A la ville comme au travail Léa Lund et Erik K ne font qu’un. Elle native de Lausanne et diplômée de l’ECAL, est photographe et artiste plasticienne. Lui souvent considéré comme un dandy, est né à Lubumbashi (Zaïre), s’est installé en Suisse en 1998, artiste pluridisciplinaire et créateur de chapeaux, il est surtout « la muse » de son épouse. Leur rencontre est à l’origine d’une obsessionnelle oeuvre photographique dont Erik est l’unique sujet. Des images en noir & blanc d’une incroyable densité, chahuté par des griffures qui pourraient être celles d’un animal sauvage, donne cette signature si particulière. Si leur créativité est toujours intimement liée à leur vie, Léa aime jouer avec les codes, ce qui explique que leur travail est perçu de manière différente selon les endroits où il est exposé. En Europe, ils sont considérés comme des photographes de l’élégance et de l’architecture, Outre Atlantique, dans le contexte post Black Lives Matters, certaines de leurs images sont in-montrables et en Afrique l’artiste c’est Erik, Léa est invisible bien que le copyright soit partagé et que cela soit leurs photos.
Atypiques et nomades, à l’imaginaire complémentaire, leur vie s’apparente à une performance artistique doublée d’une histoire d’amour ou vice versa !
A suivre…
Website : lealund.com & lagalerieafricaine.com
Instagram : lealund_erikk
Leur lieu : Galerie du 16 – 16 rue du docteur Fanton – ARLES
Votre premier déclic photographique ?
Lea Lund : Les photos de jazzmen dans les magazines lorsque j’avais 10 ans.
Erik K : La photographie de Mohamed Ali le poing levé après sa victoire contre George Foreman à Kinshasa.
L’homme ou la femme d’images qui vous inspire ?
Lea Lund : Il m’est impossible d’en citer un seul, je m’inspire de beaucoup d’images, qu’elles proviennent de gens célèbres où anonymes, d’images d’archives, peinture, photographie, gravure, dessin…
Erik K : Ernest Biéler.
L’image que vous auriez aimé faire ?
Lea Lund : Je l’ai faite.
Erik K : Faire une photographie de ma mère, que je n’ai pas connue, et de faire une gravure inspirée de cette image.
Celle qui vous a le plus ému ?
Lea Lund : La photographie de ma fille faite par la sage-femme, alors qu’elle venait d’accoucher dans l’eau, et qu’elle prenait, assise, son fils dans ses bras, les genoux repliés sur le côté, et la tête penchée sur lui.
Erik K : La terrible image d’une jeune femme tuée par des rebelles pendant la guerre du Kivu, à l’est du Congo.
Et celle qui vous a mis en colère ?
Lea Lund : Le shooting qui était dans l’appareil photo que je me suis fait voler dans le TGV à la gare de Bruxelles.
Erik K : Celles des esclaves noirs enchainés et ligotés comme des marchandises pour exportation en partance sur des bateaux pour les Amériques.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
Lea Lund : Une photographie post mortem mexicaine.
Erik K : Celle du globe terrestre.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
Lea Lund : J’avais reçu un petit appareil lorsque j’avais huit ans. J’ai photographié des poules qui s’étaient réfugiées sous une grange à foin. Je pensais faire un reportage extraordinaire sur de merveilleuses poules! A l’époque on recevait une pochette Kodak blanche et jaune, avec les négatifs et les photos ; elles étaient toutes sous-exposées, j’ai été affreusement déçue!
Erik K : Les photographies faites avec un appareil Kodak à la maison, à Aru, à la frontière avec l’Ouganda, où il y avait toujours beaucoup de monde.
Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
Lea Lund : Le crâne incrusté de diamants de Damien Hurst.
Erik K : La Scapigliata de Léonard de Vinci.
Selon vous quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Lea Lund : Il n’y a pas de bon ou mauvais photographe. Chacun a des qualités différentes par rapport à l’œuvre qu’il porte. Je me méfie des généralités…
Erik K : Être capable d’apprendre tous les jours. Rien n’est acquis, heureusement…
Le secret de l’image parfaite, si elle existe ?
Lea Lund : Ne pas rater les rendez-vous avec le hasard…
Erik K : Sa simplicité, sa pureté. Pas beaucoup de détails…
La personne que vous rêveriez de photographier ?
Lea Lund : Je l’ai, c’est Erik!
Erik K : Patrice Emery Lumumba et ma mère.
Un livre photo indispensable ?
Lea Lund : Celui que je rêve de faire.
Erik K : N’importe quel livre de Jean-Loup Sieff.
L’appareil photo de votre enfance ?
Lea Lund : Je ne me souviens pas de la marque du premier appareil que j’ai eu entre les mains. Le premier dont je me souvienne est le reflex argentique de ma mère. Elle était architecte et l’utilisait pour faire des photos de chantier. Elle me l’a ensuite offert.
Erik K : Un Kodak.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Lea Lund : Je n’aime pas citer de marques.
Erik K : N’étant pas le photographe, mais la muse, j’utilise un petit Lumix pour capter des souvenirs.
Votre drogue favorite ?
Lea Lund : L’inspiration.
Erik K : Du vin rouge bien corsé. De préférence du Bordeaux.
La meilleure façon de déconnecter pour vous ?
Lea Lund : La randonnée et la natation.
Erik K : Nager.
Quel est votre rapport à l’image ?
Lea Lund : Très jeune j’ai fait des études d’Art dramatique à l’INSAS, à Bruxelles. Je ne supportais pas le trac sur scène, c’est pourquoi je me suis ensuite tournée vers les arts graphiques. J’aime le fait que lorsqu’on montre nos images, le moment émotionnel de la création est passé. J’aime me laisser envahir par une image, y plonger en quelque sorte. Ce qui me fascine dans la photographie, c’est le fait de pouvoir arrêter un instant et de le rendre éternel.
Erik K : L’émotion qu’elle peut provoquer en moi. L’émotion est pure, sincère, profonde. C’est magique!
Votre plus grande qualité ?
Lea Lund : Ce n’est pas à moi de le dire…
Erik K : Je ne sais pas. Peut-être accepter autrui tel qu’il est. « La vraie tolérance, c’est de tolérer ce qui ne nous convient pas». Un vrai challenge!!!
Votre dernière folie ?
Lea Lund : Trop personnelle pour être publiée…
Erik K : Il y a deux ans, j’ai acheté deux paddles, un pour Lea et un autre pour moi. Mais, nous ne les avons utilisés qu’une seule fois sur le lac Léman. Parce que nous sommes tout le temps en mouvement. De vrais nomades…
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Lea Lund : Un balai.
Erik K : Le chapeau ERIK K.
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Lea Lund : Fonctionnaire.
Erik K : Travailler dans une prison, où les humains sont enfermés, certains d’entre eux à perpétuité.
Votre plus grande extravagance professionnelle ?
Lea Lund : Décrocher une expo de 80 photos un jour avant le vernissage parce que les galeristes étaient affreusement désagréables.
Erik K : Risquer ma vie en faisant un saut par-dessus les douves d’un château, à Séville, pour une photographie. Lea a été tellement choquée que je n’ai jamais recommencé.
Quels sont selon vous les ponts entre photographie et design ?
Lea Lund : Une photographie se compose, se construit comme un dessin ou une peinture. J’ai fait 30 ans de dessin avant de ne faire plus que de la photographie, lors de ma rencontre avec Erik.
Erik K : L’architecture, et également la sculpture, la statuaire, le mobilier sont de fantastiques éléments d’exploration et de décors pour nos photographies.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Lea Lund : Il y en a tant… J’adore l’Europe, mais je ne suis jamais allée en Asie, en Inde, je connais très peu l’Amérique du Sud, le Grand Nord, la Russie. La vie est trop courte pour tous les découvrir…
Erik K : La Russie.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Lea Lund : Mon lit.
Erik K : Idem!
Votre plus grand regret ?
Lea Lund : Je n’en ai pas, je n’aime ni les regrets ni la nostalgie.
Erik K : Que l’humain ne soit capable d’aimer son prochain. D’où les conflits, les injustices, les guerres.
Coté réseaux sociaux, êtes vous plutôt Instagram, Facebook, Tik Tok ou Snapchat et pourquoi ?
Lea Lund : Facebook et Instagram, je ne connais hélas pas les autres.
Erik K : Facebook et Instagram. Parce que je les trouve plus pratiques. Je ne me suis pas encore intéressé à Tik Tok ou Snapchat.
Couleur ou N&B ?
Lea Lund : Les deux, avec une large préférence pour le N&B.
Erik K : Les deux. L’image s’impose d’elle-même en couleur ou en N&B.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Lea Lund : Les deux, avec une large préférence pour la lumière naturelle.
Erik K : Lumière du jour.
La ville la plus photogénique selon vous ?
Lea Lund : Je ne peux pas répondre précisément, mais les j’aime bien les villes du Nord de l’Europe.
Erik K : Rotterdam.
Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Lea Lund : Je lui demanderai de poser avec Erik.
Erik K : Aucun des deux. Mais je lui poserai une seule question : « Pourquoi cet immense bordel ? »
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, quelles seraient les personnes présentent autour de la table ?
Lea Lund : De bons amis, joyeux et bienveillants.
Erik K : Yvonne Chaka Chaka, Winnie Mandela, Margaret Thatcher, Karl Lagerfeld, Romy Schneider, Lea Lund.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Lea Lund : Un tas de fumier.
Erik K : L’huile qui flotte sur l’eau. Il n’y a pas d’interpénétration. Les positions sont figées. Aucune flexibilité de part et d’autre, cela mène à la rupture, et ça, c’est très dangereux!
Qu’est ce qui manque au monde d’aujourd’hui ?
Lea Lund : La paix.
Erik K : La force, l’humilité et l’intelligence de se poser une seule question: « Et si j’avais tort ? »
Si vous deviez tout recommencer ?
Lea Lund : Peut-être une vie paisible avec Erik dans une belle maison au milieu de la nature, entourée d’arbres, d’animaux, d’oiseaux, de ruisseaux, de soleil, de vent, de pluie.
Erik K : Idem, mais avec Lea!