SAVOIR OBSERVER
Né en France dans une famille de photographe depuis 3 générations, Laurent-Elie Badessi vit au Etats Unis depuis plus de 30 ans. Très jeune donc, il explore l’art et les techniques de la photographie. Après des études de communication et de photographie, il rédige une thèse de maîtrise intitulée Ethnological Fashion Photography à l’Université de Paris VII. Pour ce projet, il a reçu le premier prix du Fuji Color Adventure Grant en 1988. A partir de 1991, il parcourt le monde avant de s’installer dans la Big Apple. Son travail paraît régulièrement dans des magazines internationaux tels que Harper’s Bazaar, Vogue, Elle, Black + White, et fait partie de plusieurs collections de photographies très appréciées. Son travail artistique interpelle souvent, explore le beau et se concentre sur la capture de la magie des subtilités de la forme humaine.
Ténace, sensible et humain, ce qui le passionne avant tout dans la photo c’est le rapport entre le photographe et son modèle. Chacune de ses photos est prise et travaillée pour sublimer le thème, le sujet qu’elle évoque.
Ainsi, il a récemment réalisé une série intitulée « Age of Innocence ; Children & Guns in the USA » pour laquelle enfants et adolescents ont posé devant son appareil arme à la main et ont tous répondu clairement à cette question toute simple : « Qu’est-ce qui te plaît dans les armes à feu ? »Si l’objectif de ce travail a eut pour but d’explorer l’attraction évidente que représentent les armes pour une grande partie d’américains, le livre qu’il en a fait, nous invite à regarder en face cette réalité sociale, politique et morale.
- Votre premier déclic photographique ?
Laurent-Elie Badessi : Très jeune, car je suis issu d’une famille de photographes depuis 3 générations, mais plus sérieusement vers mes 16 ans.
- L’homme d’images qui vous inspire ?
Laurent-Elie Badessi : Certainement plus d’un ! Surtout les photographes Américains comme Edward Weston, Irving Penn, Richard Avedon, Diane Arbus, Lee Friedlander ou encore Robert Mapplethorpe.
- L’image que vous auriez aimé faire ?
Laurent-Elie Badessi : La photo de Marilyn Monroe en N&B par Richard Avedon réalisée dans son studio en 1957. Je parle de celle où elle ne regarde pas l’objectif et apparait absente et vulnérable. C’est le fort intérieur de cette femme fragile et complexe que le photographe a réussi à capturer et pas simplement son aura d’actrice. En 2012, j’ai d’ailleurs fait une série conceptuelle inspirée aussi bien par ce portrait que par cette femme dont l’image a certainement été la plus reproduite. Cela, d’ailleurs a largement contribué à en faire l’icône que nous connaissons tous, ce qui montre bien le pouvoir de la photographie.
Marilyn Monroe, actress, New York, 1957 © Richard Avedon – Courtesy Richard Avedon Foundation
- Celle qui vous a le plus ému ?
Laurent-Elie Badessi : La photo en N&B de cette mère migrante avec ses enfants réalisée en 1936 par Dorothea Lange. Il y a énormément d’émotion dans ce portrait. Elle était une photographe d’exception qui a considérablement contribué au développement de la photographie de reportage. De plus étant une femme, je pense que cela lui a permis encore davantage de saisir la fragilité de cette autre femme en détresse.
Migrant Mother, Nipomo, California, 1936 © Dorothea Lange / U.S. Farm Security Administration/Office of War Information. Prints & Photographs Division.
- Et celle qui vous a mis en colère ?
Laurent-Elie Badessi : Celle du policier Américain qui a tué George Floyd en écrasant la nuque de la victime avec son genou pendant 8 minutes et 46 secondes en regardant en l’air comme si la vie de cet homme Afro-Américain n’avait aucune valeur. Cet acte cruel et raciste a révolté les gens dans le monde entier et je pense que l’image de George Floyd agonisant reste gravée dans la mémoire de bon nombre d’entre nous. Ça m’a beaucoup touché et j’ai réalisé en sa mémoire une série de photos que je n’ai pas dévoilée pour le moment.
DR
- La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Laurent-Elie Badessi : Des qualités pour ce métier, il en faut beaucoup ! Dans l’ordre je dirais savoir observer, être patient et savoir mettre les gens en confiance quand on les photographie.
- Le secret de l’image parfaite, si elle existe ?
Laurent-Elie Badessi : Je suis tenté de dire comme Henri Cartier-Bresson « l’instant décisif ». Même si je dessine très souvent mes images avant et que j’éprouve grande satisfaction quand la photo prise corrobore le plus possible à ma vision originelle, toutefois le petit moment où tout rentre en parfaite symbiose « l’instant décisif » reste quelque chose de magique. Donc pour cela, il n’y a pas de recette qui puisse garantir le résultat.
- L’appareil photo de vos débuts ?
Laurent-Elie Badessi : Plusieurs, car je prenais ceux disponibles au studio de ma famille, avec toutefois un penchant dès mes débuts pour le moyen format.
- Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Laurent-Elie Badessi : J’en ai plusieurs, mais là encore le moyen format car il me convient très bien pour le portrait. Je travaille très souvent avec mon Hasselblad.
- Votre drogue favorite ?
Laurent-Elie Badessi : Le plaisir de découvrir de nouvelles photos et pouvoir apprécier des tirages originaux, soit dans les musées, dans les galeries, pendant des festivals ou encore chez des confrères photographes.
- Votre plus grande qualité ?
Laurent-Elie Badessi : Le perfectionnisme.
- Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Laurent-Elie Badessi : Une image de déforestation massive, de pollution des océans pour nous faire prendre conscience au quotidien de la destruction effrénée de la planète par les hommes et ce malheureusement en grande partie pour le profit.
- Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Laurent-Elie Badessi : La liste serait longue car j’ai depuis toujours eu envie de faire un métier artistique qui me permette de voyager. Donc surtout pas un métier où l’on reste assis derrière un bureau toute la journée.
- Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Laurent-Elie Badessi : Passer mes journées à ne rien faire d’autre que des photos, ce qui est le cas quand je pars sur le terrain pour réaliser un projet. Cela me paraît toujours quelque chose d’extravagant car malheureusement les artistes sont souvent contraints de faire bien d’autres choses pour gérer leur carrière. Donc ces moments- là où je peux me donner à fond et ne penser à rien d’autre, je les apprécie énormément et je me dis que je suis chanceux de pouvoir régulièrement les provoquer.
- Votre plus grand regret ?
Laurent-Elie Badessi : Pas vraiment de regrets, mais peut-être de ne pas avoir poursuivi une carrière de réalisateur de cinéma comme je l’avais envisagé à mes débuts.
- Instagram, Tik Tok ou snapchat ?
Laurent-Elie Badessi : Instagram.
- Couleur ou N&B ?
Laurent-Elie Badessi : Le N&B est certainement ma charte de prédilection.
- Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Laurent-Elie Badessi : J’aime bien les deux en fait ! L’intérêt c’est que chacune offre au photographe diverses possibilités en fonction de ses propres qualités. Dans mon cas, le choix se fait souvent en amont, en fonction de l’image que je souhaite créer. Si on ne sait pas utiliser la lumière correctement, je ne pense pas que l’on puisse faire une bonne photo, je reste très formel sur ce point.
- Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Laurent-Elie Badessi : Ah, comment pourrais-je rater une telle occasion ! Par contre, je ne lui demanderais pas de poser avec moi pour un selfie, ce n’est pas mon genre. Ce qui m’intéresse c’est d’immortaliser, si je peux me permettre le jeu de mot, la personne qui se trouve devant mon objectif. A ce propos, récemment pour ma série de portraits « Friends, Artists and Collectors… an invitation at my table » j’ai photographié en Christ deux amis artistes, mais pas encore en Dieu, donc effectivement cette opportunité me plairait bien !
- L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Laurent-Elie Badessi : Je choisirais une des miennes « Going Forward », May 8 2020, The Oculus, New York “, elle représente bien l’état actuel des choses relatif à la pandémie qui engendre la solitude, le vide dans l’immensité, un monde dépeuplé et le manque de chaleur humaine. J’aime photographier les gens, donc actuellement, je récens très profondément cette absence de rapports sociaux.
Going Forward, May 8 2020, The Oculus, New York © Laurent-Elie Badessi
EXPOSITIONS
« Women on View” : Frauen Museum, Wiesbaden, Germany (Jusqu’au 28 mars, 2021) https://www.frauenmuseum-wiesbaden.de/de/node/603
Septembre prochain : « Confession » : Gallery Chaussée 36 Photographe, Berlin
Novembre prochain : « Age of Innocence » : National Art’s Club, New York
Website : http://www.badessi.com
Instagram : laurent_elie_badessi