Edouard Daehn : Voir la lumière en toute chose.
Photographe, essentiellement, amateur, comme il le revendique lui même, Edouard Daehn est le cofondateur de l’hôtel Le Barn. D’un tempérament enthousiaste, il est de ceux qui pensent que plus notre œil s’aiguise, plus nous voyons les choses et plus nous avons envie de les faire évoluer.
Passionné, il a décidé de lancer des ateliers et stages dédiés au tirage argentique au sein de son hotel niché au coeur de la foret de Rambouillet. En ouvrant cette chambre noire, Edouard Daehn renoue avec une tradition qui date de 1900, époque à laquelle le petit guide rouge, pour plaire à ses lecteurs – des automobilistes aisés et amateurs de nouveautés qui se passionnaient pour la « boîte à images – identifiait les hôtels possédant une chambre noire. Il eu ainsi l’idée d’inviter régulièrement le photographe Fred Goyeau pour des ateliers et des stages dédiés au tirage argentique. Quelle belle idée !
Instagram : edouarddaehn
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Instagram : lebarnhotel
Votre premier déclic photographique ?
Edouard Daehn : Avec un père photo-journaliste, l’image a toujours été dans mon environnement. Mais le déclic est arrivé plus tardivement quand j’ai compris que ce support pouvait être un mode d’expression et un outil de promotion de mon travail d’hôtelier. Lier l’utile à l’agréable… La photo est revenue dans ma vie par les objets, les boîtiers et ce besoin certainement nostalgique de me rapprocher des chimies. C’est en mer lors d’un petit convoyage il y a 10 ans, avec un vieux reflex entre les mains ,que tout a recommencé.
L’homme d’images qui vous inspire ?
Edouard Daehn : Peter Beard et son style certainement, Frédéric Goyeau avec lequel j’apprends tant notamment en tirage, Antoine Ricardou dont le talent me laisse coi et Nina Koltchitskaia que j’ai rencontré via son travail en tant que photographe et qui accompagne aujourd’hui mes projets du bout de ses pinceaux fleuris.
L’image que vous auriez aimé faire ?
Edouard Daehn : Sans conteste une de celle de Beken of Cowes durant les grandes heures du yachting. Avec Moonbeam dans le viseur par exemple pour ne citer qu’un des plus illustres voiliers de cette époque.
Celle qui vous a le plus ému ?
Edouard Daehn : Celle de ma grand-mère maternelle quelques mois avant sa mort. Son regard s’était déjà éteint mais il continue de guider ma vie.
Et celle qui vous a mis en colère ?
Edouard Daehn : L’ascension bondée de l’Everest de Nirmal Purja.
Quand pour flatter son ego et raconter sa vie dans les « dîners en ville » la quête et le dépassement se font au détriment de notre Terre. Et puis chaque époque a ses défis, rouler vite avait du sens en 1960 quand l’essence n’avait pas encore le parfum de la destruction peut-être que les nouvelles conquêtes maintenant que nous avons saccagé notre habitat doivent se faire plus discrètes.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
Edouard Daehn : Je photographie beaucoup mes enfants à bout de bras. J’aime voir l’évolution de leurs visages et la relation forte entre ma main posée sur leur joue et leur regard changeant. J’aime voir cette relation évoluer et peut-être qu’un jour l’objectif s’inversera pour que la boucle soit bouclée.
La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Edouard Daehn : Aimer les gens et essayer de capturer une des facettes de leurs émotions. Avoir l’œil curieux et gourmand de vie.
Le secret de l’image parfaite, si elle existe ?
Edouard Daehn : La beauté de ses défauts, les reliefs de ses aspérités.
La personne que vous rêveriez de photographier ?
Edouard Daehn : Quelqu’un que j’aime, forcément. Aimer les gens que je photographie est essentiel, ce me permet de voler un bout d’eux à travers l’objectif pour les avoir près de moi.
Un livre photo indispensable ?
Edouard Daehn : Hold Still: « A Memoir with Photographs » de Sally Mann, j’ai été époustouflé par son exposition au Jeu de Paume il y a quelques années. Elle a marqué ma découverte de la photo en tant qu’art. Plus récemment « Beyong the shadows » d’Elsa et Johanna que j’ai eu la chance d’accueillir en résidence (Johanna), des textes et des images dans lesquels nos souvenirs s’immiscent tout en révélant la poésie parfois mélancolique de notre temps.
L’appareil photo de vos début ?
Edouard Daehn : Un Olympus OM2n avec de jolis cailloux. Il m’a suivi de nombreuses années, j’adorais son format et mes enfants pouvaient s’en servir sans me faire de sueurs froides. Il s’est éteint récemment en me laissant le goût de l’objet et des images très personnelles de ces « choses de la vie ».
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Edouard Daehn : Leica R6.2, plus de priorité, une petite pile et la possibilité même de s’en passer, un rêve.
Votre drogue favorite ?
Edouard Daehn : Le calembour avec beaucoup d’insolence par-dessus.
La meilleure façon de déconnecter pour vous ?
Edouard Daehn : Partir en mer, monter à cheval, être dans un environnement de nature qui demande de se concentrer sur sa tâche. Cela doit être valable pour tout ouvrage mais je suis peu doué de mes dix doigts.
Votre plus grande qualité ?
Edouard Daehn : La curiosité qui est aussi comme souvent mon plus grand défaut car je passe d’un sujet à l’autre parfois trop rapidement.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Edouard Daehn : Une femme, Romy Schneider, parce qu’elle est l’incarnation de l’Europe, née allemande et naturalisée française, qu’elle a pour moi joué les plus beaux rôles, parce qu’elle dégageait une sensualité et une fragilité incandescente que je ne me lasse jamais de découvrir.
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Edouard Daehn : Tous les autres ! J’adore mon métier de par la variété des sujets traités, la multiplicité des personnes rencontrées, les différentes expertises qui se chevauchent.
Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Edouard Daehn : Peut-être celle de répondre à cette interview alors que je ne suis qu’un photographe amateur.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Edouard Daehn : Les îles Lofoten et plus généralement les pays scandinaves. Je rêve d’y aller avec mon bateau, j’imagine déjà la photo que je pourrais faire de lui au pied d’un fjord sous le soleil d’une nuit d’été.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Edouard Daehn : La mer sur laquelle nous passons sans laisser de traces. J’aime les sillages qui s’effacent et ses paysages qui ne sont jamais statiques. C’est sur son dos que je me sens le plus vivant et le plus serein aussi. J’aime toutes les facettes de ses humeurs, qu’elles me bercent ou me fassent peur.
Votre plus grand regret ?
Edouard Daehn : N’avoir qu’une vie et tant de gourmandises.
Instagram, Tik Tok ou snapchat ?
Edouard Daehn : Instagram aujourd’hui SnapTok demain, ces réseaux ne sont que des nuages qui passent et qu’il faut apprivoiser le temps de les voir disparaître.
Couleur ou N&B ?
Edouard Daehn : Les deux mon général mais tirant pas mal de photos dans mon petit labo du Barn j’aime bien quand même partir de la lumière pour aller au papier.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Edouard Daehn : Du jour, je ne suis pas un lève tôt pour rien.
La ville la plus photogénique selon vous ?
Edouard Daehn : New-York, une ville dans laquelle on arrive par la mer, qui s’est peuplée par la mer.
Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Edouard Daehn : J’ai beaucoup de mal à faire des selfies avec mon reflex donc je pense que je poserais ma main sur sa joue comme avec mes enfants. Une bonne manière d’être le père de Dieu un instant.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Edouard Daehn : Celle du télescope James Webb de la galaxie la plus éloignée, belle leçon d’humilité de voir si loin dans le temps. Cette image nous confronte à nos prouesses et aux limites de notre conception de ce que nous considérons comme fini. Un bon vertige pour comprendre que nous ne sommes rien et que si nous sommes si égocentriques c’est qu’au fond nous le savons.
Qu’est ce qui manque au monde d’aujourd’hui ?
Edouard Daehn : La franchise de la parole, le droit de ne pas être d’accord sans que cela ne soit politisé systématiquement. Se dire les choses simplement.