010, Mat Jacob revient sur un territoire familier et familial, le Finistère, appelé le “lieu du lien”. Revendiquant ses allers-retours entre l’universel et l’intime, il entame cette fois un voyage intérieur et interrogatif. De ce jeu de va-et-vient entre ses rencontres actuelles et sa mémoire est issu Etre, à l’Ouest.
Philippe Guionie / Myop
« La photographie dite de La petite Egyptienne, réalisée en 1983 à Louxor, est à mes yeux un hymne à la vie, un souffle de liberté. Je suis devenu photographe pour être libre. Libre de mes choix et de mes engagements. Ce choix a donc été une évidence. En septembre 2014, je suis reparti en Egypte dans les pas de Sabine Weiss à la recherche de cette petite fille et de son visage, retraçant ainsi l’histoire d’une photographie devenue une icône du XXe siècle. Sur ma photographie“déclic”, Amira, 11 ans, est la fille de la petite Egyptienne. La mère d’Amira s’appelait Oum Khalsoum, sa famille se souvient d’elle comme d’une femme libre. Amira connaîtra-t-elle cette liberté ?
Pour moi c’est un honneur, une grande fierté et une responsabilité nouvelle. C’est dans le regard d’un certain Willy Ronis, compagnon de route de Sabine Weiss, que j’ai commencé à exister en photographie, car il a été en 2001 à l’origine de ma première publication. Il est donc tout naturel que j’éprouve une empathie forte pour le courant de la photographie dite humaniste dont je partage les valeurs et une certaine philosophie de la vie : « La photographie, ce n’est pas un métier, c’est avant tout un état d’esprit. » Pour ma part, je revendique une photographie documentaire autour des thèmes de la mémoire et des constructions identitaires. Mon postulat photographique : poser des visages sur des mémoires humaines qui n’en ont pas, en associant souvent photographies et enregistrements sonores. J’essaie d’écrire en photographie une histoire humaine et l’inscrit dans le temps, celui de la mémoire partagée et celui du temps présent. »
Né en 1972 à Brive, Philippe Guionie vit et travaille à Toulouse. Historien de formation, Philippe Guionie revendique une photographie documentaire autour des thèmes de la mémoire et des constructions identitaires. Son mode principal de figuration est le portrait. Auteur de plusieurs ouvrages — Anciens combattants africains (Les Imaginayres/Diaphane, 2006), Africa-America (Diaphane, 2012) —, ses sujets personnels sont présentés dans des galeries et festivals, en France et à l’étranger (Mois de la Photo à Paris, festival ImagesSingulières à Sète, galerie du Château d’Eau à Toulouse, galerie Polka à Paris, Tbilisi Photo festival en Géorgie, instituts culturels français en Afrique et en Amérique du Sud,…). Lauréat de plusieurs prix photographiques, dont le Prix Roger Pic 2008 pour la série Le tirailleur et les trois fleuves, il est chargé des cours de sémiologie de l’image à l’école de formation de la photographie et du multimédia (ETPA) à Toulouse. Il encadre de nombreux workshops en France (Rencontres d’Arles) et à l’étranger. Membre de l’agence Myop depuis 2009, Philippe Guionie est représenté par la galerie Polka à Paris.
Stéphane Lavoué / Pasco
« Je travaille depuis plusieurs mois sur un projet aux USA. J’avais en tête les images de Sabine à Paris, en France, les enfants etc. En parcourant sa monographie (éditions la Martinière), j’ai découvert plusieurs images réalisées aux USA, à New York. La rue, la nuit, le métro, la pluie. J’ai tout de suite été saisi par cette image. Les deux flics dans la nuit, nimbés de la fumée des trottoirs new-yorkais. Des passants flous, dansant, presque. Il y a une ambiance de fête, malgré la présence de la police à ce carrefour. Un détail me frappe : les deux policiers ne sont pas armés ! Je garde cette image en tête, je la digère lentement et part en voyage avec elle. Dans le Vermont.
Comme Sabine, je suis avant tout un photographe de commande. Contrairement à Sabine, je suis devenu portraitiste. J’aime “l’humanité” de mes modèles, connus ou inconnus, que je dirige pour mettre en scène mes images. J’aime cet état de pleine conscience du sujet sachant qu’il est en train d’être photographié. J’ai photographié le Shérif Colby dans la petite pièce du tribunal de Guildhall (Vermont) qui sert de cellule aux détenus en attente de comparution. Son équipement est lourd et encombrant: un taser (pistolet à impulsion électrique), un pistolet automatique, des chargeurs de munitions, des menottes, un talkiewalkie. L’image de Sabine me revient soudain, les silhouettes nocturnes des policiers new-yorkais désarmés, légers. Changement d’époque ? »
Né en 1976 à Mulhouse, il vit et travaille à Paris. Photographe reporter portraitiste, diplômé de l’Ecole supérieure du Bois en 1998, il part vivre deux ans en Amazonie brésilienne (à Belém puis Santarém), chargé des achats de bois pour un groupe industriel français. De retour en France en 2001, il s’installe à Paris et abandonne le bois pour la photo. Il travaille pour la presse nationale et étrangère.
Viviane Dalles / Signatures
« Le déclic est un instantané, il surgit sans prévenir. Pour ce projet avec Sabine Weiss, je me suis laissée bercer par l’intention, par l’envie, par l’émotion que j’avais pu ressentir en regardant ses photographies. Pour moi, la photographie humaniste ne se prévoit pas, elle se vit. Ainsi, je n’ai pas voulu choisir une photographie en avance, mais plutôt continuer ma route, et me laisser surprendre. Et puis il y a eut le déclic… Depuis très longtemps, j’ai pour habitude de photographier ma famille, en particulier ma mère. A chacune de mes visites chez elle, entre deux voyages, j’ai toujours mon appareil près de moi et j’enregistre, puis je le pose et j’oublie. Tel un geste machinal, sans que vraiment je m’en rende compte. Début 2014, alors que ma mère a été diagnostiquée avec une tumeur maligne au cerveau, cette pratique est devenue pour moi nécessaire, vitale. Pendant 5 mois, je me suis rendue à son chevet. Mon appareil en bandoulière me donnait des forces. Je ne photographiais plus de manière inconsciente comme auparavant, mais plutôt parce que ce que je ressentais était trop fort, envahissant, injuste. La plus courageuse de nous tous est sans aucun doute ma mère qui a dû subir trois interventions au cerveau en moins de 20 jours. Lorsqu’un pilier de la famille est fragilisé, c’est nous tous, ses enfants, son entourage qui le sommes. La seule chose que nous pouvions faire dans ces momentslà était d’être présents. Je paniquais presque à l’idée d’aider ma mère à se déplacer entre les perfusions, son pansement, sa fragilité physique… Il m’aurait été insupportable qu’elle se blesse parce que je n’avais pas fait suffisamment attention. Lorsque j’ai pris cette photo, c’était juste après la deuxième opération. Pied de nez à la maladie, elle se jouait de mon appareil photo. Et c’est à ce moment-là que la photo de Sabine a refait surface, celle d’un enfant qui pareillement à ma mère spontanément créait un masque avec ses mains. Moment enfantin, de légèreté, peut-être voulait elle dédramatiser la situation ou faire sourire l’enfant qui est toujours en moi. Depuis 6 mois maintenant, nous vivons, nous, ses trois enfants, la famille et ses amis, une véritable leçon de vie : ne jamais baisser les bras. Tel un déclic, un message humaniste.
C’est un grand honneur d’avoir été choisie par Jean-Pierre Bourgeois, directeur du Salon de la Photographie, pour cet évènement. J’aime beaucoup cette idée de mêler différentes générations de photographes. Je reste très impressionnée par le travail de Sabine. La photographie est une façon de pouvoir communiquer dans les deux sens, tant avec le sujet qu’avec le spectateur qui regarde mes photographies. L’appareil photo est un moyen d’être en contact avec le monde qui m’entoure. Aller à la rencontre de l’autre, ici ou ailleurs, avec mon appareil reste pour moi la plus belle aventure humaniste ! »
Née en 1978, elle est, en 2003, diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, et travaille pour la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris. En 2005, suite au tsunami qui a ravagé l’Asie du Sud-Est, elle quitte son poste aux archives de l’Agence Magnum Photos et se rend en Inde. Ce premier sujet constitue un tournant décisif : elle décide de devenir photographe documentaire. Son engagement et son travail ont été récompensés par la Bourse de la vocation de la Fondation Bleustein Blanchet (Paris). Les essais photographiques de Viviane sont régulièrement publiés dans la presse internationale : Le Monde, GEO Magazine, Brigitte, The Guardian, M Magazine, La Vie, Le Parisien magazine, Le Figaro, Marie-Claire, entre autres. Elle a aussi collaboré avec l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Son travail a fait l’objet d’expositions à travers le monde, en France et aux Etats-Unis, Monsanto convoite l’or blanc, Inde, en Australie, A Journey of Exile Bhoutan, Texas, en Italie, Tibétains, une identité en suspens, Inde, au Népal Refugee Day ou encore aux Pays Bas, Mustang Terre du Bout du Monde, Népal. Viviane a publié sa première monographie, Terra Nullius, en 2012 aux éditions Crowdbooks Publishing.
EVENEMENT
Le salon de la Photo
Chère Sabine
Hommage du Salon de la Photo à la photographe Sabine Weiss
Du 13 au 17 novembre 2014
Parc des Expositions Porte de Versailles
75015 Paris
France
http://www.lesalondelaphoto.com
http://sabineweissphotographe.com/