Photographe américain tombé amoureux de la France lors de sa jeunesse, David Turnley est un photographe de rue comme de documentaire. Il raconte des histoires avec sa « petite boite noire » autour du cou, surnom qu’il donne à son appareil photo. Sa série « Anna and Flander » est exposée dans les rues de Baden en Autriche, à l’occasion du festival de photographie La Gacilly-Baden.
Entre 1978 et 1980, David Turnley a documenté pendant deux ans le quotidien d’un couple de fermier, Anna et Flander Hamlin. La ferme, située près de Detroit dans le Michigan, a été un lieu unique à photographier. On y découvre la vie d’un couple qui s’aime depuis plus de 50 ans dans la complicité et l’harmonie. Le temps a passé et les a emportés depuis, mais cette série figée dans le temps reste toujours très forte. Lors du festival de photographie de Baden, en août dernier, notre correspondante Laurine Varnier s’est entretenue avec David Turnley.
Vous avez photographié pendant deux ans ce couple, Anna et Flander Hamlin. Comment avez-vous fait pour créer cette complicité si forte qui se lit dans votre série ?
David Turnley : Ils aimaient le fait que je m’intéresse à leur travail. Notre relation était très naturelle. J’ai passé des heures avec eux, parfois je prenais des photos, parfois on passait des après-midi à juste discuter. Je travaillais dans un journal local à 15 min de leur ferme. Je m’arrêtais régulièrement pour prendre un café et ils me donnaient tout le temps à manger, je ne pouvais pas refuser. Il fallait toujours que je mange ! (rire).
Vous avez eu accès à l’intimité de ce couple en les rencontrant régulièrement. Quels détails de leur vie vous sont restés en mémoire ?
D.T. : Je les ai adorés comme des membres de sa famille. Ils étaient croyants mais je ne savais pas comment cela se manifestait. Je restais souvent très tard, jusqu’à minuit. Je sentais que la religion était importante dans leur vie, sans oser leur en parler. Un soir, j’ai osé leur demander :
« Anna, quand je pars, qu’est-ce que vous faites ?
– On part dans le salon, on se prend les mains et on prie ensemble. »
Ils faisaient cela tous les soirs. Je leur ai demandé si je pouvais photographier ce moment. Flandre m’a répondu : « David, si je pouvais t’aider dans ton travail, je me mettrais sur la tête pour toi ! ». C’était très touchant de partager ce moment avec eux.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler en noir et blanc ?
D.T. : J’aime le noir et blanc parce que cela enlève la question de temps. Peut-être que cela permet aussi de donner une profondeur à l’âme.
Avez-vous photographié d’autres fermiers ?
D.T. : Lorsque je descends dans la Loire, j’ai l’occasion de photographier des vignobles. J’ai photographié un mariage de fermiers dans un village d’Ukraine. Le mariage durait trois jours. Le père avait travaillé toute sa vie pour permettre à chaque invité d’avoir une bouteille de Vodka sur la table. Il était content, c’était un moment rempli d’humanité auquel j’ai eu la chance d’assister.
Êtes-vous vous-même issu d’une famille d’agriculteurs ?
D.T. : Les parents de ma mère avaient une ferme. Ce que j’ai retrouvé en photographiant Anna et Flandre pendant deux ans, c’est la cohérence de leur mode de vie : ce qu’ils produisaient finissait dans leur assiette.
Auriez-vous aimé être fermier ?
D.T. : Je suis content d’être photographe et d’avoir la vie que j’ai. Mais j’ai un énorme respect pour les fermiers et les gens qui travaillent en général. J’aime les gens honnêtes et passionnés par ce qu’ils font.
Festival La Gacilly Baden
Baden, Autriche
13 juin 2024 au 13 octobre 2024
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