ARCHIVES – 11 février 2016
Selon une perpective Duchampienne bien comprise de la photographie, Yan Morvan sait que « l’action » en elle-même n’est rien : seul ce sur quoi elle débouche fait sens. C’est pourquoi en s’amusant avec ses modèles souvent outranciers et hors-normes esthétique classique, glacée et anorexique, l’artiste les met en scène pour jouer avec le fétichisme, ses fanfreluches et ses falbalas.
D’où la fixation de cérémonies drôlatiques qui sont autant de mises en bouche, de préludes à des après-midi de faunes intempestifs. Chaque photographie devient la châsse, le moule, le réceptacle de fêtes à nœud-nœud jouissives où l’épaisseur garde tout son rôle et casse les idées reçues sur la représentation.
Loin de réactions purement émotives et esthétiques « basiques », Yan Morvan percute et répercute une forme particulière autant de vision que de voyeurisme. Il repousse tout effet de mélancolie et plonge en un humour incisif là où l’image échappe aux conventions.
Parfois la colore s’impose le disegno, et les modèles sont les héros d’une histoire dégingandée. Surgit une atmosphère de liberté retrouvée. D’interrogation aussi. Au lieu d’aboutir à des formes dont la perfection séparerait le flux Yan Morvan tend toujours à produire un lieu qui agrège et désagrège. Ses présences qui ébranlent la pensée par leurs attitudes et leurs poses. Des hommes au milieu de leurs fétiches ne sont plus que des brebis affamées. Ils ne broutent que leur ombre. Et des femmes aux formes avantageuses proposent une métamorphose poétique de l’éros. Il s’agit de dissiper la raison et d’y renoncer.
La confiance est remise à l’émotion par l’irruption de formes denses comme celui d’un fleuve Amour profond et sourd. Dans l’alliance subtile des formes provocatrices et des effets de matières légères des dessous chics l’artiste oblige à un consentement vers l’inconnu. Chaque prise délie de l’apparence et offre une parcelle secrète d’un territoire de jeux sexuels. Elle appelle une démesure vitale en créant un pont entre ce qu’on voit et ce qui demeure caché. Et paradoxalement, par l’humour, Yan Morvan s’écarte et se rapproche des « ostentiones » et des « phantasiae ». Le nu n’est plus en un état statique. Il tourne autour du pot à la merci d’un peu de vent battu. Des fantasmes naissent ou se perdre au sein de textures étranges. Tout est jeu : une image boit une poitrine océane une autre déplace les montagnes d’arrières, trains opulents.
Jean-Paul Gavard-Perret
LIVRE
Yan Morvan, Mondo sex
Texte de Stephan Levy-Kuentz
Editions Chez Higgins
N°53 de la collection Erotica
Portfolio contenant 15 photographies originales réalisé à seulement 30 exemplaires signé par l’artiste, le chroniqueur et l’éditeur.
200€
http://www.chezhiggins.com