Les Chroniques Instagram de Jean-Marie Périer sont des pures merveilles.
Tous les 15 jours, nous en publions une.
Daniel Filipacchi, Jean Demachy et Maurice Tabard en 1957. (Pardonnez la qualité de la photo, J’avais 16 ans)
Pour « Marie-Claire », Daniel Filipacchi organisait parfois des séances hors de Paris. Cette fois-là nous étions à Deauville pour faire des photos de mode. Il y avait Jean Demachy, le directeur artistique du journal, une des rencontres qui aura le plus comptée dans ma vie, et au premier plan, Maurice Tabard, un photographe que les gens du journal n’appréciaient pas vraiment à sa juste valeur. En effet, il était préposé à l’entretien du studio de Paris. Ce grand artiste avait installé un petit laboratoire au fond près des toilettes, son monde à lui dans lequel il développait ses images avec un goût et une précision remarquable. Le peu de choses que je connais de la photographie c’est lui qui me les a apprises. Ensuite il rangeait le désordre du studio à la fin de la journée.
Quand je pense à tous les pontes du groupe Prouvost qui venaient faire les beaux devant des mannequins de rêve, sans adresser la parole à Tabard, ce poète silencieux… Ils sont comme ça les pontes, ils ont la tête dans leurs projets de gloire, de réussites enviables, sans même serrer la main d’un vieux monsieur penché sur son « Hasselblad », à la recherche d’images qu’ils achèteront à prix d’or une fois qu’il sera mort…
Comme Daniel l’aimait bien, il avait convaincu la rédaction d’emmener Tabard afin qu’il fasse aussi des photos différentes des siennes, apportant ainsi un autre style de ce qui se faisait dans les pages « mode » du journal.
Dernier souvenir de ce voyage, pour ses photos Daniel utilisait une grosse chambre en bois. Et moi j’avais oublié d’emporter l’indispensable trépied pour supporter l’engin. Impossible de travailler le premier jour, le temps qu’un autre assistant le rapporte de Paris. Daniel ne m’a même pas engueulé. On en a profité pour faire un déjeuner qui dura jusqu’au coucher du soleil. À l’époque cette ville était vide. Je ne sais plus qui disait : « Deauville c’est près de Paris mais c’est tellement loin de la mer… »
Jean-Marie Périer