Noémie Goudal explore les constructions successives de notre monde tout en jouant sur celles de l’image. Avec d’élégants montages visuels, elle nous permet de penser la permanence d’un mouvement terrestre. Une exposition à voir au Grand Café, centre d’art contemporain à Saint-Nazaire.
À deux pas de l’Atlantique, à deux rues d’une large plage baignée d’un soleil d’automne, se déploie « Post Atlantica », exposition hommage à l’incroyable transformation de la Terre qui a fait d’un continent d’autrefois, l’Atlantique, l’océan qu’on connaît aujourd’hui. Comment en est-on passé d’une terre à une mer à perte de vue ?
C’est l’histoire de la planète, vieille de 4,5 milliards d’années et qui nous fait relativiser la place de l’humanité, qui n’est qu’un gros paragraphe dans un livre de 1000 pages. « Cette idée de temps long m’intéresse beaucoup », explique Noémie Goudal, « ce n’est pas du tout notre temps à nous, humains. Nous, on vit à l’échelle d’une seconde, d’une heure, d’une année. C’est là où je trouve qu’il y a un décalage très intéressant entre ce temps-là et le temps de la Terre. Les métamorphoses des matières très anciennes par exemple, comme le charbon, l’uranium, qui d’un coup deviennent des matières exploitées par l’homme… ».
De fait, notre planète est en constante évolution, née d’incroyables changements qualifiés par les scientifiques de « tectonique des plaques » et que notre échelle humaine, à la fois temporelle et spatiale, nous permet difficilement d’appréhender.
Jeu visuel
C’est en partie pour cette raison que Noémie Goudal a souhaite inventé des dispositifs visuels qui font état de ces « strates » du temps, qui interrogent la permanente construction-déconstruction des éléments naturels et l’inévitable impact de l’humain depuis l’avènement de l’anthropocène, cette ère présente où l’activité humaine est devenue la première cause du changement climatique. Ainsi, une série photographique présente la même vue de rochers au bord de la mer. L’artiste a utilisé un papier de tirage qui s’abîme au contact de l’eau et elle a joué avec cette destruction de l’image afin d’en réaliser une succession de tableaux au motif identique, mais avec de petites variations dues à l’atteinte de l’eau sur le papier. Ce « jeu » visuel permet alors de cerner les effets de la destruction de façon très subtile et de questionner notre rapport au paysage.
Idem, à côté, devant une vidéo où l’artiste mêle des reconstitutions de végétaux photographiés dans une nature réelle et crée alors des mouvements fantastiques qui enchantent le regard.
L’exposition se prolonge à l’étage du bâtiment où Noémie Goudal et son équipe ont photographié de nuit une palmeraie avant de couper les images imprimées sur place en petite bandelette linéaire (à la façon des pellicules argentiques) et les ont superposés en créant une image aux intonations abstraites et d’une grande beauté plastique.
L’avenir
Un autre film poursuit plus loin encore cette manipulation des images, en donnant naissance à un paradis végétal artificiel composé de petits théâtres imprimés sur papier et qui va prendre feu peu à peu, laissant le spectateur fasciné par l’effet des flammes et deviner qu’il s’agit d’un trompe-l’œil au fur et à mesure de l’embrasement. Alors ce n’est pas la nature elle-même qui brûle, mais le décor confectionné par l’humain, ses images, ses pièges visuels, sa tentative de séduction par l’apparence, son monde de papier. Comme si, avec ce film, était dit que l’avenir n’était pas la fin de la planète Terre, mais seulement celle de nos constructions, redonnant du poids aux notions de mouvement et d’éphémère inhérents à toute vie.
Jean-Baptiste Gauvin
Noémie Goudal : Post Atlantica
10 octobre 2021 – 2 janvier 2022
Le Grand Café – centre d’art contemporain
Pl. des 4 Z’horloges
44600 Saint-Nazaire, France