Laurent Goldstein : La dimension humaine avant tout.
Architecte de formation, Laurent Goldstein est avant tout un artiste multi-talentueux, puis qu’il est également illustrateur, auteur et producteur de films, de spectacles musicaux et photographe portraitiste.
C’est à l’époque où il crée des costumes pour le théâtre et le cinéma que son destin bascule dans la Haute couture. En effet Madame Carven lui fait prendre un premier tournant décisif, lui permettant de signer des collections de prêt-à-porter et de collaborer à l’élaboration de plusieurs autres lignes de sa maison de couture. Il avait alors tout juste 24 ans.
Cette expérience lui ouvrira par la suite les portes d’autres grandes maisons de haute-couture à Paris, Londres et Milan, avant de rejoindre la fédération française de prêt à porter en tant que directeur artistique avant de créer Red Halo, sa propre société de produits haut de gamme pour la maison. Des collections faites essentiellement de textiles brodés lui permettant aussi d’accomplir un travail humanitaire. Il partage dès lors sa vie entre Benares ( dans l’état indien de l’Uttar Pradesh) et Paris.
C’est en Inde aussi, à travers la photographie découverte lors de ses études universitaires aux Etats-Unis-, qu’il explore sa « recherche du temps perdu ». Bénares, la plus vieille ville toujours habitée de la planète, devient alors sa « madeleine de Proust ». Là coexistent le monde réel et une certaine idée de l’intemporalité nous reliant certainement aux origines de l’humanité. Un manière pour lui d’étendre son regard sur le monde et de montrer les nombreux aspects de la société indienne parfois profondément attachée à ses traditions ou au contraire tournée vers l’avenir.
Laurent poursuit ainsi son aventure humaine. Il capture des instants qui immortalisent la richesse des nombreuses cultures et traditions indiennes, fixant à jamais les visages de ceux qui passent devant son objectif au gré du hasard. Personnalités de la culture, artisans, anonymes, collaborateurs, amis ou autres êtres vivants du monde animal, lui permettant ainsi de rapprocher les peuples et montrer que nous sommes tous liés d’une manière ou d’une autre.
Et pour apporter sa pierre à l’édifice de ce pays qui lui a beaucoup donné, son travail photographique s’est naturellement mis au service d’organisations venant en aide à l’enfance, portant plus particulièrement sur l’éducation.
Son travail photographique a par ailleurs été publié dans de nombreuses publications parmi lesquelles : Le Monde • Le Point • Condé Nast Traveller • The Huffington Post • Shubh Yatra (Air India Magazine) • The Times of India • The Indian Express • Geo Histoire • La Croix • Cartier Magazine • Un Hebdo • Galaxy • Altum • Lonely Planet India …
Site: www.laurentgoldstein.photography
Instagram: @laurentgoldstein_official
Facebook: www.facebook.com/laurent.goldstein.photography
Chaîne Youtube: LAURENT GOLDSTEIN Photography
Votre premier déclencheur photographique ?
Laurent Goldstein : Il y avait un cours de photographie à l’université américaine où j’étais étudiant en art, j’y suis allé pour demander comment utiliser mon appareil. Je me suis laissé happer et le Dr Ericha Scott m’a appris à développer les films et tirer les photos. Elle a ouvert la boite de Pandore d’où je ne suis plus jamais ressorti.
L’homme ou la femme d’image qui vous inspire ?
Laurent Goldstein : Le choix est impossible entre Henri Cartier-Bresson, Raghu Rai, des photographes du 19° siècle comme Samuel Bourne, Madho Prasad ou Brajo Gopal Bromochary, ainsi que Alfred Stieglitz et Edward Steichen (pour les portraits).
L’image que vous auriez aimé réaliser ?
Laurent Goldstein : L’une des magnifiques photos de plateau prises par mon ami, le jeune et talentueux Taha Ahmad lors du tournage de la série “A Suitable Boy” de Mira Nair. Cette photo avec les comédiens Tabu et Ishan Khatter représente tout ce qui me fait rêver dans la culture de l’Uttar Pradesh. Elle restitue la sophistication qui régnait dans l’Awadh, la province de l’Oudh dont Taha est le digne héritier.
Celle qui vous a le plus ému ?
Laurent Goldstein : Une photo de la remarquable photo-journaliste indienne Moushumee K Jha, prise lors des émeutes à Delhi commencées le 23 février 2020, suite à la nouvelle loi sur la citoyenneté (Citizenship Amendment Act) où des nationalistes hindous ont brutalisé des membres de la communauté musulmane laissant 53 morts (40 musulmans, 13 hindous), des centaines de blessés, des quartiers entiers brûlés et pillés. Sa photo m’a ému parce qu’elle résume trois jours d’horreurs que l’on pensait appartenir à une époque révolue et aussi parce que tout ceci s’est déroulé dans des endroits que je connais bien.
Celle qui vous a mis en colère ?
Laurent Goldstein : L’une de mes photos prise au bord du Ganges, piratée, détournée et sortie de son contexte afin de lyncher et condamner un groupe d’étudiants indiens qui étaient innocents dans une université du Sri Lanka.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
Laurent Goldstein : Une photo trouvée chez Doubleday à Broadway (New York) lorsque j’étais adolescent qui est une reproduction d’un portrait de Claude Monet réalisé par Adolf de Meyer en mars 1921. Ce fabuleux artiste avait 86 ans, c’est l’une de ses dernières photos pourtant son regard est pétillant et malicieux, il est beau. Cette photo ne m’a jamais quitté.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
Laurent Goldstein : La lecture de “Bharat” (Inde: Hommes, Rites et Dieux) un livre de photographies de Jean-Louis Nou qui, inconsciemment, aura influencé tout mon travail.
Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
Laurent Goldstein : « Vishnu Pud and other temples” une photographie faite à Benares en 1865 par Samuel Bourne. Cette image de Manikarnika Ghat est remarquable par sa composition, ses contrastes et surtout le sujet qui me permet de voir que rien n’a changé depuis, en dehors du temple au premier plan qui s’est enfoncé dans le Gange et penche aujourd’hui telle la tour de Pise.
Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Laurent Goldstein : La compréhension de la lumière.
Le secret de l’image parfaite, s’il existe ?
Laurent Goldstein : Une fraction de seconde où l’œil analyse la lumière, la composition et les émotions. Il s’agit d’une disposition intuitive très rapide, quasiment inconsciente, qui est le « moment décisif” (the Decisive Moment) de Cartier-Bresson.
La personne que vous aimeriez photographier ?
Laurent Goldstein : Le prochaine personne qui me le demandera.
Un livre de photos indispensable ?
Laurent Goldstein : « Henri Cartier-Bresson in India” ( Thames & Hudson Ltd).Les meilleures photos prises par Cartier-Bresson lors de ses six voyages en Inde de l’indépendance à 1987.
L’appareil photo de votre enfance ?
Laurent Goldstein : Un Canon A1.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Laurent Goldstein : J’utilise un appareil tout terrain, le Panasonic Lumix DMC-FZ200 qui possède un objectif Leica supportant les températures extrêmes ou l’humidité et qui m’apporte la plus grande liberté dans mon travail.
Votre drogue préférée ?
Laurent Goldstein : Le chocolat noir.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
Laurent Goldstein : Passer du temps avec d’autres animaux que les humains, je les aime tous et ils savent me le rendre, que ce soit les singes vivant sur le toit de la maison de Benares ou Chérie, la petite chatte qui partage ma vie.
Quelle est votre relation avec l’image ?
Laurent Goldstein : C’est une relation fusionnelle, je fabrique et je me nourris d’images.
Votre plus grande qualité ?
Laurent Goldstein : Je suis un coloriste, l’utilisation que je fais de la couleur serait, selon mon entourage professionnel, mon point fort, ma qualité.
Votre dernière folie ?
Laurent Goldstein : Plus qu’une folie, ma dernière exposition où j’ai pu encourager mes amis à acheter mon travail photographique afin de financer les études universitaires de jeunes bachelières indiennes en situation de détresse à travers Indo-French Scholarship, le programme lancé avec GOPIO, l’organisation indienne que je soutiens.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Laurent Goldstein : Je ne sais pas, je ne suis pas un homme d’argent.
Le travail que vous n’auriez pas aimé faire ?
Laurent Goldstein : Un travail répétitif et routinier.
Votre plus grande extravagance professionnelle ?
Laurent Goldstein : Oublier que je reste un humain lorsque j’ai un appareil photo en main et ne plus prendre en compte certains dangers.
Quelles sont, selon vous, les passerelles entre la photographie et le design ?
Laurent Goldstein : Un échange de références, la photographie et le design se nourrissant l’un de l’autre. Cependant en tant que photographe et designer, je passe d’une discipline à l’autre en fonction de ce que je souhaite exprimer, les deux permettent de raconter quelque chose sans devoir utiliser des mots toutefois le design est la traduction d’une idée qui n’existe pas, ensuite la photographie permet de la sublimer.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Laurent Goldstein : Toutes, elles sont toutes intéressantes pour un œil photographique même si j’ai une attirance profonde pour toutes les villes et cultures d’Orient qui s’étend pour moi du Maroc à la Chine, avec l’Inde en quintessence.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Laurent Goldstein : Une barque sur le Ganges à Benares au lever du soleil où j’ai à chaque fois l’impression d’assister à la création du monde.
Votre plus grand regret ?
Laurent Goldstein : Ne plus voir des personnes que j’ai aimées et qui ne sont plus de ce monde.
En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, Tik Tok ou Snapchat et pourquoi ?
Laurent Goldstein : Instagram parce qu’il est devenu incontournable pour l’image et Facebook où une véritable communauté active s’est constituée au fil du temps sur la page consacrée à mon travail photographique.
Couleur ou N&B ?
Laurent Goldstein : J’ai commencé par le N&B puis je suis passé à la couleur, l’Inde étant le pays des couleurs; mais depuis quelques années je reviens au N&B que j’alterne en fonction des sujets qui se présentent devant mon objectif.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Laurent Goldstein : Lumière naturelle, donc lumière du jour.
Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
Laurent Goldstein : Benares sans aucun doute, la lumière y est particulière, toujours différente au gré des heures et des saisons.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Laurent Goldstein : Ni l’un, ni l’autre, je l’imagine omniscient, omniprésent et omnipotent donc impossible à photographier.
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
Laurent Goldstein : Un dîner en tête à tête avec Sœur Emmanuelle qui restera toujours un guide pour le travail social et les actions dans l’humanitaire que j’entreprends. Elle apporte l’énergie lorsque je doute ou me trouve dans des situations compliquées, j’ai encore beaucoup à apprendre d’elle et elle manque à notre époque.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Laurent Goldstein : Une photo de guerre prise le 6 mars 2022 à Irpin en Ukraine montrant les corps de Tatiana Perebeynos et de ses enfants Nikita et Alise assassinés par les Russes. Cette image est insoutenable, elle résume l’état actuel du monde à travers son contexte factuel mais aussi parce que certains sous l’emprise d’une honteuse propagande veulent la remettre en question. Les fake-news se sont emparées de notre époque et trop nombreux sont ceux qui se laissent manipuler.
Qu’est-ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui ?
Laurent Goldstein : De toute évidence plus de tolérance et de compassion.
Si vous deviez tout recommencer ?
Laurent Goldstein : Je referai certainement tout de la même manière.
Le mot de la fin ?
Laurent Goldstein : La photographie est un médium extraordinaire pour rencontrer toutes sortes de personnes et échanger un moment de leur vie que j’immortalise à travers une image. C’est le moyen qui offre le plus de liberté à mon travail, qui me permet de vivre des sensations extrêmes, de rêver, d’apprendre, de créer et surtout de partager, de témoigner ou de permettre à certains de s’évader. Une photo ne se fait pas seul, c’est un moment intime entre le photographe et son sujet, qu’il soit vivant ou un objet, un paysage, et c’est cet instant qui m’intéresse où je me remets à chaque fois en question, où j’ai l’impression d’une certaine manière de pouvoir me réinventer. Au delà d’une discipline artistique, la photographie aura pu aussi me confirmer que nous sommes tous frères et sœurs, que lorsque l’on retire les maquillages, les saris, les turbans nous partageons tous les mêmes émotions où que nous soyons, quels que soient nos milieux sociaux culturels. Il n’y a rien de mieux pour apprécier la vie sous toutes ses formes.