Loïs Conner : L’instant sculpté.
Loïs Conner sculpte le temps à travers l’objectif de sa chambre grand format, déployant des paysages en noir et blanc d’une profondeur presque calligraphique. Influencée par la peinture chinoise traditionnelle, elle capte les métamorphoses du monde, traquant l’impermanence des formes et la mémoire des lieux, notamment en Chine, où elle photographie depuis les années 1980. Son regard, à la fois rigoureux et contemplatif, fait de chaque image une méditation visuelle, entre trace documentaire et poésie graphique.
Si son nom évoque avant tout l’infini des horizons, Conner a aussi tourné son objectif vers l’intimité des corps, avec une série poignante consacrée aux femmes enceintes. Là encore, son travail dépasse le cadre du portrait pour frôler l’allégorie : dans des compositions épurées et baignées de lumière, la courbe d’un ventre devient paysage, la silhouette se fait sculpture, résonnant comme un écho universel de la maternité. Entre force et fragilité, elle magnifie ce moment de bascule, où le corps, à la lisière de la création, devient lui-même une œuvre.
Website : www.loisconner.net
Instagram : @loistrueblue
News : « To Be » by Lois Conner (L’Artière : www.lartiere.com)
Votre premier déclic photographique ?
Loïs Conner : La lumière.
L’homme ou la femme d’image qui vous a inspirée ?
Loïs Conner : Helen Levitt, June Leaf, Eugene Atget.
L’image que vous auriez aimé prendre ?
Loïs Conner : La photographie d’Atget Route, Amiens (un arbre poussant dans une petite structure).
Celle qui vous a le plus émue ?
Loïs Conner : Migrant Mother de Dorothea Lange et Satirical Dancer d’André Kertész.
Et celle qui vous a mise en colère ?
Loïs Conner : La photographie de Nick Ut, « Napalm Girl », montrant une fillette brûlée au napalm, prise à l’extérieur du village de Trang Bang le 8 juin 1972.
Quelle photo, selon vous, a changé le monde ?
Loïs Conner : Probablement les premières photographies de Louis Daguerre et William Henry Fox Talbot.
Et laquelle a changé votre monde ?
Loïs Conner : Les photographies de Robert Adams issues de The Missouri West.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans une image ?
Loïs Conner : La manière dont la forme et le contenu fusionnent en quelque chose d’indescriptible.
Quelle est la dernière photo que vous avez prise ?
Loïs Conner : Un portrait d’Andrea Modica.
Une image clé dans votre panthéon personnel ?
Loïs Conner : La photographie Ladder, réalisée à Hangzhou en 1984. Elle a été acquise par le Museum of Modern Art en 1986.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
Loïs Conner : Mon père faisant un portrait de moi avec son Gerandletbet, et moi pensant qu’il ne pourrait pas me voir si je tirais légèrement la langue (il utilisait un appareil reflex bi-objectifs, donc il devait regarder vers le bas pour faire la mise au point). J’ai retrouvé cette photo il y a quelques années, ce n’était donc pas mon imagination.
Selon vous, quelle est la qualité essentielle pour être un bon photographe ?
Loïs Conner : La passion, la patience et un sujet qui a du sens pour vous, même si ce n’est que pour un instant fugace.
Qu’est-ce qui fait une bonne photo selon vous ?
Loïs Conner : Heureusement, il n’y a pas de règles. Il ne peut pas y avoir de contenu sans forme, ni de forme sans contenu. On ne peut pas dire à quelqu’un quoi photographier ou comment le faire, cela doit venir de sa réponse viscérale au monde.
Qui aimeriez-vous photographier ?
Loïs Conner : Tous les lauréats du prix Nobel.
Un livre de photographie essentiel ?
Loïs Conner : American Photographs de Walker Evans.
L’appareil photo de votre enfance ?
Loïs Conner : Un reflex bi-objectifs Yashica 2 ¼.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Loïs Conner : Une chambre photographique Chamonix 7°x17 et une Deardorff 8×10.
Un projet à venir qui vous tient à cœur ?
Loïs Conner : L’architecture d’Andrea Palladio dans la région de Vérone, en Italie.
Votre addiction favorite ?
Loïs Conner : La photographie et le chocolat.
Le meilleur moyen pour vous de vous déconnecter ?
Loïs Conner : Regarder des films, marcher longtemps en observant les arbres, passer du temps dans mon laboratoire photo, rendre visite à mes petits-neveux et nièces.
Quel est votre rapport personnel à l’image ?
Loïs Conner : Quelque chose que j’ai créé.
Par qui aimeriez-vous ou auriez-vous aimé être photographiée ?
Loïs Conner : J’aurais aimé être en expédition avec Timothy O’Sullivan. J’aurais pu lui servir d’échelle lorsqu’il en avait besoin et l’aider à développer ses plaques de collodion humide. Aussi, par Philippe Halsman.
Votre dernière folie ?
Loïs Conner : Poursuivre mes autoportraits.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Loïs Conner : Le portrait d’une femme, une inventrice ou une artiste.
Couleur ou noir et blanc ?
Loïs Conner : Principalement noir et blanc. Cependant, j’ai réalisé quelques projets en couleur au cours de la dernière décennie, notamment une série d’autoportraits en cours et une série de doubles expositions de paysages.
Lumière du jour ou lumière de studio ?
Loïs Conner : Cela dépend du sujet. S’il n’y a pas assez de lumière et que je dois figer un mouvement, j’utilise la lumière de studio (comme pour mes portraits de femmes enceintes). Sinon, je préfère la lumière naturelle. Mais j’aime aussi la lumière du flash, elle me fait penser à Weegee.
Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
Loïs Conner : Toutes les grandes villes ont leur part de mystère à mes yeux. J’adore photographier New York, Paris, Pékin, Rome et Los Angeles, mais aussi les petits villages et les bourgs. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont les gens vivent et le monde qu’ils construisent autour d’eux.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Loïs Conner : Il/elle devrait définitivement poser pour moi.
En matière de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, TikTok ou Twitter, et pourquoi ?
Loïs Conner : Instagram, cela semble moins axé sur la mise en avant de soi.
Pensez-vous que l’explosion des réseaux sociaux a changé notre rapport à l’image ?
Loïs Conner : Oui, complètement. La plupart des gens ne regardent plus vraiment. Ce qui compte, c’est où ils sont et qui est sur la photo. Il n’y a plus de forme, seulement un contenu périphérique.
Que représente la photographie dans votre univers créatif ?
Loïs Conner : C’est un moyen de m’exprimer. Et c’est très imprévisible. Je pars photographier avec une destination en tête, mais je ne l’atteins pas toujours. Le plus souvent, je découvre en chemin quelque chose de surprenant, de fascinant ou de déroutant.
Quel est, selon vous, le but de l’Art ?
Loïs Conner : Je suis une collectionneuse obsessionnelle et une observatrice du paysage. Ce qui me pousse à partir vers l’inconnu est souvent une photographie ou une peinture qui me hante par son étrangeté absolue. Ce que je découvre en fin de compte est imprévisible, surprenant et souvent exaltant. Le but de l’Art est de souligner ce qui est important dans le monde. L’Art est un médium malléable qui peut décrire ce que les mots ne peuvent exprimer. Les artistes créent l’extraordinaire à partir de presque rien, guidés par leurs idées et leur intuition en réponse à ce qu’ils trouvent beau, troublant ou tout simplement impossible à décrire autrement
Qu’elle est la dernière chose que vous avez faite pour la première fois?
Loïs Conner sauter en parachute depuis un petit avion en vol.
La ville, le pays, ou bien la culture que vous révez de découvrir?
Loïs Conner: Le Caire , l’Egypte. la culture Arabe.
L’endroit, le lieu dont vous ne vous lassez jamais?
Loïs Conner: New York.
Votre plus grand regret?
Loïs Conner: Ne pas passer plus de temps avec Helen Levitt. J’aurai aimé apprendre le chinois étant enfant.
Si je pouvais organiser votre dinner idéal, qui serait autour de la table?
Abraham Lincoln, Timothy ‘Sullivan, Carlton Watkins, Eugene Atget, Albert Einstein, Andy Warhol, Pablo Picasso, Robert Adams, June Leaf, Robert Frank, Helen Levitt, Walker Evans, Garry Wirogrand, Dorthea Lange, Diane Arbus, Ella Mailatt, Brice Marden, Sally Mann, Judith Joy Ross, Andrea Modica, Michael Spano.
Votre opinion sur ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui?
Loïs Conner: l’intégrité disparait rapidement.
Si vous deviez tout recommencer?
Loïs Conner: Je prendrais probablement les mêmes décisions, laissant le hasard m’aider en cours de route. J’aurais toutefois acheté des actions Apple très tôt, lorsque je travaillais à Stanford en 1983.
Par la suite, qu’aimeriez-vous que l’on dise de vous ?
Loïs Conner : Que j’ai fait des portraits de paysages à New York et à Pékin en hommage aux photos d’Atget à Paris.
La seule chose que les gens doivent absolument savoir sur vous ?
Loïs Conner : Je suis obsédée par presque tout ce que j’entreprends.
Un dernier mot ?
Loïs Conner : J’espère publier mon livre sur les Lotus l’année prochaine.