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La Samaritaine : Lee Shulman – The Anonymous Project

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Elles ornent les murs, habillent les portes des ascenseurs, s’invitent dans des installations monumentales au rez-de-chaussée ; voici qu’à l’occasion de la campagne « Paris Venise en tête-à-tête », des photographies d’anonymes s’installent à la Samaritaine, avant de s’envoler pour la Biennale.

Ces photographies ce sont celles d’hommes et de femmes, ayant vécu dans les années soixante-dix. Ni lieu, ni date, ni nom ne sont précisés… c’est à nous visiteurs d’observer et d’imaginer plus amplement ces moments de vies passées.

Imaginer. C’est cela qui anime Lee Shulman, de développer « l’expérience interprétative du spectateur ». De nationalité britannique, réalisateur de films il est aussi l’heureux fondateur et directeur de cette collection inédite, intitulée The Anonymous Project. Comme il l’explique lui-même : « Tout a commencé quand mes parents m’ont donné une boîte de vieilles pellicules de photos de famille qu’ils n’avaient pas fait tirer. Cela a éveillé chez moi un intérêt pour ces images oubliées, et je me suis mis à en acheter aléatoirement et frénétiquement sur eBay. » C’était il y a sept ans, et depuis, par ses acquisitions et les dons qui ont crûs au rythme de la popularité du projet, il a réussi à rassembler plus de 70 000 diapositives couleur. Une collection qui a sauvé « ces fragments d’histoire de l’obscurité où ils étaient consignés et de la tyrannie de la projection de diapositives » et leur a permis d’avoir une nouvelle destinée. Et pas n’importe laquelle ! Les voici aujourd’hui développés et exposés aux yeux de tous dans ce lieu parisien mythique, symbole de transmission, d’histoire, de réhabilitation… autant d’aspects qui fait écho à la philosophie de The Anonymous Project.

« C’est un des miracles constants de la photographie que ces images – captation d’une fraction de seconde – illuminent encore collectivement des millions de vie. » Des vitrines, aux escaliers jusqu’aux portes d’ascenseurs, ce sont de nombreuses scènes d’antan que peuvent revivre curieux et visiteurs. Au quatrième étage ; des amis dansent la chenille, au troisième, on observe un couple grandeur nature qui prend le soleil sur des transats, au deuxième des enfants à leur anniversaire, au premier, on croise deux femmes qui posent en superbes tenues de soirée d’été. Ce sont aussi deux installations d’envergure animent le au rez-de-chaussée ; une cascade réalisée avec un collage de plus de 400 photographies, et à quelques pas, des totems géants composés de 2000 diapositives chacun. On y voit des paysages, un jeune couple marié, un pique-nique entre amis au bord d’un lac, un jeune garçon sur son vélo, des enfants caressant un chien… On pourrait passer des heures à regarder ces moments de vie, sans artifices, qui ressemblent étrangement aux nôtres.

Si l’on peut observer et ressentir la complicité entre les sujets et celui qui a décidé de les immortaliser ; une autre proximité se joue, avec nous, spectateurs. On est frappés par la simplicité, l’authenticité et l’universalité de ces photographies. En les sélectionnant et en les exposant, Lee Shulman, mêle à la fois son âme de collectionneur, monteur et réalisateur pour devenir, comme il le dit lui-même, un « storyteller ». Ce qu’il cherche avant tout c’est la transmission et le partage. Ainsi, pour lui, habiller « les murs de familles inconnues, c’est un miroir de nos vies, cela ramène à l’essentiel. Et l’essentiel dans l’art, c’est de faire ressentir des émotions. »

En permettant ce dialogue visuel direct et vrai, Lee Shulman interroge les relations humaines et la notion d’intimité, et ce faisant, favorise l’émergence de nouveaux narratifs ; celui que nous projetons sur ces photos, celui que nous sommes en train de vivre en les regardant, et celui que nous imaginons sur nos propres clichés. Peut-être dans cinquante, cent ans nos souvenirs seront visionnés par nos successeurs dans une immense galerie, virtuelle ? Qui sait quelle forme cela prendra le temps venu. En attendant, celle proposée par The Anonymous Project pour « Paris-Venise » reste à découvrir jusqu’au 24 avril au 9 rue de la Monnaie à Paris.

Marine Aubenas

 

La Samaritaine
9 R. de la Monnaie
75001 Paris
7 février – 24 avril 2024

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