En Afrique et Amérique latine, les coiffeurs non seulement coupent, rasent et arrangent les cheveux, ils les « construisent » tels de véritables architectes. Le salon de coiffure des Tropiques est toutefois d’une nature très variée, des barbiers de rue aux salons chics. Il n’y a certes pas de pratiques normalisées, mais ces salons de coiffure partagent tous le charme d’être un lieu de rencontre où le temps est suspendu.
Laurent Muschel a voyagé à travers les Tropiques, photographiant l’intimité de ce monde particulier des salons de coiffure. Il est dit que la principale caractéristique de la photographie de rue est la capacité à lire les signes et à les communiquer à un public inconnu. C’est un talent que Laurent Muschel a su illustrer parfaitement. Il photographie et révèle les petits détails et gestes, nous invitant à venir plus près et à explorer plus avant. Ce faisant, il nous ouvre un monde souvent négligé, un monde qui paraît à la fois étrange et familier, un monde plein de beauté.
Laurent Muschel se promène calmement à travers les motifs, délaissant toute dramatisation inutile, ou tout discours déjà vu sur la pauvreté en Afrique. La coiffure est un prétexte pour quelque chose d’autre: un pur plaisir photographique où une paire de ciseaux prend une nouvelle dimension au-delà d’un simple instrument sans âme. Dans son livre « Conversations avec mon coiffeur », Tal Ben Shahar déclare que les coiffeurs révèlent non seulement notre beauté extérieure mais aussi intérieure. Au-delà de l’anecdote, les photos de Laurent Muschel nous font découvrir cet « intérieur ».
A l’arrière de ces salons de coiffure, on mange, parle, dort ou on regarde un match de football sur petit écran. La multitude et diversité des scénarios exposés dans les photographies de Laurent Muschel font partie de son approche narrative.
La couleur joue également un rôle essentiel dans les photographies de Laurent Muschel, comme cela a été le cas dans ses travaux précédents. Dans beaucoup de salons qu’il a photographiés, les intérieurs sont pauvrement éclairés et de ce fait les couleurs ne sont pas très vives, ayant un rendu tirant sur les gris et les bruns. Inversement, dans un bon nombre des photographies exposées dans le livre, des éléments explosent de couleurs éclatantes– la chemise du rasta, ou les façades rose vif de certains salons de coiffure. Mais lorsque l’espace est étroit, les couleurs sont atténuées, et l’œil du spectateur doit s’adapter à travers les nuances et les ombres, entre les couleurs sombres et les noirs profonds.
Laurent Muschel transforme le business de la coiffure qui apparait, de prime abord, comme « banal » en une cérémonie fétiche. Les salons deviennent des églises, les chaises des trônes. Les comptoirs et les tables remplis d’accessoires de coiffure se métamorphosent en autels. A travers une comparaison de nature quasi-religieuse, lorsque Jean-Hubert Martin fut le curateur d’une célèbre exposition à Düsseldorf, il désigna l’accumulation d’objets dignes d’être vénérés comme « un art pour s’agenouiller ». C’est de cette manière que les espaces photographiés par Laurent Muschel peuvent être vus; le photographe s’agenouille religieusement devant la beauté et ses créations, dans une admiration que nous pouvons que partager.
Tropical Hair salonsest le nouveau livre du photographe qui sera publié en Septembre (Editions Lecturis)