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Le parfum dans tous les sens

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L’exposition « Le parfum dans tous les sens » qui se tient actuellement dans les jardins du palais Royal à Paris jusqu’au 14 juin, propose une aventure sensorielle improbable.
Soit, le parfum n’est pas visible! Pourtant dans la scénographie proposée par Gabriel Bauret, commissaire de l’évènement, il est mis en correspondance avec des images qui le suggèrent, chacun de nous ayant sa propre perception. Ainsi au fil du parcours, des fragrances insoupçonnées ou oubliées se révèlent au gré d’une subtile installation presque invisible. Qui peut cerner l’odeur de Manhattan sous la pluie quand celle de la barbe à papa d’un John Batho vous attire irresitiblement. La photographie est polysémique, Gabriel Bauret avec l’exposition « Le Parfum dans tous les sens » nous en apporte la preuve.

L’Oeil de la Photographie : Comment est née l’idée d’un exposition photographique olfactive? Êtes-vous parti d’un catalogue de fragrance ou plutôt d’images? Quels artistes retrouve-t-on dans l’exposition?
Gabriel Bauret : J’ai répondu à une proposition de Terre Bleue qui avait engagé un projet avec la Fragrance Fondation (celle-ci réunit les différents métiers de la parfumerie). Nous avons conçu une exposition en deux parties : un parcours documentaire et un parcours artistique. Le premier retraçant les points forts de l’élaboration d’un parfum depuis sa conception jusqu’à la communication du produit, et le second beaucoup moins pédagogique : il suggère à travers objets, corps, paysages, gestes, atmosphères, situations diverses, un ensemble d’odeurs qui ne sont pas nécessairement des parfums en soi. Des odeurs qui croisent d’autres sensations, d’où le titre de l’exposition : « Le parfum dans tous les sens », et ouvrent par conséquent sur un réseau de correspondances. Ces œuvres photographiques ont été choisies parce qu’elles représentaient des réalités faisant appel à notre mémoire olfactive. Mais tout ce qui a été réuni dans cette exposition, à l’exception de deux images qui ont été spécialement réalisées pour l’occasion, celles d’Émile Loreaux et d’Albert Giordan, est extrait de séries déjà existantes. J’ai puisé dans ma bibliothèque, mes souvenirs, interrogé des photographes avec lesquels j’entretiens des relations suivies, et pas seulement en France : les italiens Giorgia Fiorio et Mimmo Jodice, les espagnols Jordi Bernadó et Juan Manuel Castro Prieto, le sud-coréen Bohnchang Koo, le russe Alexey Titarenko, le hollandais Wout Berger , ou encore la suédoise Helene Schmitz  … Et plus près de nous Bernard Plossu, mais aussi Lucie et Simon. Sacha van Dorssen qui a signé l’image générique de l’exposition a fait une longue carrière dans la mode et elle était de ce fait la plus proche du thème de l’exposition. Donc des photographes de cultures et sensibilités très différentes.

LODLP : La scénographie est en soi une expérience sensorielle? Comment celle-ci a-t-elle été conçue et vécue?
GB : Généralement, dans une exposition, la scénographie est aménagée de façon à amplifier les sensations visuelles. Dans le cas présent, un mot placé à côté de chaque image ouvre sur une dimension olfactive. Il établit un pont entre ce qui est représenté et une odeur. Le mot odeur en français n’a d’ailleurs pas une connotation très positive, il faudrait mieux dire senteur. D’autre part, dans cette exposition, l’installation est pour ainsi dire réduite à sa plus simple expression. On ne dispose guère de marges de manœuvre avec ces cimaises autoportées uniformes. L’option essentielle réside dans la séquence, le déroulé des images, et en l’occurrence le dialogue entre les étapes du parcours documentaire et celle du parcours artistique ; de façon à créer un écho entre les visuels. Il ne sera pas toujours perceptible par les visiteurs, car la sensation olfactive est très personnelle, très subjective.

LODLP : Expliquez-nous comment les artistes et vous-même, vous êtes-vous appropriés les parfums? En tant que commissaire de l’exposition, quelle réaction attendez-vous des publics?
GB : Comme je l’ai souligné plus tôt, seuls deux photographes ont réalisé une image pour l’occasion. Pour le reste, je me suis permis d’extraire des œuvres en vue de les introduire dans un corpus totalement étranger aux raisons pour lesquelles elles avaient été pensées et réalisées. Je dirais, qu’avec bien évidemment l’autorisation de l’auteur, je me suis approprié des images et les ai en quelque sorte détournées. Je dis « je », mais je devrais dire « nous », car l’équipe de Terre Bleue et moi-même avons beaucoup échangé autour du choix final des 24 photographies du parcours artistique. La sélection a été longue et délicate. Certains d’entre nous ne « sentaient » rien à la vue de certaines images que je proposais. Certaines sont un moment sorties de la partie et sont revenues. Ce que j’attends de cette expérience il faut dire assez inédite – un tel rapprochement entre la photographie et l’univers du parfum, et je ne parle pas de la photographie publicitaire, est à ma connaissance plutôt rare -, c’est évidemment qu’elle amène le spectateur à se demander pourquoi la présence de telle ou telle image dans ce contexte, au delà d’une qualité plastique incontestable, car pour moi il n’y a pas de fond sans forme. Elle doit inviter le spectateur à interroger sa mémoire, à se plonger dans son passé plus ou moins récent, afin de vérifier si la réalité mise en image lui « parle ». Certaines images le font de façon évidente, littérale, d’autres opèrent par des voies détournées. Et c’est la multiplicité de ces représentations et évocations qui est enrichissante.

EXPOSITION
Le parfum dans tous les sens
Jusqu’au 14 juin 2015
Jardins du palais Royal
75001 Paris
France
http://www.fragrancefoundation.fr

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