Jean-Marie Périer : Rien que pour le plaisir
C’est à l’occasion de la sortie de son livre « Chroniques d’un dilettante » que nous avons soumis l’incontournable photographe Jean-Marie Périer à notre « Questionnaire ». Un recueil a paraitre aux Editions Calmann Lévy le 03 novembre prochain, dans lequel il raconte comment les gens qu’il a croisés restent les seules joies qui valaient vraiment la peine.
Jean-Marie Périer démarre dans les années cinquante comme assistant de Daniel Filipacchi, alors photographe à Marie-Claire, puis travaille pour Jazz magazine, Paris Match, Télé 7 Jours et Salut les Copains. Et très vite il devient LE photographe des années 60, voyant défiler toutes les stars des années yéyé devant son objectif. Il travaille également pour des productions publicitaires, notamment pour Levi’s et L’Oréal. A partir de 1975, il se consacre entièrement aux films publicitaires, à Los Angeles et à New York. Il en tourne plus de 600, pour Canada Dry, Coca Cola, Ford, Nestlé, Bic, Camel, Ford… Il tourne également plusieurs longs métrages pour le cinéma, notamment Antoine et Sébastien avec François Périer en 1974 et Sale Rêveur avec Jacques Dutronc et Léa Massari en 1978.
En 1990 il revient en France et renoue avec la photo en travaillant pour ELLE. Il produira notamment la série « L’univers des créateurs » qui lui permet de retrouver la liberté et la fantaisie dans la mise en scène qui avaient fait sa marque dans les années soixante. Tous les grands créateurs passent devant son objectif : Saint-Laurent, Armani, Tom Ford, Christian Lacroix, Gaultier, Alaïa Parallèlement, il réalise des documentaires et séries pour la télévision. Dont en 2008, une série de 50 programmes courts pour Paris Première avec Jacques Dutronc et une série de 50 programmes courts pour France 5 sur les années soixante. Puis, en 2002, une première grande exposition lui est consacrée à l’Hôtel de Ville de Paris, suivit de plusieurs expositions dans le monde (Los Angeles, Portland, Sao Paulo). Depuis juin 2015, La Maison de la Photo, un musée de Villeneuve d’Aveyron est entièrement consacré à ses photographies des années 60.
Aujourd’hui à plus de 80 ans et avec un enthousiasme toujours aussi intact, il vit en Aveyron, une région dont Jacques Dutronc lui avait dit beaucoup de bien et qui l’a séduit car elle ressemble à la France d’avant, avec des gens normaux.
Website : jean-marie-perier.fr
Instagram : jeanmarieperierofficial
Votre premier déclic photographique ?
Jean-Marie Périer : La Tour Eiffel. Bonjour l’originalité, mais vue du dessous quand même… Je n’ai plus cette photo, elle a brulé avec ma maison il y a 15 ans.
L’homme d’images qui vous inspire ?
Jean-Marie Périer : Jacques-Henri Lartigue. L’élégance même qui n’a photographié que le bonheur, courageux, humble et original. Il est plus facile de photographier le malheur pour être considéré comme un « grand » photographe.
L’image que vous auriez aimé faire ?
Jean-Marie Périer : Je n’y ai jamais pensé. Toutes les photos que j’ai faites étaient des commandes. Cela veut-il dire que je suis à vendre ? Peut-être, je suis surtout prêt à m’emballer.
Celle qui vous a le plus ému ?
Jean-Marie Périer : La petite napalm girl de Nick Ut. C’est un poncif je sais mais d’abord c’est le type exact de photo que je ne sais pas faire. Ces photographes-là ont toute mon estime. Je n’ai jamais risqué ma vie, eux oui.
Et celle qui vous a mis en colère ?
Jean-Marie Périer : La dernière séance de Bert Stern avec Marilyn Monroe. On sent qu’il l’a faite boire pour obtenir ces images-là. C’est pourtant un grand photographe, mais je déteste ce projet, je trouve l’intention malsaine. Pour moi le but c’est de mettre les gens en valeur, pas de les abîmer en les détruisant avec l’excuse de montrer la réalité.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
Jean-Marie Périer : Celle des 46 chanteurs de 1966. Ce n’est pas ma préférée mais c’est la seule dont je suis sûr qu’elle restera.
La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Jean-Marie Périer : Dans ma catégorie bien sûr, je ne parle pas des photographes d’actualité ou de ceux qui risquent leur vie en allant au milieu des guerres, ceux-là cherchent à montrer la réalité. Moi je ne veux que faire du spectacle pour mettre quelqu’un en valeur, donc pour ça je suis prêt à mentir.
Le secret de l’image parfaite, si elle existe ?
Jean-Marie Périer : Non heureusement. Déjà si elle est publiée ou montrée dans une galerie c’est beaucoup. Et puis la perfection a tellement de visages…
La personne que vous rêveriez de photographier ?
Jean-Marie Périer : Frank Sinatra ou Elvis Presley, mais c’est un peu tard. Aujourd’hui : Edgar Morin. Mais ça n’arrivera pas car je n’ai jamais demandé à quelqu’un de le photographier.
Un livre photo indispensable ?
Jean-Marie Perier : « At war » d’Edward Steichen. Un livre sur la guerre de Corée incroyable, surtout qu’on attendait pas ça de ce photographe.
L’appareil photo de vos début ?
Jean-Marie Périer : Un Rolleiflex. Je l’ai encore, c’est ma soeur qui me l’a retrouvé.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Jean-Marie Périer : Le Leica S3.
Votre drogue favorite ?
Jean-Marie Périer : Aujourd’hui c’est d’écrire tous les jours, tout le temps, même sur mon téléphone.
La meilleure façon de déconnecter pour vous ?
Jean-Marie Périer : Je déconnecterai quand je serai mort.
Votre plus grande qualité ?
Jean-Marie Périer : Ne pas me faire d’illusion sur moi-même. Et sans fausse modestie.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Jean-Marie Périer : Un émigré sur son bateau, comme ça on aurait honte en s’achetant des choses.
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Jean-Marie Périer : Juge ou critique.
Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Jean-Marie Périer : Durant ma première séance avec les Beatles, je les ai photographiés dans le noir à la lumière de leurs briquets sans savoir (à l’époque) s’il y aurait quelque chose sur la pellicule. C’était un peu présomptueux.
Les valeurs que vous souhaitez partager au travers de vos images ?
Jean-Marie Périer : Faire sérieusement les choses tout en sachant qu’elles ne le sont pas.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Jean-Marie Périer : Ne le prenez pas mal, mais j’en ai assez vu. Maintenant je préfère la France profonde comme mon Aveyron.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Jean-Marie Périer : Dans ma voiture sur la route.
Votre plus grand regret ?
Jean-Marie Périer : Ne pas avoir fait la seule chose dans laquelle j’aurais été vraiment fort : La musique. Mais en même temps, je n’aurais peut-être pas eu une aussi belle vie. Être un « Grand » c’est un travail quotidien pour approcher son rêve. J’ai changé de vie, de métier, de pays, de compagnes, tout ça 6 fois en 81 ans parce que je suis un dilettante. C’est ce que j’explique dans ce livre qui sort maintenant et grâce auquel j’ai le privilège de répondre à vos questions aujourd’hui. (Chroniques d’un dilettante.)
Instagram, Tik Tok ou snapchat ?
Jean-Marie Périer : Instagram, c’est le seul endroit où il n’y a pas trop d’agressivité. Mais au départ c’était juste des jeunes qui faisaient des selfies. J’ai eu envie d’écrire, mais pas des légendes, des textes élaborés racontant des souvenirs bien sûr mais aussi tout ce qui me passe par la tête, des digressions… Bref je m’amuse. Et apparement ça fait plaisir à certains.
Couleur ou N&B ?
Jean-Marie Périer : Couleur parce que mes photos étaient destinées à orner les murs des chambrettes des adolescents. Ce qui est assez dangereux car la couleur peut se démoder. Faire du noir et blanc est plus intemporel et vous permet d’être tout de suite pris au sérieux. Mais Dieu merci je ne le suis pas ! (Sérieux)
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Jean-Marie Périer : Lumière du jour. Elle a beaucoup plus de talent que n’importe quel artiste.
La ville la plus photogénique selon vous ?
Jean-Marie Périer : New York bien sûr, c’est un lieu commun. C’est plus fort d’arriver à faire des photos extraordinaires dans un désert.
Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Jean-Marie Périer : Non je me contenterais de lui demander : « Quand est-ce qu’on passe à table ? »
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Jean-Marie Périer : Greta Thunberg !
Qu’est ce qui manque au monde d’aujourd’hui ?
Jean-Marie Périer : La place, il y a trop de gens sur terre. Quand je suis né nous étions 1 milliard et demi, aujourd’hui 8 et bientôt 10 à la fin du siècle. Ça ne pourra pas marcher.