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Le Carnegie Hall de New York par Claude Guillaumin

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A la fin des années soixante et au début des années soixante dix, New York commence à devenir l’Eldorado de la photographie de mode.
Beaucoup de phototographes français vont s’y précipiter.
Ils ont presque tous à peine 25 ans et tous se retrouveront dans l’endroit mythique d’alors : Carnegie Hall.
Claude Guillaumin était de ceux-là et il raconte :

A partir de 1967, New York voit arriver Frank Horvat pour Glamour, André Carrara pour Mademoiselle, Jean-Paul Goude pour Esquire, Pierre Houlès, Claude Guillaumin pour Glamour,  Mike Reinhardt, Patrick Demarchelier, Guy Le Baube, Michel Momy, Jacques Davis.

Le Carnegie Hall comportait en plus de la salle de concert située 57 ème rue, des studios de danse, de musique et d’habitation pour artistes avec une entrée spéciale au 881 7ème Avenue.
Un “elevator man” manœuvrait l’ascenseur du 1er au 12éme étage jour et nuit et en particulier l’un d’entre eux, Jimmy environ 70 ans qui fumait son joint tous les jours.
Les couloirs étaient baignés de musique, de bruits de claquettes ou de vocalises selon le étages

En 1969 Bill Cunningham qui disposait de 3 studios en a sous loué un à Pierre Houlès et à moi-même au douzième étage, puis par la suite à Mike Reinhardt et à Toscani.

Art Kane disposait d’un studio au douzième étage ainsi qu’ Edita Sherman, ancienne photographe des vedettes de Broadway et qui louait son local (lumière du jour) pour des séances photos.
Art laissait souvent sa porte entre-ouverte, je passais la tête et on discutait un moment.
Il travaillait uniquement pour payer les pensions alimentaires de ses deux divorces.
Il avait un grand studio, un lit et un coin cuisine.

Pierre Houlès assistait Bill Silano dont les images étaient surprenantes.
Un jour je le croise en bas de son studio et lui demande pourquoi il shoote toujours au grand angle.
Il me dit monte et tu vas comprendre. Effectivement son studio faisait cinq mètres de profondeur.

Au dixième étage, il y avait l’atelier d’Antonio Lopez et un autre studio occupé par Cathee Dahmen, puis moi même et ensuite par Patrick Demarchelier.
Depuis le temps de notre rencontre à Paris dans les années 1970 avec également Mike Reinhardt, Gérald Dearing et John Casablancas, à Paris ou à NY, nos vies avec Patrick se sont croisées.
J’ai suivi sa carrière et sa constante progression en qualité et originalité toujours à la pointe de la nouveauté en mode.
Nous étions bons amis, Patrick, Mike et moi. Il était généreux et pas frimeur. Il savait d’où il venait, était fier de sa réussite et en faisait profiter ses amis.

Un autre tres beau personnage était présent.

Isi Veleris, sauvé de la déportation, a vu à 9 ans sa mère partir en train vers Auschwitz. A 15 ans il partira à New York et devint photographe.
Son studio était squatté par la «French Mafia» et de temps en temps par Guy Bourdin quant il shootait des séances pour Vogue US.

Je l’ai assisté quelques fois et notre grand plaisir était d’aller diner à Chinatown.
Duc son ancien assistant venait de temps en temps.
Nous avons passé des weekends dans les dunes des Hamptons avec Cathee, Pierre et Isi.
Guy adorait s’amuser. Isi était généreux. Il avait compris que la vie était faite d’amitié et que la richesse était source de problèmes.
Il ne travaillait que pour gagner le minimum vital et de nombreux DA lui proposait des shootings qui complétait sa pension du gouvernement américain.
Isi n’a jamais demandé le moindre dollar de location, simplement l’achat de produits de laboratoire que l’on utilisait.

Son studio se trouvais à cinq minutes à pied de Max’s Kansas City, endroit mythique, restaurant, bar, discothèque  où se produisait des orchestres de rock. (Velvet Underground, Talking Heads, Patti Smith, Debbie Harris…)
Le crédit était possible pour les habitués.
On pouvait également payer en œuvres d’art avec pour exemple au coin du bar la carrosserie de voiture compactée par Chamberlain.
De temps en temps, Andy Warhol faisait une apparition avec sa cour, parfois des jeunes filles dinaient nues.
Tout était possible dans ces années contestataires. La ville était dangereuse mais la créativité artistique était importante et pluri disciplinaire.

Claude Guillaumin
https://guillaumin-gallery.com/

 

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