Le livre Desnorte marque les 50 ans de carrière de Bob Wolfenson (Sao Paulo, 1954), l’un des photographes les plus reconnus de la scène brésilienne.
Assistant de Bill King dans les années 1980, il n’est pas débutant lorsqu’il pousse la porte du studio du photographe de mode new-yorkais. Sa relation avec la photographie commence très tôt, à l’âge de 16 ans, à la suite du décès de son père, quand il devient apprenti photographe auprès de Chico Albuquerque, pionnier de la photographie publicitaire brésilienne. Huit ans plus tard, il ouvre son propre studio, alors qu’il prépare son diplôme en sciences sociales à l’Université de Sao Paulo. Bob Wolfenson finit par abandonner les études pour chercher le nord, littéralement et symboliquement, en s’installant aux Etats-Unis.
De retour au Brésil quelques années plus tard, il va se consacrer au portrait et au nu, à la photographie publicitaire et de mode et construire une trajectoire des plus solides. Ses compositions, audacieuses, impriment un regard subjectif à la photographie commerciale. Sa carrière prendra un nouvel envol à partir de 1996 lors d’une exposition au Musée d’Art de São Paulo où il présentera des portraits de personnalités artistiques, sportives et politiques du pays. Eclectique, il réalise des séries aux titres à double sens qui révèlent, au-delà d’un regard artistique, une vision du monde et du Brésil. Car cet artiste, issu de la communauté juive de São Paulo, a été élevé à la croisée du judaïsme et du socialisme.
Avec les essais L’Anti-façade (2004), Sur la route de la mer (2007) et Appréhensions (2010), le photographe quitte les limites physiques et esthétiques du studio pour réfléchir à des questions liées à l’environnement et aux tensions de la vie quotidienne dans sa mégapole natale : la dégradation progressive du paysage urbain et de la qualité de l’air par des engins industriels, ainsi que les formes multiples de la contrebande contemporaine, qui incluent bois exotiques, fourrures et animaux sauvages.
Bob Wolfenson sait jouer avec les mots. Desnorte, que l’on pourrait éventuellement traduire par l’absence de nord, présente plus d’une centaine d’images, tous genres photographiques confondus, sans un fil conducteur précis. Un choix délibéré, renforcé par le sentiment de désorientation, de perte de nord, que l’artiste éprouve face au contexte sociopolitique des temps qui courent.
Cristianne Rodrigues
Commissaire d’exposition