Entre Ombre et Lumière
Nikos Aliagas n’est pas du genre à aimer le routine. Véritable touche à tout, le journaliste et animateur à la popularité jamais démentie, a depuis 2012 dévoilé au grand public sa passion pour la photographie. Une passion qui remonte à sa plus tendre enfance et que depuis bientôt 10 ans il a transformé en véritable addiction pour notre plus grand plaisir. Lui pour qui être un bon photographe signifie ne pas avoir de certitudes, nous explique aussi qu’une photo c’est d’abord une histoire de connexion et de possibilité, c’est ressentir avant de capter.
Dans cet univers d’ombres et de lumières, ses images, dignes des plus grands, ont une dimension intemporelle et sont à la fois pleine de légèreté et de profondeur
C’est à l’occasion de son exposition sur les grille du parvis de l’Hôtel de Ville de Paris au travers de laquelle il met en lumière les « Parisiennes » (à travers 35 clichés inédits en noir et blanc) que Nikos a accepté de se prêter au jeu de notre « Questionnaire ».
Après le Toit de la Grande Arche, les Grilles du Palais Brongniart, la Conciergerie et la librairie du Louvre, cette 5ème exposition dans la Capitale -que le photographe considère comme un décor de théâtre et dont il se sert avec toujours le même plaisir-, rend hommage aux femmes discrètes et héroïnes du quotidien de sa ville de naissance (il est né dans le 11e). Pour ce faire, il les a observé, et souvent prises en photo sur le vif comme il aime le faire, jamais intrusif, toujours respectueux… Alors n’hésitez pas, sur la ligne 1 du Métro faites un stop à Hotel de Ville et laissez vous embarquer.
Votre premier déclic photographique ?
Nikos Aliagas : Lorsque j’ai découvert dans une boite à chaussures des photos de famille en noir en blanc. Mes parents étaient très jeunes, j’étais un enfant. J’ai compris à ce moment-là la force de l’inexorable temps qui passe. C’est pour cela que j’ai commencé à photographier, pour « voler » au temps tous ceux que j’aimais.
L’homme d’images qui vous inspire ?
Nikos Aliagas : C’est une femme, Sabine Weiss. Immense photographe. Son humanité me bouleverse d’autant plus qu’elle est détachée de toute posture. Sabine Weiss est l’une des principales représentantes du courant humaniste français dans la photographie, au côté de Robert Doisneau notamment ; elle a tout vu, tout entendu, tout connu même si elle ne s’en vante pas. Ses yeux sont à l’image de ses images, tendres et profonds.
L’image que vous auriez aimé faire ?
Nikos Aliagas : Il y a une photo de Willy Ronis dans les années 50 qui m’a beaucoup touché, celle du « Mineur silicosé ». Un homme d’une quarantaine d’années qui semble en avoir le double, derrière une fenêtre. Il est malade, durement touché par le labeur de la mine, il n’y a pas d’espoir dans ses yeux. Mais il n’y a pas de complainte non plus, il fume et il attend son heure. J’aurai aimé le photographier pour qu’on se souvienne de lui.
Celle qui vous a le plus ému ?
Nikos Aliagas : La photo du « fusillé souriant », du résistant français Georges Blind, il sourit face à un peloton d’exécution de soldats nazis. Il est seul au monde, il n’a plus d’espoir et pourtant il sourit. En réalité, on apprendra plus tard que les allemands avaient organisé une fausse exécution pour le faire craquer. Georges Blind a tenu mais il fut déporté aux camps de la mort. On ne sait rien du photographe, mais l’image me bouleverse car elle est plus forte que tous ceux qu’elle capte dans cet instant. Elle leur survit et nous survivra.
Et celle qui vous a mis en colère ?
Nikos Aliagas : Je ne les regarde plus…
La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Nikos Aliagas : Ne pas avoir de certitudes peut-être. C’est la photo qui vient au photographe, j’ai parfois l’impression qu’elle existe déjà quelque part dans une autre dimension… C’est d’abord une histoire de connexion et de possibilité. Il y a beaucoup d’invisible dans une image, mais il faut d’abord le ressentir avant de la capter.
Le secret de l’image parfaite, si elle existe ?
Nikos Aliagas : Je ne crois pas que la perfection soit le premier critère d’une photographie. Je privilégie toujours l’émotion à l’image parfaite.
L’appareil photo de vos débuts ?
Nikos Aliagas : Un kodak instamatic.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Nikos Aliagas : Canon 5d ou Canon R5.
Votre drogue favorite ?
Nikos Aliagas : La focale fixe incontestablement. 35mm, 50mm ou 85mm.
Votre plus grande qualité ?
Nikos Aliagas : C’est aussi mon défaut, quand la majorité me dit de ne pas y aller, j’y vais. Il y a toujours un chemin pour apprendre. Et peut-être comprendre.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Nikos Aliagas : Une chouette ? Celle d’Athéna. Un peu de sagesse dans un monde cynique.
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Nikos Aliagas : Traders… je ne comprends rien aux métiers d’argents.
Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Nikos Aliagas : Courir pieds nus derrière un cortège hindouiste qui portait un dieu. Il pleuvait des cordes, j’étais trempé et remplis de boue dans un village du Sri Lanka. Mais j’étais heureux.
Votre plus grand regret ?
Nikos Aliagas : De ne pas avoir plus de temps pour partir en immersion à l’étranger pour de long périples photographiques.
Instagram, Tik Tok ou snapchat ?
Nikos Aliagas : Instagram pour essayer raconter une histoire dans cet instant partagé.
Couleur ou N&B ?
Nikos Aliagas : Noir et Blanc définitivement. La couleur est un voyage que je n’ai pas encore exploré. Le hors du temps du noir et blanc nous pousse à ne garder que l’essentiel dans le cadre.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Nikos Aliagas : Lumière du jour de préférence ou lumière fixe en studio.
Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Nikos Aliagas : Ni l’un ni l’autre, je lui demanderai de me prêter sa lumière. La vraie.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Nikos Aliagas : Un masque. Un visage sur un écran en télétravail. Et du gel hydroalcoolique.