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Le Questionnaire : Greg Marinovich par Carole Schmitz

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Greg Marinovich : Un autre regard sur la démocratie

Greg Marinovich est un photojournaliste réalisateur et auteur sud-africain de renommée mondiale, lauréat du prix Pulitzer, dont le travail a documenté certains des moments les plus intenses et tragiques de l’histoire contemporaine. Connu pour son engagement sur le terrain, notamment durant les dernières années de l’apartheid, Marinovich a capturé des images poignantes qui révèlent la réalité brutale des conflits et des injustices à travers le monde.

Il est surtout connu pour son rôle au sein du « Bang-Bang Club, » un groupe informel de quatre photojournalistes (avec Kevin Carter, Ken Oosterbroek et João Silva) qui ont couvert la violence politique en Afrique du Sud au début des années 1990. Marinovich a remporté le prix Pulitzer en 1991 pour ses images des violences de l’Inkatha Freedom Party contre l’ANC.

En plus de sa carrière de photojournaliste, Greg Marinovich est l’auteur de The Bang-Bang Club: Snapshots from a Hidden War, coécrit avec João Silva, un livre qui raconte leur expérience de couverture des conflits en Afrique du Sud. Ce récit a également été adapté en film en 2010. Marinovich continue à enseigner, à écrire et à travailler sur divers projets documentaires, tout en partageant son expertise sur les enjeux éthiques et les défis du photojournalisme contemporain.

Au travers de notre Questionnaire, il partage ses réflexions sur la photographie, ses influences, et les expériences qui ont façonné sa carrière, offrant un aperçu rare et profond de la vie derrière l’objectif.

 

Website :       https://gregmarinovich.photoshelter.com/index
                       www.marinovichphotoworkshop.com
X (Twitter) : https://x.com/GregMarinovich

 

Votre premier déclic photographique ?
Greg Marinovich : Découvrir Telex Iran de Gilles Peress dans une librairie de Johannesburg alors que j’étais encore au lycée. Ja n’avais à l’époque aucun intérêt pour la photographie ou le journalisme. Cela ne m’a pas poussé à acheter un appareil photo, mais je suis sûr que cela a réorganisé ma façon de voir le monde.

L’homme ou la femme de l’image qui vous a inspiré ?
G.M. : J’ai eu la chance de devenir ami avec Gilles Peress – il a eu une influence immense et m’a offert au fil des décennies des conseils et des réflexions perspicaces, même s’il est parfois un peu opaque ! Son travail est étonnamment bon, remarquablement intelligent et humaniste.

L’image que vous auriez aimé prendre ?
G.M. : Il y en a tant !

Celle qui vous a le plus ému ?
G.M. : Pas une image en particulier, ou alors celles du photographe ukrainien Evgeniy Maloletka, prises à l’hôpital de Marioupol, montrant des parents avec leurs enfants tués par le siège russe.

Et celle qui vous a mis en colère ?
G.M. : Cela pourrait être une de mes propres photos, celle du bébé de 9 mois Aaron Mathope, tué par des attaquants du Inkatha Freedom Party à Boipatong en 1992. Sa mère a également été tuée et le père a survécu.

Quelle photo a changé le monde ?
G.M. : Le travail de Lewis Hine sur des enfants aux États-Unis au début des années 1900.

Et laquelle a changé votre monde ?
G.M. : Question difficile. Peut-être la première image grand format que j’ai prise et développée… Utiliser une chambre grand format a changé ma façon d’aborder la photographie au début de ma carrière. L’image elle-même n’est pas importante, c’est le fait que j’ai commencé à comprendre la photographie à un niveau plus profond.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans une image ?
G.M. : L’impact émotionnel et psychologique. Alternativement, si le contenu est vraiment important, il peut surpasser de nombreux autres facteurs.

Quelle est la dernière photo que vous avez prise ?
G.M. : Une Biden/Harris sur la pelouse que le propriétaire – mon voisin – a pliée pour cacher Biden et n’afficher que Harris après le retrait de Biden de la course présidentielle américaine. C’était le jour des ordures et la pancarte était à côté d’une poubelle de recyclage (toutes deux de la même teinte de bleu) ce qui m’a amusé.

Une image clé dans votre panthéon personnel ?
G.M. : L’une de mes préférées est une image onirique d’une veillée nocturne avant les funérailles d’un militant de la jeunesse de l’ANC dans le bantoustan du Venda, en 1989 ou 1990.

Un souvenir photographique de votre enfance ?
G.M. : Hmm. Aucun en particulier.

Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
G.M. : Il n’y a en pas qu’une ! Il faut avoir conscience de soi et des autres, être cultivé, sympathique, tenace et patient.

Qu’est-ce qui fait une bonne photo ?
G.M. : … Il y a tellement de façons différentes de faire de bonnes photos.

La personne que vous aimeriez photographier ?
G.M. : Mes enfants.

Un livre de photographie indispensable ?
G.M. : C’est évident, mais The Americans de Robert Frank. Cependant, je continue de découvrir d’autres œuvres qui me touchent. Koudelka, Sanguinetti, etc.

L’appareil photo de votre enfance ?
G.M. : Aucun.

Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
G.M. : Une variété. Numérique : Nikon D4s ou Canon 5D mk IV, selon l’humeur et les besoins. Argentique : Linhof Technika, Rolleiflex, Topcon Super D. J’essaie de jouer avec différents appareils.

Comment choisissez-vous vos projets ?
G.M. : Je dois m’assurer que je conserve mon intérêt et que c’est quelque chose qui en vaut la peine. Curieusement, je suis toujours attiré par les histoires liées aux conflits.

Un projet à venir qui vous tient à cœur ?
G.M. : Un projet que j’ai commencé pour former de jeunes journalistes à couvrir les guerres en toute sécurité, de manière éthique et intelligente.

Comment décririez-vous votre processus créatif ?
G.M. : J’essaie d’effectuer des recherches en amont, puis de m’immerger et de suivre mes instincts, en laissant la vie, l’environnement et les événements me guider.

Votre drogue préférée ?
G.M. : Je ne bois ni ne me drogue, mais les champignons me paraissent attrayants.

Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
G.M. : Courir, regarder en rafale une série télévisée, lire un roman, imprimer dans la chambre noire.

Quelle est votre relation à l’image ?
G.M. : Hmm, cette question me fait réfléchir et je ne suis pas sûr de savoir comment y répondre.

Par qui aimeriez-vous être photographié ?
G.M. : August Sander.

Votre dernière folie ?
G.M. : Tant de choses, mais peut-être essayer de décider où et comment m’installer en Italie lorsque j’arrêterai d’enseigner à temps plein.

Le sujet que vous regrettez d’avoir réalisé ?
G.M. : Peut-être couvrir la terrible et déprimante famine en Somalie en 1992.

Votre plus grande extravagance professionnelle ?
G.M. : Acheter un scanner Imacon.

Quelle est la dernière chose que vous avez faite pour la première fois ?
G.M. : Essayer des champignons, quelque chose qui m’avait toujours rendu nerveux.

La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
G.M. : Le Congo (RDC).

L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
G.M. : Les régions rurales du nord de l’Afrique du Sud.

Votre plus grand regret ?
G.M. : Ne pas avoir terminé le livre sur ma mère, une personne compliquée, et c’est peu dire.

En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, TikTok ou Snapchat, et pourquoi ?
G.M. : Twitter, même avec ses conneries actuelles.

Couleur ou N&B ?
G.M. : N&B.

Lumière du jour ou lumière artificielle ?
G.M. : Ça dépend du sujet.

Quelle ville est, selon vous, la plus photogénique ?
G.M. : Calcutta.

Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
G.M. : Lui ? Certainement elle. Je ne m’en préoccuperais pas.

Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
G.M. : Une combinaison d’écrivains, de photographes et de penseurs originaux : Thomas Pynchon, Gilles Peress, mon oncle Mitch (décédé), ma femme, Martha Gelhorn, Francesca Albanese, Carlotta Gall…

L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
G.M. : Une image que j’ai prise en 2008 d’un paysage brûlé avec des enjoliveurs de voiture abandonnés. Cela en dit long sur la façon dont nous traitons la terre, sur l’injustice matérielle sous laquelle la majorité des gens doit survivre et sur la nature capricieuse de la malchance.

Selon vous, qu’est-ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui ?
G.M. : La gentillesse. L’absence de cupidité. L’humour.

Si vous deviez tout recommencer ?
G.M. : Peut-être anthropologue d’une certaine sorte, ou auteur à plein temps.

Qu’aimez-vous que les gens disent de vous ?
G.M. : Que je ne suis pas un salaud.

La chose essentielle à savoir sur vous ?
G.M. : Les siestes sont très importantes pour moi.

Un dernier mot ?
G.M. : J’aurais aimé mieux exploiter mes opportunités et j’aimerais transmettre un sentiment d’urgence à mes étudiants sur l’importance de documenter ce qui nous entoure avec profondeur et intensité.

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